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Le 25 janvier 2010, le tribunal pénal central a condamné M. Mohamed Al-Dainy, député pour le Front du Dialogue National et défenseur des droits de l'homme irakien, à la peine de mort par contumace. Il est accusé d'avoir orchestré l'attentat d'avril 2007 de la cafétéria du Parlement irakien et d'autres attentats terroristes.

M. Al-Dainy a fui l'Irak au début de l'année 2009, craignant que les menaces de mort formulées à son encontre ne soient mises à exécution. Il a ensuite été arrêté en Malaisie le 10 octobre 2009 après qu'un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui par les autorités irakiennes. Il a fait une demande d'asile politique en Malaisie qui est en cours d'examen.

M. Al-Dainy a fait l'objet de différentes communications aux procédures spéciales des Nations Unies et de plusieurs résolutions du Comité des droits de l'homme de l'Union interparlementaire (UIP), foyer de la concertation parlementaire à l'échelle mondiale qui œuvre pour la paix et la coopération entre les peuples et l'affermissement de la démocratie représentative.

M. Al-Dainy avait recueilli des preuves faisant état d'un très grand nombre de violations des droits de l'homme commises par les autorités irakiennes et les milices proches du gouvernement. C'est en raison de ses activités qu'il a fait l'objet de si nombreuses menaces. Notre organisation a été préoccupée pour sa sécurité, en particulier à la suite de sa visite à Genève en 2008 durant laquelle il a informé les procédures spéciales des Nations Unies des violations des droits de l'homme commises actuellement dans son pays.

M. Al-Dainy a été accusé par Nouri Al-Maliki et par des proches de son entourage d'avoir commandité l'attentat terroriste de la cafétéria du Parlement en avril 2007, attentat qui a fait 3 morts parmi les députés, dont un ami et collègue du Front du Dialogue National. M. Al-Dainy a toujours nié ces accusations.

Au début de l'année 2009, plusieurs collaborateurs de M. Al-Dainy ont été arrêtés ou enlevés. Ryad Ibrahim Jassem, son secrétaire particulier ainsi que M. Alaa Al-Maliki, son chauffeur, ont respectivement été enlevés les 11 et 17 février 2009. Tous deux sont réapparus, au grand étonnement de leurs familles, à la télévision publique irakienne, le 22 février 2009, "reconnaissant" avoir participé à l'attentat contre le Parlement et désignant M. Al Dainy comme le responsable de l'opération. Leur avocat nous a confirmé que les autorités irakiennes les avaient torturés pour obtenir ces « aveux ».

Suite à une pression croissante, M. Al-Dainy a tenté de quitter l'Irak pour la Jordanie le 25 février 2009, mais l'avion a été rappelé 30 minutes après son décollage de Bagdad. M. Al-Dainy a ensuite été arrêté et enlevé. Suite à quoi, des membres de sa famille et ses collaborateurs ont aussi été arrêtés et enlevés par la « brigade de Bagdad », unité sous contrôle du Premier ministre Al-Maliki.

MM. Ryad Ibrahim Jassem et Rahman Ahmed Kareem ont tous deux été finalement jugés le 14 septembre 2009 lors d'un procès expéditif, au mépris des droits de la défense, tels qu'énoncés dans le droit international des droits de l'homme et la Constitution irakienne. En particulier, les victimes ont été contraintes de faire de faux aveux sous la torture, elles n'ont pas pu consulter les avocats de leur choix au cours de l'enquête car ceux-ci ont été remplacés par des avocats désignés par le gouvernement. Lors des investigations, le juge d'instruction a systématiquement ignoré les requêtes des avocats qui demandaient un examen médical des victimes pour établir des preuves des tortures subies. Il a ensuite refusé d'entendre les principaux témoins de l'attentat présentés par la défense mais a fait venir à la barre un « témoin secret » qui a fourni un témoignage incohérent relatant des faits datant d'une année auparavant. Ces faits dont a été accusé M. Al-Dainy, n'ont jamais été mentionnés lors des interrogatoires. En outre, le juge a refusé de prendre en considération les conclusions de la Commission parlementaire d'enquête établie à la suite des attentats.

Ces pratiques, notamment l'utilisation de graves tortures, sont devenues courantes dans le système judiciaire irakien, ce qui a amené les avocats de Ryad et de Rahman à déclarer : « le tribunal pénal central imite désormais les tribunaux de la Révolution qui sévissaient sous l'ancien régime.»

Il est clair pour les avocats de la défense et pour les défenseurs des droits de l'homme que la condamnation de Ryad Ibrahim Jassem et Rahman Ahmed Kareem à l'emprisonnement à vie avait pour seul but de rendre crédibles les accusations portées contre M. Al-Dainy, accusations fondées sur des aveux extorqués par la torture.

Les autorités irakiennes ont persécuté M. Al-Dainy et ses proches dans le seul objectif d'éliminer de la scène publique un opposant politique et un défenseur des droits de l'homme devenu trop « gênant » pour le gouvernement.

Alkarama reste profondément préoccupée par ces événements et continuera à suivre de près le cas de Mohamed Al-Dainy, ainsi que celui de ses proches.