Le jeudi 4 avril 2024, les autorités algériennes ont libéré M. Abderrahmane Zitout après avoir purgé sa peine de deux ans d’emprisonnement prononcée à l'issue d'un procès inique.
M. Abderrahmane Zitout, frère de l'ancien diplomate et militant de l'opposition en exil M. Mohamed Larbi Zitout, avait été arrêté à titre de représailles contre son frère et condamné à deux ans d'emprisonnement, sur la base d'aveux extorqués sous la torture à l'ancien officier de l'armée M. Benhalima Mohamed Azzouz.
M. Mohamed Azzouz avait publiquement déclaré au cours de ses audiences qu'il avait été torturé pour qu'il fasse des aveux condamnant M.Zitout, des aveux par la suite utilisés pour le condamner à deux ans d'emprisonnement.
Avis du Groupe de travail
Suite à une plainte d’Alkarama, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a, dans son Avis No. 53/2023, reconnu le caractère arbitraire de la privation de liberté de M. Abderrahmane Zitout et appelé les autorités algériennes à le libérer immédiatement. Il avait été arrêté du fait de ses relations avec son frère, M. Mohamed Larbi Zitout, et en représailles contre lui. M. Larbi Zitout s’est exilé à Londres en 1995 où il a obtenu le statut de réfugié politique après avoir dénoncé les violations flagrantes des droits humains commises par l'armée et la police algériennes pendant la guerre civile. Depuis lors, il est un opposant politique qui a appelé à l'établissement du droit et de la démocratie en Algérie et à la fin de l'emprise de l'armée sur l'État algérien. Il a récemment été placé sur la liste des personnes officiellement désignées comme « terroristes » en raison de son implication dans le Mouvement Rachad, un mouvement politique pacifique qu'il a cofondé. Sans aucune appellation idéologique, ce mouvement appelle à l'instauration d'un État de droit et d'une démocratie en Algérie, conformément à son statut et à sa charte.
M. Abderrahmane Zitout a été arrêté le 30 mars 2022 pour activités subversives, appartenance à un groupe terroriste ou publications mensongères, et a été transféré vers une destination inconnue où il a été détenu au secret et sans contact avec le monde extérieur.
Sa famille n'a appris qu'il se trouvait à la prison d'El Harrach (banlieue d'Alger) que le 4 avril 2022. Lors de la première visite de sa famille en prison, il a déclaré qu'il avait passé les cinq jours qui ont suivi son arrestation au commissariat central d'Alger, où il a été longuement interrogé sur ses liens avec son frère et sur la question de savoir s'il partageait ses convictions politiques, notamment ses opinions sur le mouvement pacifique du « Hirak ». Les policiers ne l’ont, à aucun moment, interrogé sur les faits pour lesquels il a prétendument été arrêté.
Le Groupe de travail reconnaît le caractère arbitraire de sa détention
Dans son Avis No. 53/2023, le Groupe de travail des Nations unies a relevé une série de violations, notamment l'absence de communication des motifs de l'arrestation, le retard dans sa comparution devant une autorité judiciaire, la garde à vue prolongée, le maintien en détention provisoire au détriment de mesures de remplacement, la détention au secret et la disparition forcée de M. Zitout, qui rendent sa détention arbitraire.
Dans sa réponse à la plainte d'Alkarama, le gouvernement avait indiqué que « M. Zitout a été arrêté pour avoir publié des publications jugées offensantes pour les symboles de l'État, pour avoir soutenu le mouvement politique Rachad et pour avoir appelé à la rébellion contre les forces de sécurité ». Les experts indépendants de l'ONU ont noté que l'État, à travers cette déclaration, reconnaît en réalité qu'il a été poursuivi pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression.
Le Groupe de travail s'était également déclaré préoccupé par « l'ambiguïté de la loi algérienne relative à la lutte contre le terrorisme, sur la base de laquelle M. Zitout a été placé en détention », rappelant que « des lois rédigées de manière vague et trop générales peuvent avoir un impact négatif sur l'exercice des droits protégés » car elles « peuvent conduire à des violations, y compris à une privation arbitraire de liberté ».
Les experts ont relevé plusieurs violations du droit de M. Zitout à un procès équitable et à une condamnation en l'absence de preuves matérielles.
Enfin, comme l'a souligné Alkarama dans sa plainte, les experts de l'ONU ont noté qu'Abderrahmane Zitout risquait d'être « coupable par association » parce qu'il avait été « détenu sur une base discriminatoire, en particulier en raison de ses seuls liens familiaux et en représailles à l'activisme et aux opinions politiques d'un membre de sa famille en exil ».