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عبدالحكيم امبارك المشري

Le dimanche 10 mars 2024, les Forces de dissuasion en Libye (FDS) ont libéré Abdelhakim Imbarak Muhammad Ali, connu sous le nom d’ « Abdelhakim AL MECHERI », après près de huit ans de détention arbitraire et en l’absence de procédure judiciaire, a appris Alkarama de ses sources. 

Le 11 août 2021, Alkarama avait adressé une requête au GTDA lequel a reconnu le caractère arbitraire de la détention d’AL MECHERI qui avait été arrêté par les FDS en Libye courant 2016. 

Forces de dissuasion en Libye 

Les Forces spéciales de dissuasion (FDS), une milice dirigée par Abdel Raouf Kara, sont l'une des principales forces de sécurité de la capitale libyenne, Tripoli. Théoriquement, les FDS relèvent du ministère de l'Intérieur mais agissent en réalité de manière indépendante. Cette milice contrôle également de nombreux endroits stratégiques de la capitale, qui échappent au contrôle de toute autorité judiciaire, dont principalement l'aéroport de Mitiga. Ces forces détiennent arbitrairement des centaines de personnes dans la prison placée sous leur contrôle à l'aéroport de Mitiga (à l'ouest de Tripoli). 

L'ONU s'est penchée sur la question de la détention arbitraire en Libye, tandis que diverses organisations de défense des droits humains ont signalé des violations alarmantes commises en toute impunité par les milices libyennes, y compris les forces de dissuasion. 

Au cours des dernières années, Alkarama a également reçu de nombreux témoignages d'arrestations arbitraires et d'enlèvements de personnes, dont certaines sont toujours disparues. Abdelhakim Imbarak Muhammad Ali (AL MECHERI) figure parmi les libyens victimes des exactions de cette milice. 

Préoccupée par la situation persistante dans le pays, Alkarama avait appelé le Groupe de travail sur la détention arbitraire à intervenir pour AL MECHERI et plusieurs autres victimes. Alkarama a également souligné l'importance de placer, sans exception, toutes ces milices sous le contrôle effectif du gouvernement et du pouvoir judiciaire. 

Contexte de l'affaire 

Après l'enlèvement, les proches d'AL MECHERI sont allés s'enquérir de son sort et ont reçu la confirmation de sources non officielles qu'il était détenu au centre de détention de l'aéroport international de Mitiga sous le contrôle des FDS. Dans une lettre officielle datée du 25 octobre 2016, le procureur général a demandé qu'AL MECHERI soit traduit devant lui mais la victime est restée sans protection juridique et n'a été présentée devant aucune autorité judiciaire, ni autorisée à recevoir des visites. AL MECHERI a parfois été autorisé à discuter avec sa femme par appel vidéo. 

AL MECHERI et sa famille ignoraient tout des accusations qui ont conduit à son arrestation. Il a cependant informé un de ses proches qu'il avait été interrogé sur son voyage à Gaza en 2013, pendant le blocus israélien alors qu'il effectuait une mission humanitaire. Bien que la famille ait tenté d'obtenir des éclaircissements sur son cas, elle n'a pas pu prendre de mesures supplémentaires par crainte de représailles, jusqu'à ce qu'il soit finalement libéré.

Avis du Groupe de travail de l’ONU 

Dans son Avis n°62/2021 rendu le 17 novembre 2021, le GTDA a considéré que la privation de liberté du citoyen libyen AL MECHERI est arbitraire. La décision du Groupe de travail a été prise à la suite d’une plainte déposée par Alkarama le 11 août 2021, dans laquelle il a été fait état de nombreuses violations des droits de la victime découlant du droit international relatif aux droits humains, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Les experts de l'ONU ont reconnu que la privation de liberté d’AL MECHERI n'avait  aucun fondement juridique et que les autorités libyennes n'avaient pas respecté leur obligation légale d'informer la victime des motifs de son arrestation et des charges retenues contre lui. Les experts ont également noté que « le contrôle judiciaire de la privation de liberté est une garantie fondamentale de la liberté individuelle et est nécessaire pour garantir que la détention dispose d'une base légale ». 

Dans son avis, le Groupe de travail a également fait état de plusieurs violations graves du droit à un procès équitable. Il a estimé que la détention prolongée de plus de cinq ans sans « procès en vue » constituait une « violation manifeste du droit d'être jugé sans retard injustifié » et une « violation de la présomption d'innocence » garantie par plusieurs instruments internationaux. En outre, les autorités libyennes ont été mises en garde contre les violations des garanties juridiques fondamentales pendant la détention et ont appelé au respect du droit des détenus à des contacts réguliers avec leur famille et de leur droit à un avocat sans délai immédiatement après leur détention. 

Dans ce contexte, les experts se sont également dits préoccupés par les arrestations arbitraires massives en Libye, notant que « dans certaines circonstances, l'emprisonnement généralisé ou systématique ou d'autres privations graves de liberté peuvent constituer des crimes contre l'humanité » et la réintégration, et la mise en place de forces de sécurité nationales sous le commandement et le contrôle de l'État.