« Si vous n’êtes pas vigilants, les journaux arriveront à vous faire détester les gens opprimés et aimer ceux qui les oppriment. » Malcolm X, Discours prononcé le 13 décembre 1964 à l'Audubon Ballroom de Harlem, New York.
1. Introduction
Dans son ouvrage intitulé « Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? », Ahmed Bensâada fait référence à Alkarama comme une « ONG droit-de-l’hommiste établie en Suisse ».[1] L’utilisation du terme « droit-de-l’hommiste »[2] n’est pas fortuite en ce qu’elle revêt une connotation négative.
Ce néologisme péjoratif semble indiquer – consciemment ou pas – une claire inimitié de l’auteur envers l’organisation, une inimitié qui si elle ne faisait pas partie d’un discours dangereux pour les droits humains n’aurait guère attiré notre attention. Le terme « droit-de-l’hommiste » indique d’abord un préjugé. Le préjugé est défini comme un jugement ou une opinion préconçue envers un groupe de personnes ou une catégorie sociale. Par nature, une fois un préjugé est formé il se diffuse en dehors de toute connaissance objective, sans même qu’il n’y ait eu de contact entre l’auteur du préjugé et sa cible.[3] Partant, les préjugés reposent sur une exagération erronée et rigide et peuvent être tout simplement définis comme le résume l’un des théoriciens du sujet : « penser du mal d’autres sans raison valable ».[4]
C’est donc l’approche que l’auteur adopte dans sa publication lorsqu’il qualifie ses cibles de « ténors autoproclamés » et sur qui il s’affaire à construire des théories selon lesquelles ils auraient des visées maléfiques pour le pays, sans toutefois apporter aucun argument propre à soutenir son assertion. Le livre d’Ahmed Bensâada est fondé sur des préjugés, et non sur une recherche exhaustive et rigoureuse qui aurait permis de donner au lecteur une image aussi fidèle que possible de la réalité – ce qui est le but de tout chercheur honnête. Ahmed Bensâada n’a jamais jugé utile de contacter Alkarama, dans un souci d’impartialité, alors que l’avant-propos présente son travail comme une « enquête ». Or il s’agit ici d’un véritable réquisitoire à charge dans le cadre d’un procès in absentia et inéquitable de personnes et d’organisations qui n’ont pas eu droit à la parole pour se défendre. Reste à comprendre et à déchiffrer ce qui motive « l’enquêteur » Ahmed Bensâada. Il va sans dire que son positionnement s’inscrit, de fait, à contre-courant des revendications du hirak pour une justice indépendante et la primauté de la règle de droit dont l’un des principes cardinaux est la présomption d’innocence.
L’auteur nous donne donc l’opportunité de répondre à ses contrevérités en déconstruisant son discours et en mettant en évidence le danger qu’il représente pour les droits humains. Il nous permet également de nous adresser au peuple algérien et à sa jeunesse pour rappeler que le premier droit civil à mettre en œuvre est bien celui de notre peuple à disposer enfin de lui-même près de soixante années après avoir libéré sa terre.
Notre réponse se fera donc en quatre temps : il s’agira de répondre à la question non résolue d’Ahmed Bensâada « mais qui est donc Alkarama ? » (chapitre 2). Après avoir clarifié ce qu’est Alkarama, nous expliquerons ce qu’elle n’est pas (chapitre 3). Nous répondrons ensuite directement aux accusations faites par l’auteur en expliquant leur genèse et en les déconstruisant une par une (chapitre 4). De plus, il nous apparait nécessaire d’aller au-delà du livre d’Ahmed Bensâada, pour déconstruire un discours bien établi, utilisé par les idéologues populistes et les régimes totalitaires consistant à diffamer publiquement les défenseurs des droits de l’homme (chapitre 5). En tant qu’organisation de défense des droits humains dont l’un des buts est de conscientiser les populations sur le respect de leurs droits et libertés fondamentales, nous expliquerons pourquoi de tels discours sont dangereux (chapitre 6) et comment leur faire face pour protéger nos droits et libertés fondamentales (chapitre 7). Il est essentiel pour le hirak, en tant que mouvement populaire, de comprendre que tant son combat pacifique que ses revendications sont non seulement légitimes mais constituent des droits protégés par la Constitution et les Conventions ratifiées par l’Algérie.
2. Mais qui est donc Alkarama ?
Alkarama une « organisation droit-de-l’hommiste » ? Ce terme qui s’est transformé dans le discours contemporain en néologisme péjoratif[5] avait été inventé par Alain Pellet, professeur de droit international à Nanterre, sans qu’il n’ait nullement l’intention de lui donner un sens dévalorisant. Dans son esprit, ce terme servait seulement à qualifier « l'état d'esprit des militants des droits de l'homme, pour lesquels je nourris, disait-il, la plus grande admiration, tout en mettant en garde contre la confusion des genres : le droit d'une part, l'idéologie des droits de l'homme de l'autre ».[6]
Aujourd’hui, ce terme rassemble à lui seul toutes les critiques – fondées comme infondées – sur les discours et mouvements des droits de l’homme. Dans le cas présent, il semble vouloir indiquer qu’Alkarama se servirait du discours des droits de l’homme à d’autres fins, accusation que l’auteur n’est ni le premier, ni le dernier à faire étant donné le climat international délétère en matière de respect pour les principes fondamentaux de dignité humaine. Il nous paraît donc primordial de répondre à la question que l’auteur pose, sans y répondre lui-même, « mais qui est donc Alkarama ? ». Il ne s’agit pas uniquement de défendre l’organisation, mais surtout la philosophie qui sous-tend la défense des droits humains, à savoir le respect de la dignité de chaque être humain, sans discrimination.
D’autre part, nous montrerons que les accusations de l’auteur de « financement du terrorisme » constituent en réalité des représailles contre l’organisation. Il est coutumier pour les Etats autoritaires et/ou qui violent les droits humains d’accuser ceux qui dénoncent ses violations de terrorisme, afin de discréditer toute critique légitime et faciliter sa répression.[i]
2.1. La philosophie d’Alkarama : les droits de l’homme pour défendre la dignité de tous
Alkarama est née de la conviction que documenter les violations généralisées et systématiques des droits humains dans le monde arabe, à l’attention des mécanismes des droits de l'homme des Nations unies, permettrait de les réduire en dénonçant leurs auteurs et commanditaires. Avoir recours aux mécanismes quasi-judiciaires des Nations unies compenserait, dans une certaine mesure, l'absence d'Etat de droit dans les pays de la région.
La philosophie de l’organisation consiste alors à mettre le droit international des droits de l'homme et ses mécanismes au service des victimes de violations pour qu’elles puissent être reconnues. Après tout, rappelons que le droit international n’est pas un droit étranger : il fait entièrement partie du droit de chaque Etat qui l’a établi et longuement négocié à travers des traités qu’il s’est engagé à respecter. Nous reviendrons sur ce point dans notre seconde partie pour répondre aux accusations souvent formulées à l’égard de ceux, en Algérie comme ailleurs, qui font appel au droit international et à ses mécanismes pour défendre leurs compatriotes contre l’injustice.
Pour les victimes de violations des droits de l’homme, il demeure primordial qu’elles soient entendues et considérées. Cette considération a un impact d’autant plus fort qu’elle émane d’experts indépendants des Nations unies. Cela signifie, à tout le moins, une reconnaissance internationale de leur statut de victimes et des droits qui lui sont naturellement attachés : reconnaissance, réparation, poursuite pénale et sanction des auteurs. Non seulement cette reconnaissance contribuerait à réhabiliter la victime dans sa dignité, mais elle constituerait également une forme naissante de responsabilité des auteurs. Depuis la création d’Alkarama, ce sont plusieurs milliers de victimes, hommes, femmes et enfants, de toute religion ou affiliation politique qui ont fait appel à notre expertise dans tous les pays de la Ligue arabe, et même au-delà. Par exemple, Alkarama a introduit les seules plaintes existantes au niveau onusien à l’encontre des Etats-Unis d’Amérique pour des faits de disparition forcées d’Irakiens après l’invasion de 2003.[7]
En plus des plaintes individuelles, les examens des organes conventionnels des Nations unies, ainsi que les examens périodiques universels du Conseil des droits de l'homme, nous permettent de faire la lumière sur les causes systémiques des violations que nous documentons. En l'absence de toute légitimité démocratique, les régimes du monde arabe s'appuient sur la peur qu'ils inspirent à leur population pour assurer leur propre stabilité et sécurité. Il n'est donc pas surprenant que ces pays produisent des lois qui assimilent toute expression critique libre à une attaque contre la stabilité et la sécurité de l'Etat, voire à une forme de terrorisme. Ces lois injustes sont mises en œuvre par un appareil répressif qui recourt à la violence et à l’arbitraire en toute impunité, démontrant ainsi l’approbation de ces abus au plus haut niveau de l’Etat. Au cours de ces examens, nous pouvons mettre en lumière et contester ces lois et ces pratiques. Les représentants des Etats sont enfin confrontés aux violations commises, au moins devant les experts des Nations unies. Ainsi, plusieurs centaines de rapports et de notes ont été rédigés par les juristes de l’organisation sur chaque pays arabe ainsi que d’autres pays, y compris les Etats-Unis.
Enfin, nous communiquons à la fois sur nos plaintes individuelles et sur les examens périodiques pour sensibiliser les sociétés civiles locales à l'utilité d'une telle démarche. Nous avons formé des défenseurs des droits de l'homme afin de reproduire notre travail basé sur le principe de la non-discrimination dans une région marquée par des divisions ethniques, linguistiques, religieuses et politiques qui ont polarisé même les sociétés civiles. Cette contribution même entre dans cette démarche de conscientisation : il est primordial de déconstruire les discours tels que ceux d’Ahmed Bensâada qui mettent en danger les libertés fondamentales en s’attaquant à ceux qui en font usage et ceux qui les défendent.
2.2. Agir pour les droits de l’homme
L’expertise d’Alkarama en matière de droit international des droits de l’homme et des mécanismes onusiens est aujourd’hui reconnue par l’organisation des Nations unies elle-même, qui ne manque pas de soutenir Alkarama face aux attaques qu’elle subit depuis sa création.
Nous sommes fiers d'avoir été les initiateurs des deux seules enquêtes internationales indépendantes sur les pays arabes menées par le Comité contre la torture, à savoir le Liban[8] et l'Egypte.[9] Ces deux enquêtes internationales ont conclu que la torture est pratiquée de manière systématique dans ces deux pays, ouvrant la possibilité de poursuites pénales individuelles contre les responsables, y compris sur la base de la compétence universelle.[ii]
A ces enquêtes s’ajoutent des plaintes confidentielles contre plusieurs Etats de la région qui commettent les pires atrocités, y compris les Emirats Arabes Unies et l’Arabie Saoudite pour la répression implacable des opposants politiques et religieux, des journalistes et des avocats qui subissent une violence extrême et meurent parfois sous la torture et les traitements inhumains. Alkarama a également été à l’origine de plusieurs enquêtes sur les effets des attaques américaines au Yémen, un pays déjà dévasté par une crise humanitaire sans précédent. Ces rapports d’enquêtes remis aux experts indépendants des Nations unies ont permis de dénoncer les nombreux morts innocents des attaques de drones[10] ainsi que leurs effets dévastateurs sur l’état psychologique des populations, notamment des femmes et des enfants vivant sous la peur constante d’une frappe aérienne.[11]
Voilà donc une première clarification à la question de l’auteur « qui est donc Alkarama ? ». Une organisation qui, avec un budget et des moyens limités, mais grâce à des équipes et des réseaux bénévoles partageant nos principes, se bat contre l’injustice, cas par cas, plainte par plainte, rapport par rapport. Même si les effets de telles procédures ne se voient pas immédiatement et ostensiblement, elles constituent un début de justice, celui de refuser aux puissants le privilège de l’impunité.
Notre vision ? Celle d’un monde arabe où chacun peut exiger le respect de tous ses droits, sans craindre pour sa vie, sa liberté ou son intégrité physique. C’est un monde où les droits de toutes les personnes vivant sous la juridiction d’un Etat sont effectivement protégés par la loi et où les dirigeants rendent compte à leur population, respectent les lois internes et les conventions internationales des droits de l’homme. C’est notre vœu pour chaque pays de la région, notamment l’Algérie.
3. Défaire les préjugés avec la déontologie du travail d’Alkarama
Lorsque l’auteur pose la question de savoir pourquoi Alkarama a défendu Karim Tabbou,[12] à défaut d’autres victimes, il ignore deux principes essentiels du travail de défense juridique : celui selon lequel c’est la victime qui s’adresse à l’avocat et non le contraire, d’une part, et celui de la confidentialité du traitement des cas, d’autre part.
Il soutient également que l’organisation n’est rien de plus que la vitrine associative du mouvement Rachad.
Les victimes défendues par Alkarama viennent de tous les horizons ; et défendre des victimes suppose d’abord le respect de certains principes qui relèvent de « l’éthique » ou de la « déontologie » juridique.
D’autre part, si Alkarama et Rachad disposent de personnalités en commun, une analyse plus objective de la situation montre que ce sont deux organisations bien différentes agissant pour des buts et dans des cadres différents.
3.1. La déontologie du travail d’assistance juridique : une garantie d’indépendance
Alkarama fonctionne à la manière d’un cabinet d’avocat traitant des violations au niveau international, à ceci près que l’assistance est fournie pro bono, c’est à dire gratuitement. A ce titre, ses juristes sont soumis à la déontologie du travail juridique. L’éthique juridique implique ensuite pour le juriste défenseur des droits de l’homme d’exercer son mandat avec dignité, indépendance, non-discrimination, intégrité et justice. Ces principes sont consacrés dans la charte de l’organisation qui règle son fonctionnement, et que l’auteur aurait pu consulter pour obtenir des informations sur Alkarama qui ne soient pas issus de journaux américains néo-conservateurs,[13] de tabloïds anglais ou encore de la presse inféodée aux Etats autoritaires de la région dont les Emirats Arabes Unis.[14]
Il est important de rappeler l’éthique qui guide notre travail. Tout d’abord la dignité, c’est-à-dire le respect qui est dû à tout être humain du fait de son humanité, guide la manière avec laquelle nous traitons les victimes de violations qui nous sollicitent, et en respectant les règles de confidentialité et de leur consentement éclairé pour toute action prise par l’organisation. Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi Alkarama, Dignité en arabe, comme nom pour notre organisation. De ce concept de dignité découle celui de la non-discrimination, une égalité de traitement de toutes les victimes de violations qui nous saisissent, dans la mesure où ces violations entrent dans notre mandat, sans autre considération.
Avoir une approche permettant d’assister toute personne se présentant à nous, sans discrimination, implique nécessairement une indépendance à laquelle Alkarama est particulièrement attachée. L’indépendance signifie la faculté d’agir librement, sans contrainte ou injonction d’une entité politique ou idéologique quelle qu’elle soit. En pratique, la stratégie d’action d'Alkarama n’obéit ni à des pressions politiques ni idéologiques ni financières. Les choix stratégiques en matière de priorités et axes de notre travail font l’objet d’une consultation effective et détaillée avec le personnel et le Conseil consultatif, et sur la base d’une étude objective des réalités et des problématiques des violations des droits de l’homme dans les pays que nous couvrons. Cela signifie encore, et surtout, le refus catégorique de tout financement comportant des conditions qui iraient à l’encontre de nos valeurs ou des intérêts des victimes ou provenant de gouvernements ou entités qui commettent de graves violations des droits de l’homme ou qui seraient impliqués directement ou indirectement dans des conflits dans la région.
Enfin, cette indépendance nous donne la possibilité, et la crédibilité nécessaire, pour interagir avec toutes les parties de la société qui composent le monde arabe. Ainsi, Alkarama est fière de compter des soutiens dans l’ensemble de ces sociétés, à travers les différents spectres politiques et sectaires qui divisent pourtant si profondément le monde arabe.
Nous avons ainsi pu aider des victimes tout aussi diverses que des religieux shiites en Arabie Saoudite et au Bahreïn, des chouyoukhs sunnites en Arabie Saoudite, des minorités juives au Yémen forcées de quitter leurs terres ancestrales, des défenseur(e)s des droits des femmes et des libéraux en Arabie Saoudite, des activistes écologistes à Oman, des familles palestiniennes dans les territoires et réfugiées, des Syriens de tous bords, des activistes de gauche et des membres des Frères musulmans en Egypte… En Algérie, les personnes qui font appel à nous sont celles que l’on voit défiler pacifiquement les vendredis et qui sont arrêtées arbitrairement. Ainsi depuis le début du hirak, ce ne sont pas moins d’une vingtaine de saisies urgentes qui ont été faites par notre équipe.
3.2. Rachad et Alkarama : des organisations différentes avec une autonomie propre
Il faut rappeler qu’Alkarama est une organisation constituée en Suisse, selon le droit suisse. Ses membres algériens n’en sont que l’une des composantes et elle n'est organiquement pas liée au mouvement Rachad. Il faut cependant noter qu'un membre de son Conseil (Abbas Aroua) et deux personnes de son exécutif (Mourad Dhina et Rachid Mesli) sont aussi membres de Rachad. Cette relation est cependant encadrée par la charte de l’organisation,[15] qui impose notamment que « la stratégie d’Alkarama n’obéit ni à des pressions politiques ni idéologiques ni financières », et rappelle que « l’engagement pour les droits de l'homme est, vu sous un certain angle, aussi un engagement politique ». Ainsi la charte d’Alkarama n’exclut pas la possibilité pour ses membres d’avoir une activité politique, comme c’est le cas de toute ONG. Toutefois cette charte impose que cet engagement respecte des limites claires, notamment celles de préserver l’indépendance et l’impartialité de l'organisation afin de pouvoir agir au mieux de l'intérêt des victimes. Les membres d’Alkarama qui font partie de Rachad ont toujours respecté ces principes.
Il est donc clair qu'en aucun cas Alkarama ne pourrait être tenue pour responsable des actions de Rachad et vice-versa. Certains médias et activistes se sont cependant attaqués à Alkarama pour tenter de discréditer Rachad en présentant Alkarama tantôt comme une « officine qatarie » ou carrément comme une entité « terroriste ». Par le biais de ce même stratagème ils espèrent renverser les rôles et décrédibiliser le travail juridique reconnu d'Alkarama en la présentant comme un pion des « visées politiques » de Rachad. La présente contribution rappelle des faits et des données vérifiables sur Alkarama et son travail et répond ainsi aux accusations infondées dirigées contre elle.
Bien avant Bensâada, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite avaient tenté de nous discréditer soit directement soit à travers des mercenaires de la plume néo-conservateurs et islamophobes ou des journalistes en quête de « gros titres », notamment en Suisse, clamant à tout va qu’une dangereuse organisation terroriste serait au registre des fondations et aurait accès aux Nations unies. Nous considérons pour notre part ces attaques contre une petite organisation composée de quelques juristes comme un aveu de l’impact de notre action sur ceux qui commettent les pires atrocités, en Algérie comme ailleurs dans le monde arabe.
4. L’usage de la diffamation contre les défenseurs des droits de l’homme
Depuis sa création, Alkarama a fait l’objet d’accusations aussi diverses que variées, certaines aussi grotesques que risibles. Elles traduisent en réalité l’agacement, puis l’inquiétude, des dirigeants des régimes répressifs arabes instigateurs des pires crimes contre leurs peuples, face au travail de notre équipe. Elles sont également le fruit d’une réelle défiance envers tout ce qui a trait à l’islam, et ce même lorsque des musulmans clament et s’approprient leurs droits universels à la dignité et la liberté. Elles doivent également être comprises dans le contexte post-« 11 septembre » et de la politique américaine, soutenue par des régimes arabes, de répression aveugle des populations de nombreux pays musulmans dont l’image la plus marquante reste celle des Irakiens à Abu Ghraib, torturés, dénudés, humiliés et attachés par le cou.
Il nous est important d’expliquer la genèse de ces accusations que l’auteur ne fait qu’effleurer lorsqu’il se contente de lâcher « nonobstant les accusations de financement de terrorisme portées contre cette ONG » ajoutant que ce « sujet ne sera pas développé ici ». Il se fait donc simplement le relai des accusations de « financement de terrorisme » sans même les développer. Peut-être devine-t-il que ces accusations sont difficiles à soutenir ? De plus, il ajoute qu’elle est financée par des capitaux qataris, encore faut-il savoir à quels capitaux il fait allusion. Enfin, il fait référence au fait que Mourad Dhina a été longtemps son directeur exécutif. Il convient donc de traiter de ces trois points successivement.
4.1. Quel financement qatari ?
Alkarama tient pour principe fondamental dans son fonctionnement de ne jamais accepter de fonds d’Etats de la région pour préserver son indépendance. En tant que fondation de droit suisse elle est soumise au strict contrôle de l’autorité fédérale qui vérifie ses sources de financement et la façon dont ses fonds sont dépensés. Alkarama a été financée strictement par des personnes privées, engagées pour la dignité de la personne humaine et la défense des droits des opprimés. Dire qu’Alkarama est financé par le Qatar est tout simplement faux. Pour voir à quoi ressemble une ONG financée par un Etat de la région, il suffit de se rendre à Genève pour voir les bureaux luxueux et chauffeurs privés dont ces « défenseurs des droits de l’homme » disposent, et surtout d’entendre leurs discours élogieux aux Nations unies à l’attention de leurs pourvoyeurs de fonds. La pratique du financement des ONG par certains pays à Genève a principalement pour but de créer des vitrines prétendument « indépendantes » dont le rôle est de nier les violations des droits de l’homme commises par leurs sponsors. En d’autres termes, ces organisations ne sont que le bras associatif des Etats au sein des Nations unies pour les protéger tout en attaquant leurs ennemis, parmi lesquels Alkarama figure en bonne place.
Des « GONGOS », un jeu d’acronymes pour désigner les organisations « gouvernementales non gouvernementales », financées par les Etats ; vous en trouverez à foison à Genève, et pour les identifier il suffit de consulter leurs rapports sur le site du Haut-Commissariat aux droits de l’homme comme celui, à titre d’exemple, de l’« Arab Federation for Human Rights » (ArabFHR) lors de l’examen des Emirats Arabes Unis par le Conseil des droits de l’homme en 2017. Comparez ensuite ce type de rapport avec ceux des ONG réellement indépendantes.[16] Vous ne trouverez dans le rapport de cette « ArabFHR » qu’une description élogieuse des Emirats Arabes Unis, où personne ne semble être détenu pour avoir exercé son métier d’avocat ou s’être opposé pacifiquement aux Emirs de ce pays autoritaire. Une GONGO qui niera l’existence des disparitions forcées en Egypte sous le régime du « maréchal » Al Sissi malgré les milliers de cas enregistrés auprès du Groupe de travail sur les disparitions forcées de Nations unies, et dont le directeur affirmera sans vergogne à la figure des familles des jeunes victimes que « les cas de disparitions forcées en Egypte ne sont que des mensonges proférés par des groupes dirigés par les Frères musulmans, qui utilisent les mécanismes des droits de l’homme politiquement ».[17]
Un autre exemple édifiant, le « Global Network for Rights and Development » (GNRD), au service des Emirats Arabes Unis, qui avait publié un « index des droits de l’homme », plaçant sans rougir leurs Etats sponsors et amis au top de la liste, avant même les démocraties occidentales, et ce malgré les rapports accablants d’ONG indépendantes et des Nations unies.[18]
Il suffit pour n’importe quel chercheur de bonne foi d’aller sur le site d’Alkarama ou encore de faire quelques recherches sur le site du Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme pour relever qu’Alkarama est la seule organisation à travailler régulièrement sur les problématiques des droits humains au Qatar. Nos rapports aux Comités et aux experts indépendants ont été les plus critiques envers cet Etat et ont régulièrement relevé tant l’absence de protection des libertés fondamentales que les violations des droits des détenus et de ceux des travailleurs migrants.[19] Est-ce vraiment ce que l’on attend d’une organisation financée par le Qatar ? Nous avons soumis des rapports et des plaintes individuelles contre chacun des pays de la région – y compris le Qatar –, et nous n’avons jamais félicité aucun Etat du Golfe pour ses prouesses imaginaires en matière de respect des droits humains. C’est bien cette approche critique et impartiale qui a fini par nous mettre à dos l’ensemble des Etats de la région et explique les attaques incessantes contre Alkarama. Et quelle attaque plus sournoise et plus efficace aujourd’hui contre des organisations arabes que celle du « terrorisme » ?
4.2. Quel financement du terrorisme ?
Alkarama a toujours été très claire : la non-violence est un principe fondamental de sa charte et l’organisation a toujours condamné le terrorisme, qui est l’utilisation de la terreur et de la violence à des fins politiques. Dans le monde arabe toutefois, l’étiquette du terrorisme est devenue l’arme de prédilection des régimes autoritaires pour étouffer toute critique ou demande pacifique de participation à la vie politique. Ainsi, ceux qui souhaitent s’attaquer au travail que nous menons depuis 2004 ne se privent pas d’accuser Alkarama de soutenir le terrorisme.
Ces accusations de liens avec le terrorisme avaient débuté avec le « listing » par les Etats-Unis, à la demande de leurs alliés du Golfe, de l’un des fondateurs d’Alkarama, Abdulrahman Al Nuaimi, ancien professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’université du Qatar et militant pour les droits de l’homme, ancien prisonnier de conscience d’Amnesty International.[20] Nous invitons toute personne qui cherche honnêtement à comprendre son histoire et sa situation à lire la décision du Groupe de Travail des Nations unies sur la Détention Arbitraire de 2018 le concernant. Les experts indépendants ont relevé le fait qu’en décembre 2013, le Département du Trésor des Etats-Unis d’Amérique ait inscrit Abdulrahman Al Nuaimi sur la liste des « personnes finançant et facilitant des actes de terrorisme » sans permettre aucun recours de sa part. Ce système de « listing » unilatéral, mis en place par les Etats-Unis après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et renforcé après l’invasion illégale de l’Irak par les forces américaines, a constitué une véritable machine à lister toute personne suspecte.[21] Or parfois, par « personne suspecte » il faut entendre en réalité opposée à l’interventionnisme américain dans la région ou aux régimes arabes totalitaires. Aucun élément de preuve n’a été produit par le Département du Trésor américain, alors que Abdulrahman Al Nuaimi, niant toutes les accusations portées contre lui, a officiellement fait savoir aux autorités américaines, ainsi qu’au Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, qu’il était disposé à se présenter devant des tribunaux américains pour être jugé. En vain.
Il fut toutefois poursuivi, emprisonné et jugé par un tribunal dans son pays qui, faute de tout élément de preuve transmis par les Etats-Unis corroborant ces accusations, a été contraint de rendre un jugement le 30 mai 2016 l’innocentant de toutes les charges portées contre lui.
Dans leur décision de 2018, les experts indépendants de l’ONU s’étaient inquiétés du manque de clarté des poursuites à son encontre dans le contexte général de la lutte contre le terrorisme. Et les experts de conclure que « cela soulève de sérieuses inquiétudes quant à la véritable raison d’être de cette affaire, en particulier lorsqu’il est question de pratiques mondiales bien connues qui ont été adoptées après le 11 septembre 2001 ».[22] Ce que les experts soulèvent ici a été documenté et analysé par des études académiques en droit international et par la société civile : le mépris total pour les droits fondamentaux des personnes concernées par les mesures anti-terroristes prises par les Etats-Unis et leurs alliés dans le monde suite aux attaques du 11 septembre 2001. Comme le souligne l’experte indépendante des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, « pour aucune de ses résolutions relatives à la lutte antiterroriste, […], le Conseil de sécurité n’a dialogué avec la société civile pour en déterminer les effets juridiques, politiques, sociaux et culturels ».[23] En outre, selon l’experte, l’absence de définition du terrorisme dans la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies établissant ces fameuses listes de sanctions « a ouvert la porte à l’inscription arbitraire ou malveillante du nom de toute personne ou groupe, y compris de la société civile, et ce, sous l’égide légitimatrice du Conseil ».[24]
En 2014, Abdulrahman Al Nuaimi a démissionné d’Alkarama,[25] une démission suivie d’une lettre du Département du Trésor américain expliquant, avec une sorte de bienveillance mal placée, qu’Alkarama n’était nullement visée par les accusations du Trésor américain mais qu’elle devait tout de même prendre plus de précautions dans le futur.
Mais le mal était fait, et le bâton pour battre Alkarama était servi sur un plateau d’argent par les Américains à leurs alliés de la région pour discréditer notre organisation et déclencher des campagnes de désinformation dans la presse, qu’il s’agisse du journal libanais As-Safir, qui accuse ouvertement Alkarama de « soutenir le terrorisme » et de « propager l'anarchie », de la chaîne libanaise affiliée au Hezbollah, Al Manar ou des sites d'information des gouvernements syrien, RTV.gov et Al Thawra ou saoudien Al Akhbar Al Youm.
Il est vrai qu’Alkarama a été à l’origine d’une enquête internationale sur la pratique de la torture au Liban, y compris par le Hezbollah, et qu’elle est l’une des sources les plus importantes de documentation des disparitions forcées et d’exécutions extra-judiciaires commises par le régime syrien.
Ensuite, c’est le magazine Commentary, un journal américain néo-conservateur et pro-israélien, qui a accusé Alkarama d'être dirigée par un « financier d'Al-Qaida », en référence à Abdulrahman Al Naimi.[26] En octobre 2014, c’est cette fois le journal suisse Le Temps qui a publié un article intitulé « La ville de Genève a financé une ONG accusée de liens avec Al-Qaïda »,[27]qui a été ensuite relayé par d'autres médias suisses.
Nous avons donc décidé de réagir et un mois plus tard le directeur juridique d’Alkarama, Rachid Mesli, a publié un article sur la difficulté de défendre les droits de l'homme dans le monde arabe, expliquant que dans le monde arabe, ceux qui osent critiquer les régimes autoritaires ou exiger plus de liberté sont accusés de terrorisme pour étouffer toute critique.[28]
En novembre 2014, l'agence de presse des Emirats Arabes Unis a publié une liste de 85 organisations « désignées comme terroristes en application de la loi fédérale n° 7 pour 2014 sur la lutte contre les crimes terroristes », publiée par le cheikh Khalifa bin Zayed Al Nayhan dans le but de « sensibiliser la société à ces organisations ».[29] Cette liste qui comprend des organisations terroristes internationalement reconnues, telles qu'Al-Qaida ou ISIL (l'Etat islamique d'Irak et du Levant), comprend également plusieurs associations musulmanes en Europe et des ONG internationales reconnues, telles que le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) et le Secours Islamique. Alkarama figure parmi les associations listées. Malgré nos tentatives de joindre la représentation émiratie à Genève pour obtenir des explications, aucune réponse ne nous est parvenue. Ce listing ne nous surprenait pas outre mesure et ne nous a pas empêché de continuer notre travail en faveur des victimes avec les mécanismes onusiens des droits de l’homme.
Bensâada et les journaux algériens pro-gouvernementaux peuvent répéter ces accusations ad nauseam et en toute impunité, protégés, voire encouragés, par le régime algérien. Il en va autrement dans les Etats de droit où la justice est indépendante. Ainsi, lorsqu’en 2018, le journal suisse Le Temps récidive en publiant en janvier 2018 un article[30] suggérant qu’Alkarama faisait partie d’une « nébuleuse » islamiste pro-Qatar faisant l’objet d’enquête des services suisses, nous avons porté l’affaire devant un tribunal suisse. Celui-ci a donné raison à Alkarama face à un des titres les plus prestigieux du pays : le journal a été condamné à publier une réponse d’Alkarama et à verser des réparations pécuniaires.[31] Ce serait probablement le résultat de toute autre plainte pour diffamation d’Alkarama si de telles procédures ne nous détournaient pas de notre mission principale qui est de venir en aide aux victimes.
4.3. Quelles accusations contre les membres d’Alkarama ?
Il est intellectuellement malhonnête de ne pas mentionner que suite à son arrestation et son emprisonnement en France suite à la demande du régime d’Alger, Mourad Dhina n’a finalement pas été extradé en Algérie. Le procureur français lui-même, à la réception du dossier d’extradition algérien, l’a qualifié d’« ubuesque », les autorités, qui n’avaient tout simplement et probablement pas lu les pièces du dossier envoyé, n'avaient non seulement produit aucune preuve justifiant leur demande mais au contraire fourni un document établissant son innocence ![32] Toutes les autres demandes d’extradition formulées contre lui par les autorités algériennes en France et en Suisse furent d’ailleurs rejetées tant elles étaient ridicules et inconsistantes.
Contrairement à ce que les adeptes des théories du complot peuvent penser, Mourad Dhina et les autres opposants algériens en Europe, ne jouissent d’aucune protection d’aucun pays, sinon de la protection par la règle de droit et une justice indépendante.
Il en va de même pour Rachid Mesli qui fut arrêté à la frontière suisse-italienne en août 2015 sur le fondement d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités algériennes en 2002. Le 16 décembre 2015, un juge italien a rejeté la demande d'extradition après avoir constaté toutes les incohérences du mandat d'arrêt international. Le tribunal a considéré que les accusations portées contre lui étaient le résultat de « persécutions politiques » et a affirmé que « ses activités en faveur des droits de l'homme n'ont rien à voir avec le terrorisme ». Enfin, le 13 mai 2016, la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol a décidé, après une longue bataille juridique, d'annuler ce mandat d'arrêt international.[33]
5. Les accusations contre Alkarama : une preuve de l’efficacité de l’organisation
Dans un article paru dans le journal suisse Le Temps,[34] le 20 novembre 2014, le directeur juridique d’Alkarama écrivait à quel point il était difficile de défendre les droits de l’homme dans le monde arabe, en réponse à un énième article[35] paru dans la presse suisse sur les accusations de terrorisme formulées contre Alkarama par les Emirats Arabes Unis notamment. Rachid Mesli affirmait alors ce que toute personne au fait de la situation des droits de l’homme sait déjà, à savoir que « dans le monde arabe, ceux qui critiquent les régimes autoritaires ou demandent plus de libertés sont taxés de “terrorisme”. Mais quand les démocraties occidentales entonnent le même refrain, cela devient vraiment inquiétant. » Toutefois, Alkarama a constamment été défendue par les experts et expertes de l’ONU, les ONG indépendantes et la société civile, qui non seulement soutiennent l’organisation, mais comprennent également les raisons d’un tel acharnement.
5.1. Pourquoi accuser Alkarama de terrorisme ?
Pour comprendre pourquoi les accusations d’Ahmed Bensâada ne sont pas fondées sur une véritable analyse de la situation, il faut se pencher sur les raisons et la source de ces accusations. Il est aisé de voir que le travail d’Alkarama dérange les puissants de ce monde, et ce, à de nombreux égards.
Le fait de dénoncer publiquement à l’ONU des violations systématiques, équivalant souvent à des crimes contre l’humanité, ne peut en effet que déplaire à des régimes habitués à l’indifférence de leurs puissants alliés occidentaux, voire à leur complicité.
Rien de plus subversif en effet que de remettre en question le discours orwellien[iii] des Etats arabes totalitaires et de dénoncer la violence politique qu’ils utilisent contre leur peuple et qu’ils présentent comme le seul moyen – et le plus efficace – de pacifier cette région « stratégique » au profit de leurs alliés.
Or, ce qui a le pouvoir de rendre « indéfendable » toute personne aujourd’hui c’est bien l’accusation de terrorisme. Ainsi, accuser Alkarama de terrorisme, c’est, croient-ils, saper toute crédibilité à son travail, à ces milliers de procédures engagées pour les victimes et ces centaines de rapports sur les pires abus commis par les régimes arabes pour contrôler, par la terreur, leurs populations. Il s’agit en même temps de faire peur aux victimes et à leurs proches pour les dissuader de solliciter Alkarama, en les accusant de « trahir leur pays », voire d’être en contact avec une entité terroriste. En dépit de quoi les familles des victimes continuent à nous témoigner toute leur confiance.
Accuser Alkarama de terrorisme c’est aussi tenter de lui interdire l’accès aux Nations unies pour prendre la parole lors de l’examen de la situation des droits humains de certains pays. Ainsi, suite à notre demande du statut consultatif auprès de l’ECOSOC,[iv] déposée en mai 2015, le Comité des organisations non gouvernementales a décidé par consensus de recommander qu’Alkarama se voit accorder le statut consultatif spécial. Cette décision d’octroyer le statut ECOSOC à Alkarama a été le fruit d’un long processus d’examen par le Comité des ONG, les pays amis ou alliés des régimes arabes ayant tout tenté pour la retarder.[36] Or, le 26 juillet 2017, lors de la réunion de coordination et de gestion de l’ECOSOC, composé d’Etats et censé approuver toutes les décisions du Comité des ONG, les Emirats Arabes Unis ont introduit une résolution demandant le retrait de la décision d’accréditation, affirmant qu’Alkarama avait « des liens évidents avec le terrorisme ».[37] Cette résolution introduite par les Emirats Arabes Unis a été appuyée par… l’Algérie et les Etats-Unis. Aujourd’hui, cela ne nous empêche pas de nous rendre aux réunions des examens des Etats par les Comités et toutes les autres réunions auxquelles nous sommes directement invités par les experts indépendants, sans besoin d’accréditation.
Accuser Alkarama de terrorisme, c’est enfin lui fermer aujourd’hui toute possibilité de financement, mais cela ne nous fera jamais renoncer à notre mission et à notre combat.
Alkarama est loin d’être la seule victime de cette pratique. Ainsi, une étude menée par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits humains et libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme[38] sur les plaintes reçues par son mandat révèle que 66% de ces plaintes concernent des cas d’accusation de terrorisme par les pays de membres de la société civile, et ce comme forme de punition ou de représailles.[39] Cette situation alarmante emporte des conséquences désastreuses sur l’état d’une société civile et des libertés fondamentales d’un pays. Le but de ces mesures demeure le même : empêcher la critique pacifique des régimes répressifs, museler la société civile par la peur d’être stigmatisé dans un monde où cette seule accusation peut suffire à vous bannir de tout débat et à vous priver de toute protection légale.
Ces pratiques ainsi que tous les efforts déployés, les médias mobilisés et les journalistes peu scrupuleux récompensés, démontrent toutefois l’inquiétude avec laquelle ces régimes tentent d’assurer leur survie.
5.2. La défense d’Alkarama au plus haut niveau des Nations unies
Alkarama a eu la chance et le privilège d’avoir été soutenue par les experts indépendants des droits de l’homme des Nations unies qui connaissent son travail et son sérieux. Ainsi, en octobre 2018, l’Assistant du Secrétaire Général des Nations unies (SGNU) a relevé les représailles contre Alkarama[40] soulignant l’utilisation d’accusations de terrorisme pour lui refuser l’accès à l’ONU. L’assistant du secrétaire général, qui s’est déclaré préoccupé par le manque de transparence dans les décisions relatives au statut consultatif des ONG, a affirmé publiquement que « la demande de statut consultatif de la Fondation Alkarama a été rejetée par l’ECOSOC, en représailles à son travail en faveur des droits de l’homme auprès des Nations unies ».[41]
En janvier 2018, ce sont deux experts onusiens, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme qui ont également pris la défense d’Alkarama.[42] Ils ont exprimé leur préoccupation quant au refus du Conseil de lui accorder le statut consultatif de l’ECOSOC, « décision qui ne semble pas fondée sur une évaluation objective des faits, mais semble plutôt constituer un acte de représailles pour leur travail et leur engagement avec les mécanismes des Nations unies dans le domaine des droits de l’homme ».[43]
Juste retour des choses envers une organisation qui s’est tant investie pour la défense des victimes de violations des droits de l’homme.
6. Des préjugés dangereux pour le respect des droits humains
Ahmed Bensâada, adepte de la « stabilité dans l’injustice », s’inscrit dans la lignée des négateurs des droits inaliénables de la personne humaine et des aspirations au changement exprimées dans le monde arabe. Il considère que le peuple algérien est mineur et lui dénie toute aptitude à revendiquer le respect de ses droits inaliénables d’une manière autonome. Mais si un tel discours est ancré dans l’histoire coloniale et la place faite aux colonisés dans l’accès aux droits fondamentaux, il s’est mû aujourd’hui en des formes insidieuses de désinformation, de propagande et de harcèlement judicaire contre les victimes de violations elles-mêmes et ceux qui les défendent.
6.1. Les dangers d’une vision néocoloniale des droits humains
Si l’on observe les attaques et diffamations menées contre Alkarama depuis ses débuts, les campagnes qui ont été mises en œuvre et les acteurs qui les ont animées, plusieurs constantes apparaissent. L’une d’elles concerne l’usage du terme « islamiste » dont la dénotation est infiniment élastique, un fourre-tout médiatique qui amalgame un vaste spectre de mouvements, de partis ou de personnalités abstraction faite de leurs buts, méthodes et contextes, et dont la connotation est mauvais musulman quand elle n’est pas terroriste potentiel. C’est un terme qui fabrique l’altérité sous une forme anxiogène afin de dénier sa légitimité et pour indiquer, comme impératif moral, la nécessité de sa surveillance.
Entortiller systématiquement Alkarama dans l’épouvantail d’« islamiste » c’est viser à l’exclure de la défense des droits humains et des principes de la dignité. Tout recours qu’elle entreprendrait aux droits humains apparaitrait purement instrumental, et il ne pourrait l’être qu’à des fins maléfiques que les adeptes des théories du complot comme Ahmed Bensâada s’appliqueraient à révéler.
Cette exclusion sert à consacrer la vision purement raciste et coloniale des droits de l’homme qui ne sauraient être accaparés par les peuples indigènes à « civiliser ». Plus généralement, les musulmans – tous potentiellement suspects d’islamisme – dont la religion serait par nature « violente » ne pourraient revendiquer l’égalité, la dignité et la liberté que « l’homme blanc éclairé » a seul inventées. C’est cette même vision des principes des droits de l’homme et de la civilisation qui avait naguère justifié la colonisation et les crimes contre l’humanité, qui sert aujourd’hui à considérer comme dangereux tout appel des musulmans à la liberté.
Des appels qui sont d’autant plus suspects dans « l’analyse » de Bensâada que leur concrétisation se fait en manifestations pacifiques, organisées, et surtout indépendantes. Ces schémas de pensée, profondément enracinés dans l’histoire coloniale, continuent de traverser tant les sociétés occidentales que les élites aliénées du Maghreb ou du Moyen-Orient.
Mais le narratif d’Ahmed Bensâada va plus loin : Les « ténors » du hirak – qui ne se sont jamais désignés eux-mêmes dans ces termes – seraient totalement incapables d’articuler des revendications par eux-mêmes. Ils servent nécessairement un agenda concocté et appuyé par des puissances occidentales. Vient donc l’argument d’extranéité : ces « ténors » ne représentent pas le peuple algérien, ils n’ont donc aucune légitimité à prendre la parole. Pire encore, l’Etat a raison de prendre des mesures drastiques pour réprimer les ennemis du peuple et le protéger de leurs tentatives de manipulation. Dans le schéma d’Ahmed Bensâada, le peuple algérien est infantilisé et manipulable à merci.
6.2. Conséquences sur les droits humains et les libertés fondamentales
L’allocation d’attributs d’extranéité étant un prélude à leur expulsion, il n’est ainsi pas étonnant que le discours d’Ahmed Bensâada partage les mêmes allusions implicites que celles du ministre actuel de la Communication, Ammar Belhimer,[44] quant à la nécessité de se débarrasser de ceux qui pollueraient un hirak « pur » de toute atteinte à la sécurité de l’Etat, pur de toute critique envers ses institutions. Haro donc contre ces « parasites » et place à de nouvelles lois répressives pour dissuader toutes velléités semblables dans le futur.
Si Ahmed Bensâada semble défendre le hirak, il ne fait – ainsi que ses comparses préposés à la préface et la postface de son livre – que légitimer les restrictions aux libertés des acteurs de ce hirak, en usant de techniques de dénigrement et de diffamation ouvrant la voie au harcèlement des militants, aux fausses accusations et aux poursuites pénales ; il espère ainsi faire taire la société civile et mettre fin au hirak qu’il prétend ardemment défendre.
a) Attaquer les personnes faisant usage de leurs droits et libertés fondamentaux de manière pacifique
Dans son allocution de 2018 au Haut-commissariat aux droits de l’homme, l’Assistant du Secrétaire Général des Nations unies, Andrew Gilmour exprimait son inquiétude face aux accusations de « terrorisme » formulées par certains gouvernements contre des ONG, des défenseurs des droits de l'homme ou des militants sous prétexte de coopération avec des entités étrangères ou d’atteinte à la réputation ou à la sécurité de l'Etat. Cette dangereuse tendance mondiale, avait-il ajouté, consiste avant tout à dénigrer et à discréditer les défenseurs des droits de l'homme.[45]
Or, il se trouve qu’Ahmed Bensâada soulève la question de l’arrestation de Karim Tabbou questionnant non seulement l’honnêteté de ses défenseurs, mais également les motifs – et donc la légitimité – de cette défense.[v] Il affirme que de nombreuses voix se sont élevées pour demander sa libération, ciblant uniquement celles qui le préoccupent dans le but de les décrédibiliser. Nous aurions pu lui soumettre la même question, pourquoi est-ce que les autres défenseurs de Tabbou ne l’intéressent pas ?
Revenons alors brièvement sur la réponse de l’Etat algérien et ce qu’elle révèle, de particulièrement grave, dans la formulation des charges à l’encontre de Karim Tabbou. L’Etat algérien affirme dans sa réponse à l’ONU que les faits reprochés à Karim Tabbou consisteraient à avoir, lors d’une de ses interventions publiques, « distillé des discours incitant à la désobéissance civile contre les institutions de l’Etat et notamment l’armée nationale ce qui a conféré à ces discours un caractère pénal avéré ». Selon les autorités, « M. Tabbou se serait attaqué publiquement à l’institution militaire en accusant son chef d’état-major et les officiers de l’armée d’être impliqués dans des affaires de corruption, jetant ainsi la suspicion sein de cette institution ». Des allégations d’autant plus incongrues, qu’au même moment, des officiers supérieurs étaient jugés par le tribunal militaire de Blida pour « corruption ».[46]
En outre, dans leur tentative de démenti des violations du droit à la liberté d’expression de Karim Tabbou, les autorités affirment qu’il n’a été arrêté que pour avoir « enfreint le contrat social qui lui impose le respect des lois et des institutions de la république à l’occasion de ses activités politiques, tel qu’exigé dans les toutes les sociétés démocratiques ». En d’autres termes, l’Etat algérien semble considérer que tout engagement dans le champ politique algérien doit se faire dans ses termes et les limites qu’il pose. Cela veut dire qu’appeler au changement pacifique de ses institutions ne doit pas faire partie des demandes politiques des citoyens. Serait-ce donc cette conception du contrat social et de la démocratie qu’Ahmed Bensâada souhaite à l’Algérie ? Un hirak acceptable serait donc un hirak qui ne demande pas de changement réel de ses institutions et gouvernants, même de manière pacifique ? Le hirak d’un peuple passif, sans volonté de changement ?
b) Inscrire ces attaques dans la loi du pays
C’est cette même approche, qui a mené en avril dernier, à l’adoption de la loi n° 20-06, sans débat parlementaire ou public, alors qu’elle introduisait dans le Code pénal plusieurs dispositions restreignant gravement les droits à la liberté d’expression, de religion et d’association, dans un contexte déjà inquiétant de persécution systématique des activistes.
La loi modifie l’article 144 du Code pénal criminalisant la critique des agents publics en (1) aggravant les peines de prison applicables et (2) en étendant sa portée aux outrages aux imams.[vi] Cette interdiction est d’autant plus problématique que les imams sont des fonctionnaires de l’Etat qui reçoivent des instructions pour leurs sermons comme celles de commander aux fidèles de ne pas manifester, utilisant des arguments religieux pour interdire toute contestation pacifique de l’autorité publique.[47] De plus, la loi introduit un nouveau chapitre dans le Code pénal, qui incrimine la « diffusion ou propagation des informations ou nouvelles portant atteinte à l’ordre et à la sécurité publics ».
Enfin, elle introduit un article 95 bis au Code pénal qui institue de graves restrictions à la liberté d’association et prévoit des peines jusqu’à sept années d’emprisonnement alors qu’il existe déjà un régime juridique restrictif, ajoutant cette fois la criminalisation de l’accès aux ressources, et ce, quel qu’en soit la source (publique ou privée).[48]
c) Des préjugés, à la désinformation… à la fermeture de l’espace de la société civile
L’ensemble de ces mesures illégales tant du point de vue de la Constitution que des obligations de l’Etat algérien en vertu du Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP) sont justifiées selon le ministre Ammar Belhimer par l’existence des mêmes dangers que ceux qui préoccupent Ahmed Bensâada. Ainsi, ce que la presse a qualifié de « tour de vis » s’est traduit par l’adoption de dispositions pénales nouvelles façonnées pour les besoins de la répression, journalistes et ONG en première ligne car, du fait de leurs liens avec l’étranger, ceux-ci seraient les premiers promoteurs de cette « révolution colorée » qui hante Ahmed Bensâada et le gouvernement actuel. Ammar Belhimer voit dans « Reporters sans frontières » et – encore et toujours – le « National Endowment for Democracy » (NED), les mêmes marionnettistes qui contrôleraient ces « ténors autoproclamés du Hirak », et par conséquent le hirak lui-même. Le ministre de la Communication reprend ainsi les mêmes arguments qu’Ahmed Bensâada: le NED américain serait un « cheval de Troie par excellence des révolutions colorées dans le monde, Maghreb et monde arabe en première ligne ».[49] Des journaux ont été bloqués du fait de suspicions de réception de fonds étrangers, Ammar Belhimer ayant prévenu que « les financements étrangers de la presse nationale, tous supports confondus, sont strictement interdits, quelles que soient leur nature et provenance ».
Le discours d’Ahmed Bensâada sert ainsi directement les efforts des autorités algériennes à – pour reprendre les termes de l’experte Fionnuala Ní Aoláin – réduire la société civile au silence, par des campagnes de diffamation destinées à délégitimer la société civile et à ternir la réputation de ses acteurs, en qualifiant à la légère certains d’entre eux de « terroristes », et en sous-entendant pour d’autres qu’ils seraient des traitres ou des « menaces pour la sécurité nationale » ou des « ennemis de l’Etat ».[50] Ce « catalogage négatif des acteurs de la société civile les désigne clairement comme des cibles d’attaques légitimes, et justifie ensuite l’adoption de nouvelles mesures restrictives » dont l’adoption de nouvelles disposition pénales et des poursuites toujours plus nombreuses de personnes faisant simplement usage de leurs droits et libertés fondamentales.
Finalement, les droits humains deviennent otages du discours officiel qui accuse les défenseurs des droits humains et autres activistes politiques de criminels et de terroristes ou d’agents agissant pour des intérêts étrangers. Cette stigmatisation de la société civile est un facteur déterminant dans la tentative de fermeture de l’espace démocratique à laquelle participe Ahmed Bensâada.
7. Combattre la propagande et défendre les droits de tous
Alors comment faire face à ces préjugés et aux conséquences qu’ils peuvent avoir sur les droits humains et sur nos sociétés ? La réponse apportée par Alkarama réside dans la philosophie même de notre travail : opposer à l’arbitraire la vérité et la justice et continuer, face au puissant, à se battre pour des idées qu’on sait justes. En dépeignant le hirak comme le résultat de manipulations de quelques individus sous la coupe de puissances étrangères et comme une révolution de couleur, Ahmed Bensâada nie à chaque Algérien et à chaque Algérienne cette pulsion de l’âme vers la liberté et la dignité qui leur sont intrinsèques. Combattre les préjugés, la désinformation et la propagande constitue donc une nécessité absolue pour préserver ces valeurs.
7.1. Préserver les libertés fondamentales contre la désinformation
Commençons par rappeler un fait trop souvent oublié : l’article premier du PIDCP, celui qui sous-tend tout le Pacte et la raison d’être des droits qui y sont consacrés, concerne un droit en particulier qui est plus que jamais d’actualité en Algérie : Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cet article premier al.1 se lit comme suit : « 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. »[51]
Ce droit revêt une importance particulière, parce que sa réalisation est impossible sans le respect de tous les autres droits inscrits dans le PIDCP. Il est à la fois le socle et l’aboutissement des droits civils et politiques, de même que des droits économiques, sociaux et culturels. Il est donc selon les termes du Comité des droits de l’homme de l’ONU « une condition essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de l’homme ainsi que de la promotion et du renforcement de ces droits ».[52] C’est pour cette raison que les Etats ont fait du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes, tant dans le PIDCP que dans le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)[53] – également ratifié par l’Algérie –, « une disposition de droit positif, qu’ils ont placée, en tant qu’article premier, séparément et en tête de tous les autres droits énoncés dans ces Pactes ».[54]
Nous n’allons pas faire l’analyse article par article de ce que cela implique, mais nous invitons toutefois chaque citoyen à se rendre sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies sur la page du Comité des droits de l’homme et à lire les commentaires de chaque article détaillant les obligations de l’Etat pour chaque droit et liberté consacré dans le Pacte.[55]
Il n’est jamais excessif de répéter encore et encore : le PIDPC est le droit algérien, il a été signé et ratifié, il est vrai dans le contexte de la brève ouverture démocratique post-octobre 1988, mais fait néanmoins partie intégrale du droit national. Ce n’est donc ni « internationaliser » une question interne ni commettre une atteinte à la constitution et à la nation algériennes que de se référer à ses textes. Au contraire, un justiciable algérien dispose de la capacité d’invoquer un article d’une convention ratifiée par l’Algérie devant un juge national qui sera tenu d’en prendre compte.
Pour les besoins de notre démonstration, nous allons brièvement exposer le contenu des droits que nous estimons les plus « fondamentaux » dans la réalisation du droit du peuple algérien à disposer de lui-même.
Le hirak a pris la forme d’un mouvement populaire de protestation pacifique. Cette action, interdite par décret dans la capitale, est néanmoins un droit et une liberté protégée par le Pacte. Ce droit fondamental de manifester permet aux individus de s'exprimer et de déterminer collectivement leur statut politique.
Il protège la capacité des personnes à exercer leur autonomie individuelle en solidarité avec les autres. La possibilité de manifester pacifiquement constitue ainsi le fondement même d'un système de gouvernance participative fondé sur la démocratie, les droits de l'homme, l'Etat de droit et le pluralisme, permettant de faire avancer des idées et des objectifs ambitieux dans le domaine public. Le hirak, à travers sa mobilisation pacifique ne vise ni plus ni moins que de permettre aux Algériens de décider de leur destinée commune, ce qui est leur droit le plus fondamental.[56]
Ainsi, l’Etat a l’obligation de laisser les manifestants déterminer librement le lieu, le but ou le contenu expressif de leur rassemblement. Il est interdit à l’Etat d’interdire ou de restreindre, bloquer, disperser ou perturber des assemblées pacifiques sans justification impérieuse, ni de sanctionner les participants ou les organisateurs sans motif légitime. Au contraire, les autorités ont l’obligation de faciliter la manifestation et d’en préserver le caractère pacifique en ouvrant la voie publique et en prévenant la violence. En règle générale, l'utilisation de drapeaux, d'uniformes, de signes et de bannières doit être considérée comme une forme d'expression légitime qui ne doit pas être restreinte. Le fait de ne pas informer les autorités d'une réunion à venir, lorsque cela est nécessaire, ne rend pas l'acte de participation à la réunion illégal et ne doit pas en soi servir de motif pour disperser la réunion, arrêter les participants et les organisateurs ou pour imposer des sanctions pénales. Enfin, la détention préventive d'individus ciblés pour les empêcher de participer à des rassemblements peut constituer une privation arbitraire de liberté, ce qui est incompatible avec le droit de réunion pacifique.[57] Ainsi, non seulement les restrictions posées par les autorités au hirak n'étaient pas justifiées, mais celles-ci ont également manqué à leur obligation de faciliter ces manifestations pacifiques.
La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement de toute société libre et démocratique en ce qu’elles permettent l’échange et le développement des opinions. La liberté d’expression doit permettre de questionner ses gouvernants afin d’assurer la transparence des affaires publiques et la bonne gouvernance du pays, et responsabiliser ainsi les gouvernants. De cette façon, l’obligation de respecter la liberté d’opinion et la liberté d’expression s’impose à tout Etat partie au Pacte considéré dans son ensemble, couvrant tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), ainsi que toute autre autorité publique ou gouvernementale à quelque échelon que ce soit. En d’autres termes, aucune institution ne saurait être à l’abri d’une critique pacifique des citoyens, pas même l’institution militaire.[58]
L’autre pan de la libre expression est le libre accès à l’information. C’est dans ce contexte que l’existence de médias libres, sans censure et sans entraves, est essentielle dans toute société pour garantir la liberté d’opinion et l’exercice d’autres droits consacrés par le Pacte, y compris celui du peuple algérien à disposer de lui-même. Il est donc interdit à l’Etat algérien de criminaliser les « fausses nouvelles » sans même définir ce qu’un tel terme voudrait signifier.
Une presse libre permet également d’éviter la désinformation et la propagande dans laquelle excelle d’ailleurs la presse officielle algérienne. L’un des exemples flagrants de cette nécessité absolue est celui du groupe d’activistes pacifiques algériens qui ont effectué une marche de Chambéry en France à Genève. Arrivés en face du Palais des Nations le dimanche 23 aout 2020 pour manifester contre les détentions arbitraires en Algérie, leurs représentants ont déposé le lendemain une lettre à l’attention de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU appelant à son intervention auprès des autorités algériennes pour obtenir la libération des détenus du hirak.
Toutefois, quelques jours après la diffusion de vidéos de la manifestation et de leurs représentants déposant leur lettre au Palais Wilson, les autorités algériennes ont lancé une vaste campagne de désinformation et de dénigrement contre les activistes pacifiques. Cette campagne a débuté avec un communiqué de presse de l’APS[59] et un rapport du journal télévisé officiel de l’ENTV[60] du 1er septembre 2020, disponible en langues arabe, française[61] et amazighe. Ce communiqué officiel a prétendu que la plainte avait été rejetée en 24 heures par un bureau de l’ONU qui s’est révélé inexistant, citant les dires d’un fonctionnaire censé travailler aux Nations unies lui aussi inexistant.[vii] Alkarama a alors saisi la Haut-commissariat alertant l’institution onusienne que cela constituait une campagne de désinformation et une violation par l’Algérie de ses obligations en vertu du droit international, rappelant le principe selon lequel les autorités « ne doivent pas faire, cautionner, encourager ou disséminer de déclarations dont ils savent ou devraient raisonnablement savoir qu’elles sont fausses (désinformation) ou qu’elles révèlent un mépris flagrant pour l’information vérifiable (propagande)».[62] Ces pouvoirs/gouvernants doivent également veiller « conformément à leurs obligations légales nationales et internationales et à leurs devoirs publics, à garantir que les informations qu’ils diffusent sont fiables et dignes de confiance ».
Selon la « Déclaration commune sur la liberté d'expression et les “fausses nouvelles”, la désinformation et la propagande », « les Etats ont l'obligation positive de promouvoir un environnement de communication libre, indépendant et diversifié, y compris la diversité des médias, qui est un moyen essentiel de lutter contre la désinformation et la propagande ».[63] Cette campagne officielle de désinformation fait directement écho aux inquiétudes exprimées par les auteurs de la Déclaration conjointe « quant au fait que la désinformation et la propagande sont souvent conçues et mises en œuvre de manière à induire en erreur une population, et à entraver le droit du public de savoir ainsi que le droit des individus de rechercher, recevoir et répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, droits qui sont protégés en vertu des garanties internationales des droits à la liberté d’expression et la liberté d’opinion ».[64]
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a rapidement publié un démenti.[65]
Cet épisode démontre que l’accès à une information fiable est un droit fondamental et il demeure primordial ; il est également paradoxal de relever que la publication de « fausses nouvelles » est le plus souvent le fait des agences de presse gouvernementales elles-mêmes.
7.2. Petit exercice de différenciation information et désinformation à destination de tout citoyen(ne)
Enfin parce que l’une des missions d’Alkarama est d’informer les sociétés civiles sur leurs droits inaliénables, et étant donné que le droit à une information fiable fait partie de ces droits, nous nous permettrons de proposer pour conclure un exercice utile pour distinguer l’information de la désinformation. Cet exercice destiné à la jeunesse et aux étudiants algériens offre des clés de lecture simples en leur permettant d’exercer leur esprit critique face à la propagande et à la désinformation. Il est exposé dans l’annexe.
8. Conclusion
En conclusion, nous ne le répèterons jamais assez, assimiler les mouvements populaires dans notre région aux « révolutions colorées » c'est nier leur autonomie intellectuelle, morale, et politique aux individus et aux peuples qui participent à ces mouvements. C’est également réduire et mépriser les revendications dont ils sont porteurs. Il est un devoir impérieux pour nous de remettre en question les stéréotypes néocoloniaux qui dépeignent le monde arabe comme une source d'insécurité et d'instabilité, peuplé d'individus qui doivent être contrôlés et surveillés ; des stéréotypes qui ont fait la place à des dictatures jusque-là inamovibles.
Enfin, il est également un devoir d’agir avec la ferme conviction que rien n'est immuable et que ces systèmes politiques qui survivent grâce à la violence et à la peur peuvent être renversés.
En alimentant les théories du complot pour discréditer les acteurs du hirak, Ahmed Bensâada procède de la même façon que la France coloniale pour asservir l’Algérien : Elle le dépossède de toute autonomie et tente de le rendre vulnérable à toutes les manipulations. Ainsi, le sujet colonisé doit être « éduqué » afin de ne pas tomber dans le piège des « libérateurs » du mouvement national. Comme les citoyens algériens qui descendent dans les rues le vendredi sont bien incapables de voir que des « ténors autoproclamés » ne sont que des agents de l’étranger essayant de « colorer » leur révolution, il faut les discréditer et rendre suspect tout discours appelant au respect de leurs droits et de leurs libertés.
Toute analyse objective de la situation montre que la réalité du hirak est loin de correspondre à la vision étriquée d’Ahmed Bensâada, et va à l’encontre de son argumentation qui tente à tout prix de faire rentrer le mouvement algérien dans un moule qui n’est pas le sien.
Pour notre part, 15 ans d’activité de défense des droits humains dans le « monde arabe » nous a permis d’observer que celui-ci s’inscrit dans un cycle de changement structurel inéluctable et qu’il est tout à fait impossible de revenir au statut quo ante quels que soient les moyens mis en œuvre pour arrêter le changement et quel que soit le soutien apporté aux dictateurs arabes.
Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à un véritable changement de paradigme qui nous laisse deviner ce changement sociétal à venir qui fait suite à une prise de conscience accélérée de la nouvelle génération qui s’est aussi appropriée, avec exigence, la question des droits de l’homme.
C’est d’ailleurs ce qui se passe en direct avec le hirak en Algérie, avec l’expression de revendications, toujours de plus en plus politiques, qui ont évolué en une année seulement de l’annulation du « mandat de trop » à l’exigence de l’instauration d’un Etat civil et non militaire, un Etat qui respecte les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de tous. Un réel Etat de droit.
Notre mission a toujours été de faire en sorte que les droits de l'homme ne soient jamais considérés comme inaccessibles, ni comme une faveur, mais plutôt comme une valeur inhérente à la dignité, al-karama, que chaque être humain détient de manière égale. C’est vers cela que tendent tous les soulèvements, y compris le hirak, et la désinformation faisant passer des revendications légitimes pour des atteintes à la sécurité des Etats, eux-mêmes responsables de l’insécurité humaine de leurs citoyens, ne saurait aujourd’hui passer sans être critiquée et désavouée.
Alors que le monde traverse une période historique caractérisée par un recul des principes fondamentaux de la dignité humaine universelle, de nombreux défenseur(e)s des droits humains, des militants pacifistes et les populations elles-mêmes poursuivent ce combat contre l'injustice face à l'adversité, avec toujours plus d’obstacles mais toujours plus d'ingéniosité. Ce sont ces mouvements que nous soutenons, sans autre agenda que celui de protéger le droit de tous de jouir de tous les droits et libertés.
Direction juridique, Alkarama
10 septembre 2020
Annexe
Pour l’histoire, c’est en 1994 que les libraires NorthPark College à Chicago aux Etats-Unis avaient mis en place un programme destiné aux élèves leur permettant de faire la différence entre une réelle recherche scientifique ou académique et de la propagande.
Cette formation avait été introduite face à la multiplication d’ouvrages d’apparence académiques ou du moins prétendant offrir une analyse scientifique et objective d’une situation, mais qui s’avéraient être de la désinformation, voire de la propagande[66]. Le but de cette formation était de permettre aux étudiants de faire usage de leur esprit critique pour « démasquer » les ouvrages de propagande, qui pouvait à première vue les impressionner (par le niveau d’éducation de l’auteur par exemple).
Comment éviter aux étudiants de tomber dans le piège des ouvrages – ou tout autre support – offrant du « prêt-à-penser », fondé sur des stéréotypes et des préjugés et se présentant comme des études objectives d’un sujet ? Comment leur apprendre à distinguer l’analyse objective de l’auteur(e) qui souhaite partager un point de vue, de celle biaisée d’un(e) propagandiste qui veut imposer le sien ? La solution consistait alors à donner des clefs de lecture critique de toute œuvre, mais ceci n’était pas sans difficulté pour les étudiants. Ainsi, les travaux de la sociologue Eileen Gam-Brill les avaient aidés à identifier quelques éléments de distinction.
Elle explique qu’il y a tout d’abord deux types de travaux non scientifiques. D’une part, ceux des auteurs biaisés qui se fondent sur des préjugés et qui essayent de persuader les lecteurs mais sans forcément que ces auteurs ne s’en rendent réellement compte, car il a un bais inconscient. Ils utilisent des raisonnements erronés dans le but de produire une acceptation sans examen critique ou une acceptation émotionnelle en faisant référence à des peurs collectives qu’ils feront raisonner chez le lecteur (typiquement la peur de « l’ingérence » et de « l’islamisme » dans notre cas). Les propagandistes sont quant à eux parfaitement conscients de leurs faits et de leurs intérêts et les dissimulent intentionnellement à leurs lecteurs. Leurs messages sont formulés de manière à être acceptés sans critique.
Jacques Ellul, un éthicien français avait fait des recherches sur les conséquences éthiques de la propagande dans le monde contemporain. Il avançait, quant à lui, que notre monde « adore » les faits, et les considère comme la réalité ultime en ce qu’ils nous permettent d’en tirer des preuves tangibles (ceci s’est passé tel jour, etc.). Or, la propagande utilise certes des « faits » mais va les distordre en leur donnant des interprétations erronées et contraires à la vérité. La propagande va manipuler ces faits et créer pour le bien de son argumentation, différentes sortes de « vérité » : « une moitié de vérité », « une vérité limitée », « une vérité sortie de son contexte ». C’est ce pourquoi nous sommes tous si vulnérables à la propagande, elle repose sur des faits et nous pensons donc que c’est la vérité, alors que le mensonge se trouve au-delà des faits : dans leur interprétation, dans leur mise en contexte, dans les liens et interactions créés de toutes pièces entre un fait et un autre fait pour insinuer des choses fausses sans besoin de fondement valable…[67]
Pour distinguer la propagande des travaux scientifiques, il faut garder à l’esprit que les travaux académiques ont tendance à exposer et discuter des points de vue différents et divers autour d’un sujet, avant d’avancer des arguments pour celle considérée comme la plus raisonnable. La propagande, au contraire, a pour objectif de présenter un seul point de vue comme le seul et unique point de vue valable sur ce même sujet. Ainsi, la propagande a été définie comme « l’expression d’une opinion ou d’actions menées délibérément par des individus ou des groupes avec pour objectif d’influencer les opinion ou actions d’autre individus ou groupes pour un ou des but(s) déterminé(s) et ce à travers des manipulations psychologiques ».
L’étude sociologique avec les étudiants a donné lieu à un ensemble d’indicateurs pour permettre aux étudiants de différencier aisément les travaux scientifiques de la propagande. Les valeurs requises de l'érudition, la recherche de la vérité comprennent la modestie intellectuelle, l'opiniâtreté et la capacité d'enseignement, la conscience de soi, l'équité/la justice, la cohérence et un ton modéré et raisonnable. Leur étude a donné lieu au tableau suivant :
Tableau 1. Indicateurs de différence propagande vs travaux scientifiques[68]
Différence entre propagande et travaux scientifiques |
|
Propagande |
Travaux scientifiques |
Fonctionne avec de multiples degrés de vérité (« une moitié de vérité », « une vérité limitée », « une vérité sortie de son contexte ») et de mensonges. |
Recherche la vérité et admet sa faiblesse lorsqu’il n’est pas sûr d’un fait. Ajoute des « caveat ». |
Présente son point de vue comme le seul point de vue valable. |
Présente d'autres points de vue et peut inclure des points de vue dissidents dans son argumentaire. |
Induit délibérément en erreur son lecteur en faisant passer son point de vue comme la vérité seule. |
Tente d'être juste et admet un parti pris ou un point de vue personnel comme tel. |
Manipule les tableaux, les graphiques, les statistiques, les documents et les faits pour étayer son hypothèse. |
Interprète soigneusement les données et les faits, qu'ils soutiennent ou réfutent son hypothèse. |
Fournit des réponses et des solutions toutes faites aux problèmes qu’il ne convient pas de contredire. |
Invite à la réflexion critique pour résoudre le problème et offre des pistes de réflexion. |
Si la propagande réussit, elle entraîne alors un changement d'attitude et/ou de motivation du lecteur tel que voulu par l’auteur (par ex. le rejet d’une catégorie de personnes par la société, l’adoption de certaines croyances, etc.) |
En cas de succès, une analyse scientifique incitera d'autres chercheurs à poursuivre leurs recherches sur le sujet et incitera les lecteurs à poursuivre leur réflexion sans idées préconçues, avec une approche critique. |
En d’autres mots, les travaux scientifiques constituent une tentative honnête de représenter un point de vue alors que la propagande constitue une tentative délibérée d’induire en erreur ou d’exagérer.[69] Une propagande qui fonctionne, c’est une propagande qui réussit à changer les attitudes et/les motivations dans l’action comme le souhaiterait l’auteur de la propagande.
Or, dans des sociétés où l’information n’est pas fiable et où la presse n’est pas libre, la propagande offre un sentiment de maîtriser le chaos et l’illusion d’apporter des solutions à nos problèmes. Les fausses solutions avancées par les propagandistes, annihilent le sens critique de ceux qui les adoptent et le « prêt-à-penser » s’offre alors comme une voie facile dans des temps incertains.
Enfin, alors qu’il est possible de débattre avec celui qui propose un point de vue réfléchi, pour le propagandiste seul son point de vue compte, et si vous lui opposez des arguments raisonnés, il vous opposera les mêmes arguments fondés sur des interprétations fallacieuses et s’empressera de vous accuser d’être « un ennemi de la vérité ». Pire, en temps de crise politique, d’être un « ennemi du peuple »[70] ou de la nation et vous infliger les pires persécutions s’il est au pouvoir.
ٌRéférences et Notes
[i] A ce titre, les experts indépendants des Nations unies ont à maintes reprises dénoncé ces pratiques des Etats consistant à accuser les défenseurs des droits humains, avocats, journalistes, opposants politiques et autres activistes pacifiques de terrorismes ou d’apologie du terrorisme.
[ii] La compétence universelle donne l’aptitude à un juge à instruire et poursuivre des crimes quel que soit le lieu de sa commission et quelles que soient la nationalité de l’auteur et celle de la victime. Voir : Vandermeersch Damien, « Chapitre 3. La compétence universelle », dans : Antonio Cassese éd., Juridictions nationales et crimes internationaux. Paris, Presses Universitaires de France, « Hors collection », 2002, pp. 589-611.
[iii] Nous signifions par « orwellien » ici les techniques de langages des Etats totalitaires consistant à faire passer l’injustice pour la justice, l’exception pour la norme, ou encore, pour ce qui nous concerne, des défenseurs des droits humains pacifiques ou simplement des étudiants demandant plus de droits de libertés et de perspectives et d’égalité des chances, pour des dangereux terroristes islamistes qu’il faudrait « mater ». Georges Orwell illustre cette double-pensée par une fameuse citation : « Le ministère de la Paix s'occupe de la guerre, celui de la Vérité, des mensonges, celui de l'Amour, de la torture, celui de l'Abondance, de la famine. Ces contradictions ne sont pas accidentelles, elles ne résultent pas non plus d’une hypocrisie ordinaire, elles sont des exercices délibérés de double-pensée. » George Orwell, Nineteen Eighty-Four. Secker & Warburg, London 1949.
[iv] Le statut consultatif ECOSOC (Conseil Economique et Social des Nations unies) est un statut octroyé aux ONG leur permettant de prendre part aux conférences internationales organisées par les Nations unies, et d’y prendre la parole. Le processus d’accréditation est géré par le Comité des ONG de l’ECOSOC basé à New York. Ce processus demeure entre les mains des Etats qui peuvent bloquer l’accès au statut consultatif ECOSOC à des ONG afin de les punir et leur poser des obstacles dans leur travail au sein des Nations unies. Voir par exemple le Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, UN Doc. A/69/365, 1er septembre 2014, par 72 et suivants.
[v] Ahmed Bensâada, Qui sont ces ténors autoproclamés du hirak algérien ? Alger, APIC, 2020, p. 63. Adoptant un ton dénigrant quant à la procédure de mise en accusation de Karim Tabbou « Acte d’accusation, le lendemain de son arrestation ? ». Il convient de préciser aux fins de clarification que Karim Tabbou n’a pas fait l’objet de mesure de garde à vue et a été placé directement détention provisoire. (Voir : Réponse du Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire à l’appel urgent AL DZA 3/2020 du 14 avril 2020 concernant le cas de Karim Tabbou, 2 juin 2020 : disponible en ligne à cette adresse :
https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadFile?gId=35327
[vi] Il est à noter que dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie, le Comité avait réitéré ses préoccupations concernant les articles 144, 144 bis, du Code pénal qui « continuent de criminaliser ou de rendre passibles d’amendes des activités liées à l’exercice de la liberté d’expression, telle que la diffamation ou l’outrage aux fonctionnaires ou aux institutions de l’Etat ». Voir : Comité des droits de l’homme, Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie, CCPR/C/DZA/CO/4, 17 août 2018, par.43
[vii] Voici la transcription de l’information telle qu’annoncée au journal télévisé d’Etat en français : « Une déclaration d’un certain secrétaire au « bureau des contentieux à l’ONU » Issam Al Mohammedi qui aurait indiqué que la plainte introduite par des activistes politiques algériens à l’encontre des autorités algériennes avait été rejetée 24 heures après son dépôt et examen de son contenu par des délégués juristes du bureau. La plainte a été rejetée pour plusieurs motifs explique encore ce responsable. Parmi ces motifs on compte notamment le contenu non conforme aux rapports de l’organisation des droits de l’homme en Algérie, certains signataires ayant des antécédents judiciaires, tous les signataires ne sont pas résidents en Algérie depuis une période de dix années et les initiateurs de la plainte sont détenteurs d’une double nationalité dont certains n’ont même pas la nationalité algérienne. Al Mohammedi avait affirmé que le rejet de la plainte reflète le classement de l’Algérie parmi les pays arabes où la liberté d’expression et la protection des droits de l’homme sont consacrés ».
[1] Ahmed Bensâada, Qui sont ces ténors autoproclamés du hirak algérien ? APIC, Alger 2020. P 62.
[2] « Droits-de-I'hommisme » et droit international, Conférence donnée le 18 juillet 2000 par le Professeur Alain Pellet, Professeur de droit international à l'Université de Paris X-Nanterre, Membre de la Commission du droit international
[3] Edith Salès-Wuillemin, La catégorisation et les stéréotypes en psychologie sociale, DUNOD, pp.365, 2006.
[4] Gordon W. Allport, The Nature of Prejudice, Basic Books, 1979, p. 6.
[5] Chloé Leprince, « "Droit-de-l'hommisme" : histoire d'un néologisme péjoratif », 10 décembre 2018, Savoirs, disponible en ligne :
https://www.franceculture.fr/histoire/droit-de-lhommisme-histoire-dun-neologisme-pejoratif
[6] Professeur Alain Pellet, « Droits-de-I'hommisme » et droit international », Conférence commémorative Gilberto Amado, 18 juillet 2000, disponible en ligne :
http://pellet.actu.com/wp-content/uploads/2016/02/PELLET-2000-Droit-de-lhommisme-et-DI.pdf
[7] Conseil des droits de l’homme, Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Communications, cas examinés, observations et autres activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, 108e session (8-12 février 2016), UN Doc., A/HRC/WGEID/108/1, 15 avril 2016, p.21 concernant quatre jeunes irakiens arrêtés par les forces armées américaines à Bagdad entre 2005 et 2011 et encore portés disparus à ce jour. Voir également : Alkarama, « العراق: اختفاء ثلاثة مواطنين عراقيين اعتقلهم الجيش الأمريكي سنة 2005 », 27 juin 2014, en ligne :
https://www.alkarama.org/ar/articles/alraq-akhtfa-thlatht-mwatnyn-raqyyn-atqlhm-aljysh-alamryky-snt-2005
Alkarama, « العراق: اختفاء إثنين من رجال الشرطة بعد توقيفهما من قبل الجيش العراقي والأمريكي », 3 septembre 2015, en ligne :
https://www.alkarama.org/ar/articles/alraq-akhtfa-athnyn-mn-rjal-alshrtt-bd-twqyfhma-mn-qbl-aljysh-alraqy-walamryky
[8] Rapport du Comité contre la torture, Cinquante et unième session (28 octobre-22 novembre 2013), UN.Doc. A/69/44
[9] Rapport du Comité contre la torture, Assemblée générale Documents officiels Soixante-douzième session Supplément no 44 (A/72/44), par 58-71.
[10] Alkarama, «اليمن / الولايات المتحدة الأمريكية: ترخيص بالقتل، لماذا تنتهك حرب طائرات الدرونز الأمريكية باليمن القانون الدولي. », 17 octobre 2013, disponible en arabe et en anglais :
[11] Alkarama, « تقرير جديد: سياسة القصف بطائرات الدرونز الأمريكية في اليمن تخلف أثارا نفسية خطيرة على المدنيين وتشكل سابقة خطيرة للمجتمع الدولي », 26 juillet 2015, disponible en ligne en arabe et anglais :
[12] Ahmed Bensâada, Op. cit.
[13] Michael Rubin « Alkarama Doubles Down on Al-Qaeda », The Commentary Magazine, 7 février 2014, disponible en ligne :
https://www.commentarymagazine.com/michael-rubin/alkarama-doubles-down-on-al-qaeda/
Notons que le Commentary Magazine est un mensuel de la droite néo-conservatrice crée par le l’American-Jewish Commitee en 1945 pour défendre des idées néo-conservatrices et pro-israéliennes.
[14] UAE publishes list of terrorist organisations. Gulf News, 15 novembre 2014, disponible en ligne :
https://gulfnews.com/uae/government/uae-publishes-list-of-terrorist-organisations-1.1412895
[15] Voir notre charte en ligne :
https://www.alkarama.org/fr/a-propos/comment-nous-travaillons
[16] Pour voir toutes les contributions et comparer, il est possible d’accéder à toutes les contributions sur cette page du site des Nations unies :
https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/UPR/Pages/UPRUnitedArabEmiratesStakeholdersInfoS29.aspx
[17] رئيس «ماعت للسلام»: بيان المفوضية السامية «سياسي».. وكشفنا أكذوبة الاختفاء «القسري» في مصر, Shourouq News, 20 octobre 2018, disponible en ligne:
https://www.shorouknews.com/news/view.aspx?cdate=20102018&id=a99257ef-5d0a-4e8d-8b40-af51d3e2a9da
[18] Middle-East Monitor, “Inside the secret world of Gulf 'GONGOS'”, 22 Septembre 2014, en ligne :
https://www.middleeastmonitor.com/20140922-inside-the-secret-world-of-gulf-gongos/
[19] Voir par exemple: قطر: الدورة الثالثة للاستعراض الدوري الشامل تسلط الضوء على السجل الحقوقي للبلاد, “Qatar: Third Upr Cycle Sheds Light On The Country’s Human Rights Record », Alkarama, 31 mai 2019, en ligne en anglaise :
https://www.alkarama.org/en/articles/qatar-third-upr-cycle-sheds-light-countrys-human-rights-record et arabe :
https://www.alkarama.org/ar/articles/qtr-aldwrt-althaltht-llastrad-aldwry-alshaml-tslt-aldw-ly-alsjl-alhqwqy-llblad
[20] Conseil des droits de l’homme, Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-unième session (17-26 avril 2018), Avis n° 29/2018, concernant Abdulrahman bin Omair Rashedal Jabr al Nuaimi (Qatar).
[21] Andrew Hudson, « Not a Great Asset: The UN Security Council’s Counter-Terrorism Regime: Violating Human Rights », Berkeley Journal of International Law, 2007, vol. 25, p. 203‑227.
[22] Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis n° 29/2018, concernant Abdulrahman bin Omair Rashedal Jabr al Nuaimi (Qatar), op.cit., par
[23] Effet des mesures de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur l’espace civique et sur les droits des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, UN.Doc. A/HRC/40/52, 1er mars 2019, par. 17
[24] Ibid. par. 20
[25] Voir : Confédération Suisse, Registre du Commerce, Alkarama, disponible en ligne :
https://www.shab.ch/shabforms/servlet/Search?EID=7&DOCID=1641359
[26] Michael Rubin, « Human Rights Watch Should Rescind Reports”, Commentary Magazine, 3 january 2014, en ligne :
https://www.commentarymagazine.com/michael-rubin/human-rights-watch-should-rescind-reports/
[27] « L’ancien président d’une ONG genevoise accusé de liens avec Al-Qaida », Tribune de Genève, 1 0ctobre 2014, disponible en ligne :
https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/ancien-president-dune-ong-genevoise-accuse-liens-alqaida/story/11153159
[28] Rachid Mesli, « De la difficulté de défendre les droits de l’homme dans le monde arabe », Le Temps, 20 novembre 2014. Disponible en ligne :
https://www.letemps.ch/opinions/difficulte-defendre-droits-lhomme-monde-arabe
[29] « List of groups designated terrorist organisations by the UAE », The National UAE,
16 novembre 2014, disponible en ligne :
https://www.thenational.ae/uae/government/list-of-groups-designated-terrorist-organisations-by-the-uae-1.270037
[30] Sylvain Besson, Les services secrets suisses ciblent des islamistes pro-Qatar, Le Temps, 5 janvier 2018, disponible en ligne :
https://www.letemps.ch/suisse/services-secrets-suisses-ciblent-islamistes-proqatar
[31] Alkarama, Le quotidien Le Temps condamné par la justice genevoise pour un article diffamatoire contre Alkarama, 24 décembre 2018, disponible en ligne :
https://www.alkarama.org/fr/articles/le-quotidien-le-temps-condamne-par-la-justice-genevoise-pour-un-article-diffamatoire
[32] La France n'extradera pas l'opposant algérien Mourad Dhina, Le Monde avec AFP, 4 juillet 2012.
[33] Alkarama, La cour d'appel de Turin autorise Rachid Mesli à quitter l’Italie, 16 septembre 2015, disponible en ligne :
https://www.alkarama.org/fr/articles/la-cour-dappel-de-turin-autorise-rachid-mesli-quitter-litalie
[34] Rachid Mesli, « De la difficulté de défendre les droits de l’homme dans le monde arabe », op. cit.
[35] Olivier F., « La Ville de Genève a financé une ONG accusée de liens avec Al-Qaida », Le Temps, Genève, disponible en ligne :
https://www.letemps.ch/suisse/ville-geneve-finance-une-ong-accusee-liens-alqaida
[36] Voir également : ISHR, « Entraves à l’accès et à la participation de la société civile aux mécanismes de l’ONU, intimidations, restrictions et représailles : 10 études de cas », Rapport disponible en ligne :
https://www.ishr.ch/sites/default/files/documents/mappingreport_fr_web.pdf
[37] Voir : Economic and Social Council Denies Consultative Status to Non-governmental Group with Alleged Terrorism Ties, Fills Vancancies in Subsidary Bodies, disponible en ligne:
https://www.un.org/press/en/2017/ecosoc6867.doc.htm
[38] Voir sa page sur le site du Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies ici :
https://www.ohchr.org/EN/Issues/Terrorism/Pages/SRTerrorismIndex.aspx
[39] Voir le rapport « Effet des mesures de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur l’espace civique et sur les droits des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste », UN Doc. A/HRC/40/52, 1er mars 2019, par. 4.
[40] Comments by Assistant Secretary-General for Human Rights, Andrew Gilmour, at OHCHR side event “Intimidation and reprisals against those engaging with the UN on human rights: Examining trends and patterns”, New York, 24 October 2018, disponible en ligne:
https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25511&LangID=E
[41] Ibid.
[42] Mandates of the Special Rapporteur on the promotion and protection of the right to freedom of opinion and expression and the Special Rapporteur on the situation of human rights defenders, REFERENCE: OL OTH 29/2017 4 January 2018, disponible en ligne en anglais:
https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Opinion/Legislation/OL-OTH-29-2017.pdf
[43] Ibid. p.3.
[44] Belhimer: le Hirak, un mouvement "parasité par certains courants politiques", Lundi, 16 Mars 2020, APS, disponible en ligne :
[45] Comments by Assistant Secretary-General for Human Rights, Andrew Gilmour, at OHCHR side event, Intimidation and reprisals against those engaging with the UN on human rights: Examining trends and patterns, New York, 24 October 2018, disponible en ligne :
https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25511&LangID=E
[46] Jean-Pierre Filiu, « Règlements de compte entre les généraux algériens », Le Monde, 25 août 2019, disponible en ligne :
https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2019/08/25/reglements-de-compte-entre-les-generaux-algeriens/
[47] Adlène Meddi, « Algérie : retour sur une journée de mobilisation inédite contre la candidature de Bouteflika », Le Point, 22 février 2019, disponible en ligne :
[48] Voir également les observations finales du Comité des droits de l’homme concernant l’Algérie, CCPR/C/DZA/CO/4, 17 août 2018
[49] Farid Alilat, Algérie : pourquoi les amendements du code pénal sont-ils critiqués ? 27 avril 2020, Jeune afrique, disponible en ligne :
[50] « Effet des mesures de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur l’espace civique et sur les droits des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme », Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, op.cit., par 54.
[51] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 1, disponible en ligne :
https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx
[52] Comité des droits de l’homme, Observation générale no 12: Article premier, Droit à l’autodétermination, disponible en ligne :
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=INT%2fCCPR%2fGEC%2f6626&Lang=en
[53] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, disponible en ligne :
https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cescr.aspx
[54] Comité des droits de l’homme, Observation générale no 12: Article premier, Droit à l’autodétermination, op.cit.
[55] Aller sur la page du Comité des droits de l’homme (https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/CCPR/Pages/CCPRIndex.aspx) puis sur la section « Observations générales » afin de trouver en détail la signification de chaque droit protégé par le pacte.
[56] Voir: Comité des droits de l’homme, Observation Générale N° 37 (2020) concernant le droit au rassemblement pacifique (article 21), UN. Doc CCPR/C/GC/37, 17 septembre 2020.
[57] Ibid.
[58] Comité des droits de l’homme, Observation générale no 34, Article 19: Liberté d’opinion et liberté d’expression, UN.Doc CCPR/C/GC/34, 12 septembre 2011.
[59] Le Bureau des Contentieux de l'ONU rejette la plainte contre les autorités algériennes, 1er septembre 2020, disponible en ligne
[60] Voir en ligne : https://bit.ly/2HgpQzd
[61] Le journal télévisé en français est disponible en ligne à cette adresse, à 5 minutes et 23 secondes :
https://www.youtube.com/watch?v=IOffvI5nheo
[62] Joint declaration on freedom of expression and “fake news”, disinformation and propaganda, Déclaration conjointe du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression, du représentant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe sur la liberté des médias, du rapporteur spécial de l'Organisation des États américains (OEA) sur la liberté d'expression et du rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur la liberté d'expression et l'accès à l'information. Daté du 3 mars 2017, ci-après “Déclaration conjointe », principe 2 c), disponible en ligne : https://www.osce.org/fom/302796
[63] Ibid., Déclaration conjointe, Principe 3(a).
[64] Ibid., Déclaration conjointe, Préambule.
[65] Algérie- ONU : Alkarama saisit le haut-commissariat suite à la campagne officielle de désinformation selon laquelle l’ONU aurait rejeté une plainte contre l’Algérie, 4 septembre 2020, disponible en ligne :
Voir le démenti du HCDH : Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme met en lumière des informations fallacieuses concernant l'Algérie, 4 septembre 2020, disponible en ligne :
https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26208&LangID=F
[66] Sonia Bodi, « Scholarship or propaganda: How can librarians help undergraduates tell the difference? », The Journal of Academic Librarianship, 1 janvier 1995, vol. 21, no 1, p. 21‑25.
[67] Jacques Ellul, Propagandes, Paris, Economica, 1990, 361 p.
[68] Sonia Bodi, « Scholarship or propaganda », op. cit.
[69] Jacques Ellul, Propagandes, op. cit., p. 147‑149.
[70] Emma Graham-Harrison, “Enemy of the people: Trump's phrase and its echoes of totalitarianism”, The Guardian, disponible en ligne https://www.theguardian.com/us-news/2018/aug/03/trump-enemy-of-the-people-meaning-history