Alkarama for Human Rights a appris l'arrestation hier, 9 septembre 2007, de Ali Benhadj, le vice-président du Front islamique du Salut (FIS), dissout par les autorités algériennes en mars 1992.
Ali Benhadj, né en 1956, enseignant, a été arrêté le 9 septembre 2007 vers midi alors qu'il sortait de son domicile en compagnie de son fils Abdelfettah. Des membres des services de sécurité, arrivés sur les lieux à bord de véhicules banalisés de couleur noire et de marque NISSAN l'ont interpellé sans l'informer des motifs de cette arrestation ni présenter de mandat de justice.
Une perquisition de son domicile et de celui de son fils Abdelfattah a été effectuée, toujours sans mandat de justice, et son ordinateur ainsi que des livres personnels, cassettes etc. ont été emportés par les agents.
Cette arrestation a eu lieu à la suite de plusieurs interventions dans les médias de M. Ali Benhadj, notamment sur les chaînes satellitaires Al-Jazeera et Al Hiwar au cours desquelles il a exprimé son désaccord avec le régime algérien concernant la politique dite de réconciliation nationale conduisant à l’impunité des auteurs de crimes commis depuis le coup d’état de janvier 1992.
Le 30 août 2007, sur la chaîne de télévision Al Hiwar, à l'occasion du décès du général Smail Lamari, le patron des services du contre-espionnage (DCE), n°2 des services de renseignements algériens, M. Ali Benhadj avait mis en relief le rôle joué par ce responsable militaire et ses services dans la répression sanglante qui sévit encore en Algérie ainsi que la responsabilité du DRS dans les graves atteintes aux droits de l’homme.
M. Ali Benhadj a été conduit au siège du commissariat central et n'a pas été libéré depuis.
Selon le quotidien francophone El Watan de ce jour, « il a été emmené au commissariat central où il a été maintenu en détention pour être entendu sur ses propos sur instruction du parquet d'Alger. Il serait poursuivi pour, entre autres, atteinte à corps constitué et violation des restrictions imposées par le tribunal militaire après sa libération en juillet 2004. »
Mais selon le quotidien arabophone Al Khabar du même jour, tant le ministre délégué aux collectivités locales, M. Dahou Ould Kablia que le colonel Ali Tounsi directeur général de la sécurité nationale (DGSN) interrogés par des journalistes, n’ont reconnu l’arrestation de M. Ali Benhadj ce qui tend à confirmer la thèse que celle-ci a été décidée et réalisée par les services du DRS, sans en référer à la police ou à la justice. La récente déclaration du général Abdelmalek Gueniazia, ministre délégué à la Défense nationale, qui avait annoncé que l’armée algérienne « allait répliquer » aux déclarations de M. Ali Benhadj confirme que ce sont bien des services de l’armée algérienne qui sont derrière cette nouvelle arrestation.
Il faut s'attendre à sa présentation au parquet d'Alger aujourd’hui dans l'après-midi ou demain et sa mise en examen pour violation de l'article 46 de l'ordonnance d'application de la charte pour la paix et la réconciliation. Cet article prévoit une condamnation de 3 à 5 ans de prison pour « quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. »
Dans ses observations présentées dans le 23 juillet 2007 au Comité des droits de l’homme de l’organisation des Nations Unies, Alkarama avait déjà attiré l’attention des experts sur la véritable menace que constitue cette disposition de l’ordonnance d'application de « la Charte pour la paix et la réconciliation nationale » qui constitue une violation évidente par le gouvernement algérien des principes du droit international.
Nous rappelons que Ali Benhadj avait été arrêté le 30 juin 1991 à la suite d'une grève générale organisée par le FIS et condamné par le tribunal militaire de Blida, à la suite d’un procès manifestement inéquitable, à 12 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l'Etat et au bon fonctionnement de l'économie nationale.
Il a passé une grande partie de sa peine en détention secrète dans une caserne militaire dans le sud du pays et dans un isolement total. Libéré en juillet 2003 après avoir purgé sa peine dans sa totalité, il s'est vu notifier par le procureur du tribunal militaire l’interdiction de toute activité politique et déclaration publique alors que le jugement rendu par cette juridiction ne prévoyait aucune peine complémentaire et n'avait pas prévu ces restrictions.
Alkarama for Human Rights a l'intention de saisir de nouveau le Comité des droits de l'homme de l'ONU, qui doit examiner le rapport périodique présenté par l'Algérie le 23 octobre prochain, des persécutions dont continue à être victime Ali Benhadj.
*Alkarama a appris la libération de M. Ali Benhadj le 11 septembre 2007 sans avoir été présenté au parquet.