Tandis que le Monde célèbre la Journée Internationale des Droits de l’Homme, commémorant le 10 décembre l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, le Monde Arabe demeure gangrené par l’oppression, l’escalade des violations des droits humains et les campagnes visant à restreindre les libertés d’opinion et d’expression, parallèlement à un climat d’impunité et d'absence de justice.
À nouveau, cette année, Alkarama a continué de défendre les victimes de répression dans le Monde Arabe par le biais des mécanismes de défense des Droits de l’Homme, en soumettant des dizaines de plaintes individuelles et en servant de relais pour faire entendre la voix des opprimés à travers ses différentes plateformes.
Le directeur juridique d’Alkarama, Rachid Mesli, a déclaré :
« Force est de constater qu’en ces temps de préoccupations humanistes, la Communauté Internationale peine toujours à se libérer de la tyrannie des intérêts matériels, entre autres contrats de vente d’armes, lorsqu’il s’agit de défendre la cause des droits humains dans les pays arabes qui organisent une répression systématique. Attitude qui contribue à prolonger nombre de conflits dans ces pays au détriment des aspirations des populations à la réforme démocratique et ce qu’elle devrait entraîner comme participation politique et élargissement des libertés individuelles».
Un certain nombre d’exemples permettent d’illustrer la situation des Droits de l’Homme dans le Monde Arabe, donnant une image aussi nette que possible de la réalité locale.
- En Arabie Saoudite, les autorités ont poursuivi leur implacable répression des libertés publiques et des Droits de l’Homme, et ont continué à détenir des centaines d’opposants politiques, y compris des érudits religieux, des militants et des militantes, des avocats, des journalistes et des économistes. La mort de l’éminent prisonnier politique Abdullah al-Hamid du fait de négligences médicales au cours de sa détention à la prison d’Al-Haer a été un choc majeur, ce qui n’a nullement freiné les services de sécurité, en particulier le Service général d’enquête et le Service de sécurité de l’État, qui ont continué à procéder à des arrestations arbitraires de personnalités, y compris des yéménites résidant dans le royaume, comme dans le cas du militant et représentant du gouvernement yéménite Abdul Karim Thuail, et du prédicateur Abdulaziz al-Zubairi. Alkarama a appris que les autorités saoudiennes les avaient libérés à la suite de plaintes déposées auprès des procédures de l’ONU, mais les deux hommes sont, selon des sources fiables, actuellement assignés à résidence. En octobre dernier, Alkarama a déposé une plainte auprès du Comité des droits des personnes handicapées (CRPD), au nom de l’universitaire Safar bin Abdul Rahman al-Hawa. Le Comité a estimé que des mesures urgentes étaient nécessaires, y compris sa libération immédiate. La décision du tribunal d’infliger à l’auteur une deuxième peine d’emprisonnement à démontré que la question était d’ordre public.
- Au Yémen, qui traverse la pire crise humanitaire de son Histoire, du fait de la guerre qui fait rage depuis septembre 2014, le pays étant devenu une scène ouverte de violations des droits humains et de crimes de guerre commis par diverses parties au conflit armé, du groupe Houthi au gouvernement du président reconnu Abed Rabbo Mansour Hadi en passant par les frappes américaines dans le cadre de la guerre contre le « terrorisme », et surtout la coalition saudo-émiratie, qui est accusée d’être impliquée dans le meurtre des deux tiers des victimes civiles.
Le recrutement de mercenaires pour des assassinats d’imams de mosquées et de militants politiques, la mise en place et la gestion de réseaux pénitentiaires secrets où sont documentés de nombreux actes de torture et d’agressions sexuelles, sont autant d’exactions qui demeurent sans jugement.
Alkarama a travaillé pour la libération de cinq journalistes et de plusieurs militants détenus, mais s'est heurtée à l’intransigeance de la faction Houthi qui a emprisonné quatre autres journalistes.
- En Égypte, le régime militaire du Maréchal Abdel Fattah Al-Sissi continue de diriger le pays d'une main de fer. On estime à plus de 60 000 le nombre des prisonniers politiques égyptiens, dont beaucoup meurent lentement des suites de détentions prolongées, de manque de soins médicaux et de mauvais traitements. Le militant politique Essam al-Arian est mort dans les mêmes circonstances « brutales » que celles décrites par les experts de l’ONU et qui ont conduit à la mort du président égyptien Mohamed Morsi. Alkarama a continué à porter plainte au nom des victimes d’arrestations arbitraires en suivant les procédures de l’ONU. Mais malgré toutes les déclarations, rapports et positions condamnant l’approche répressive en Égypte, les autorités continuent leur campagne de répression sans relâche et le système judiciaire reste un outil entre les mains des autorités pour faire taire les militants et les opposants politiques, selon les experts de l’ONU.
- En Irak, la corruption, l’implication de milices sectaires dans la vie publique et l’absence de l’État de droit sont les caractéristiques les plus importantes du paysage politique actuel. Le pays a connu un mouvement de contestation pacifique impliquant des jeunes de diverses composantes de la société, mais les manifestants ont été brutalement réprimés, et de violentes attaques contre ces derniers ont fait des dizaines de morts. Les autorités gouvernementales n’ont pas poursuivi les responsables de ces actes. Le Comité des disparitions forcées de l’ONU a récemment appelé l’Iraq à s’engager dans la recherche de Munir al-Jubouri, disparu de force en 2014, mais en vain. Les corps de nombreux civils sont toujours ensevelis sous les décombres à Mossoul depuis les violents combats qui s’y sont produits.
- En Algérie, les services de sécurité ont poursuivi leur répression contre toutes les formes de mouvements populaires pacifiques exigeant des droits, des libertés et l’État Civil. Alkarama a déposé plusieurs plaintes en faveur des militants Karim Tabou et Fadhel Brika et a publié des résolutions de l’ONU condamnant le caractère arbitraire de leur détention. Les experts de l’ONU ont également condamné la peine de prison du journaliste Khaled Drarni, exprimant leur préoccupation au sujet des amendements aux nouvelles lois restrictives.
- Aux Émirats Arabes Unis, malgré ses antécédents en matière de violations des Droits de l’Homme et d’implication dans les conflits armés en Libye et au Yémen, Abu Dhabi est recompensé en cette fin de mandat du président américain Donald Trump par un accord de vente d’armes d’un montant de 23 milliards de dollars. Les autorités des Émirats arabes unis détiennent toujours des dizaines d’opposants politiques, qui ont été sévèrement condamnés dans le cadre de procès inéquitables, et les exactions commises par Abu Dhabi contre des Yéménites lors de son intervention militaire au Yémen n’ont pas cessé. Les experts de l’ONU ont également condamné les Emirats Arabes Unis au sujet de prisonniers au nombre de 18 revenus de Guantanamo qui sont victimes de détention arbitraire et de mauvais traitements.
- En Libye, la nature particulièrement fragmentée du conflit armé gêne considérablement toute évaluation de la situation des Droits de l’Homme, contrairement aux autres conflits dans le Monde. Dans diverses régions, des violations du droit à la vie et à l’intégrité physique et morale sont régulièrement constatées, et en réponse à une plainte d’ Alkarama, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (WGAD) a publié son avis n° 13/2020 concernant le détenu Mustafa Abdul Khaleq Al-Darsi, considérant que sa détention était arbitraire.
Ces exemples fournis par Alkarama ne représentent que la pointe de l’iceberg des exactions en matière de Droits de l’Homme dans le Monde Arabe, d’autres pays ont en effet été le théâtre de violations, de répression et d’absence de justice.
Ceci exige davantage de soutien à la lutte pour soutenir et promouvoir les diverses initiatives et événements en matière de Droits de l’Homme, promouvoir une culture des Droits de l’Homme et exiger des comptes des personnes impliquées dans les crimes contre les droits humains, dans un climat de justice, de transparence et de responsabilité.