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Mohamed Daher Robleh, un intellectuel militant djiboutien arrêté le 4 juillet dernier, a été détenu au secret, torturé pendant une dizaine de jours par des agents des services de renseignement avant d'être déchu de sa nationalité.

Le 4 juillet dernier, vers 7 heures du matin, il a été arrêté chez lui par des agents en civil du service de documentation et de sécurité (SDS). Les agents ont brutalisé sa femme et ses enfants en procédant à une fouille complète des lieux. Ils ont saisi trois ordinateurs, des livres, le téléphone portable de M. Daher Robleh ainsi que ses documents d'identité. Les agents du SDS lui ont ensuite bandé les yeux avant de l'emmener dans leur véhicule vers une destination inconnue.

Torturé et interrogé ses opinions politiques

Une fois arrivés dans leurs locaux, les ravisseurs se sont présentés comme « des agents de la sécurité nationale » et se sont mis à l'interroger. Ils lui ont demandé s'il était membre du Parti Mouvement pour le Développement et la Liberté (MoDel), un parti d'opposition non autorisé à Djibouti ou de l'Union pour le Salut National (USN), une coalition de mouvements politiques d'opposition qui fait l'objet d'une vague de répression par les autorités. Il a également été interrogé sur le financement du parti MoDel ainsi que sur celui de la campagne électorale de l'opposition.

M. Daher Robleh a répondu qu'il n'était pas membre mais sympathisant de ces partis, réponse qui n'a visiblement pas satisfait les agents du SDS. Vers 22h30, six hommes sont arrivés, l'ont déshabillé, menotté, et l'ont mis à plat ventre à même le sol et l'ont arrosé d'eau glacée avant de le fouetter avec des tuyaux en caoutchouc sur tout le corps. Après plusieurs heures de calvaire, ils l'ont ensuite enfermé dans une petite cellule suffocante, sans eau ni nourriture pendant plus d'une journée.

Ces tortures se sont poursuivies pendant les jours suivants avec la même sauvagerie, ses tortionnaires voulant lui faire avouer son implication dans des crimes imaginaires et obtenir le mot de passe de son compte email.

A l'issue de son calvaire, M. Daher Robleh a été emmené au service de la police judiciaire du SDS qui a établi un procès verbal d'audition lui affirmant qu'il allait être déféré devant le parquet. De fait, il n'a jamais été présenté devant le Procureur de la République et il sera libéré le 13 juillet suivant sans faire l'objet d'aucune procédure légale.

Le 18 juillet suivant, il a adressé au Procureur de la République de Djibouti une plainte contre X pour enlèvement, séquestration et torture, plainte à laquelle le parquet n'a, à ce jour, donné aucune suite.

Le 5 septembre, des policiers se sont présentés à son domicile pour lui remettre une convocation pour le lendemain au Commissariat central de la police. Le Directeur général de la Police qui l'a reçu lui a alors fait lecture d'un document présenté comme un Décret présidentiel daté du 2 septembre portant déchéance de sa nationalité. Aucune décision écrite ne lui a été régulièrement signifiée.

Il parait évident que, tant les tortures subies au cours de sa détention secrète que la mesure de déchéance de sa nationalité constituent des mesures de représailles des autorités et sont la conséquence de son engagement associatif et de ses opinions politiques ; le traitement subi par M. Daher Robleh s'inscrit dans le cadre d'une politique de répression engagée par les autorités djiboutiennes à l'égard de tout mouvement de contestation, fût-il pacifique.

L'affaire de Mohamed Daher Robleh, ainsi que les arrestations arbitraires de militants politiques et de défenseurs des droits de l'homme djiboutiens qui se sont déroulées au cours des derniers jours ne font que renforcer nos craintes quant à la grave dégradation de la situation des droits de l'homme dans le pays.

Djibouti sera examiné les 16 et 17 octobre prochains par le Comité des droits de l'homme des Nations unies à Genève et notre organisation suivra cet examen avec une attention particulière.

Aujourd'hui, Alkarama appelle le Rapporteur sur la torture de l'ONU à agir auprès des autorités djiboutiennes afin qu'elles cessent toute mesure de représailles contre les militants des droits de l'homme et des activistes politiques et de donner suite à la plainte déposée par M. Daher Robleh en menant une enquête exhaustive et impartiale sur les circonstances de son arrestation et des graves tortures qu'il a subies.