La Mauritanie sera examinée les 21 et 22 octobre prochains pour la première fois par le Comité des droits de l'homme de l'ONU à Genève au cours de sa 109e session. Ce n'est qu'en février 2012 que l'Etat partie avait finalement soumis son rapport initial aux experts onusiens, avec sept années de retard. Dans le cadre de ce processus d'examen qui a pour but d'évaluer la mise en œuvre des droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Alkarama a soumis un rapport alternatif dans lequel elle dresse un tableau de la situation des droits de l'homme en Mauritanie. Alkarama rencontrera les experts onusiens afin de leur faire part de ses principaux sujets de préoccupation le 21 octobre prochain.
Dans le cadre de la rédaction de son rapport alternatif, Alkarama a adressé une demande de visite officielle auprès de la représentation permanente de Mauritanie à Genève, qui est toutefois restée sans réponse. Alkarama regrette donc de n'avoir pu prendre en compte les positions des autorités sur les diverses questions relatives à la mise en œuvre du Pacte.
Le rapport dénonce ainsi la violation de plusieurs articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tout d'abord, l'utilisation excessive de la force par les agents du maintien de l'ordre, que ce soit en détention ou lors de la répression de manifestations, ainsi que la pratique de la disparition forcée, constituent une violation du droit à la vie, protégé à l'article 6.
Par ailleurs, au vu des lacunes de l'arsenal juridique relatif à l'interdiction de la torture ainsi que sa pratique toujours d'actualité dans les lieux de détention, le droit à l'intégrité, garanti par les articles 7 et 10 du Pacte, n'est pas protégé par les autorités mauritaniennes.
Le déni de la pratique de l'esclavage en Mauritanie qui persiste malgré son abolition légale, conduit également à une violation de l'article 8 du Pacte. Ainsi, en dépit de la loi de 2007 qui incrimine la pratique de l'esclavage, les auteurs et responsables de telles pratiques ne sont pas effectivement poursuivis et les peines prévues par la loi pas appliquées.
En matière de libertés publiques, la surenchère législative qui prévaut actuellement semble en totale contradiction avec la répression systématique de tout mouvement de contestation. Alkarama s'inquiète également de la pratique des arrestations et détentions arbitraires ainsi que du non-respect des garanties procédurales du procès équitable, car celles-ci vise très souvent à sanctionner l'exercice d'autres droits protégés par le Pacte.
Enfin, au vu du report successif des élections législatives et municipales depuis deux ans – désormais fixées au 23 novembre 2013 –, Alkarama a examiné dans son rapport la question de l'emprise du pouvoir exécutif sur toutes les structures de l'Etat. Notamment, le caractère discriminatoire du processus de recensement ainsi que le report systématique des élections sans aucune base légale en sont symptomatiques, et conduisent à une violation de l'article 25 du Pacte qui protège le droit des citoyens de participer aux affaires publiques.
L'examen de la Mauritanie sera l'occasion pour le Comité d'établir un dialogue avec les autorités sur la base du rapport national et des rapports alternatifs qui lui ont été soumis par la société civile. C'est sur cette base que les experts formuleront des recommandations pour encourager la Mauritanie à respecter davantage le Pacte auquel elle est partie depuis 2004.