À l'approche de l'élection présidentielle algérienne du 7 septembre 2024, l'Algérie traverse une période de répression particulièrement sévère, marquée par une vague d'arrestations arbitraires visant des opposants politiques, des militants prodémocratie, des journalistes, des universitaires, et des défenseurs des droits humains.
Cette répression, orchestrée par les autorités, constitue une violation flagrante des engagements internationaux de l'Algérie en matière de droits de l'homme, notamment au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Alkarama dénonce fermement cette situation alarmante qui prive le peuple algérien de son droit fondamental à l’autodétermination et annonce qu'elle va saisir les rapporteurs spéciaux des Nations Unies pour qu'ils enquêtent sur ces violations flagrantes des droits humains en Algérie.
La répression en Algérie : un contexte alarmant
À l'approche de l'élection présidentielle algérienne, initialement prévue pour décembre 2024, mais avancée de manière controversée au 7 septembre 2024, l'Algérie vit une période de répression d'une intensité particulièrement préoccupante. Au cours du seul mois d'août 2024, des dizaines d'opposants politiques, de militants des droits humains, de journalistes, et de simples citoyens ont été arrêtés ou placés sous contrôle judiciaire.
Parmi les cas les plus notables, celui de Karim Tabou, ancien leader du Front des Forces Socialistes (FFS), arrêté à plusieurs reprises et soumis à des restrictions sévères de liberté, y compris une interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux ou de participer à des conférences de presse. Ali Benhadj, figure emblématique du Front Islamique du Salut (FIS), a été assigné à résidence et son fils Abdelfatah a été arrêté et placé en détention.
Me Rachid MESLI ; directeur d’Alkarama a souligné que : « Ces deux derniers cas illustrent également la poursuite de la répression contre les anciens membres du FIS alors que nombre d’anciens cadres du parti demeurent détenus depuis plusieurs mois pour avoir publié un communiqué de presse appelant à la libération des prisonniers d'opinion et au respect des libertés publiques ».
En outre, le cas de Hocine Benhalima, arrêté après avoir rendu visite à son frère en prison, démontre l'extension de cette répression jusqu’aux aux proches des militants emprisonnés. Plusieurs centaines de détenus d'opinion dont des femmes, sont actuellement privés de liberté en Algérie. Ces arrestations ciblent systématiquement les personnes exprimant des opinions critiques à l'égard du régime, souvent sous des accusations vagues telles que la « publication de fausses informations » ou « l'offense au président ».
Parmi les autres personnalités politiques ciblées, on compte également Ali Laskri, ancien secrétaire général du FFS, arrêté le 20 août 2024 lors d'un déplacement à Ouzlaguen, ainsi que Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement Démocratique et Social (MDS), interpellé le 27 août 2024 à son domicile. Selon Alkarama, ces arrestations s'inscrivent dans une stratégie délibérée visant à éliminer toute velléité d’opposition politique organisée à l’approche les élections.
Les arrestations ne concernent pas seulement les figures politiques ; Abdellah Bennaoum, militant des droits humains et ancien détenu politique déjà connu pour avoir effectué la plus longue grève de la faim en Algérie, a de nouveau été arrêté arbitrairement à son domicile le 28 août 2024.
Enjeux juridiques : violations flagrantes des obligations internationales de l'Algérie
Les pratiques répressives en Algérie violent de manière flagrante plusieurs dispositions du PIDCP, auquel le pays est partie depuis 1989. L'article 9 du PIDCP, qui protège contre les détentions arbitraires, est régulièrement bafoué par les nombreuses arrestations de militants et d'opposants sans procédure légale régulière. L'article 14, qui garantit le droit à un procès équitable, est également violé par l'usage abusif du mandat de dépôt, qui permet de maintenir des individus en prison sans jugement.
La liberté d'expression, protégée par l'article 19 du PIDCP, est également gravement menacée, comme en témoignent les restrictions imposées à des figures telles que Karim Tabou et Ali Benhadj. L'article 22, qui garantit la liberté d'association, est systématiquement violé, notamment par l'application d'une législation antiterroriste qui assimile toute forme de contestation pacifique à du sabotage ou du terrorisme.
Ces violations des droits fondamentaux sont exacerbées par l'adoption de lois répressives telles que l'article 87 bis du Code pénal, qui assimile tout appel à changer le système de gouvernance à du « terrorisme ». Cette disposition est utilisée pour justifier la détention de militants pacifiques et museler toute forme de dissidence. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'association a récemment insisté sur la nécessité pour l'Algérie de lever ces restrictions et de respecter ses engagements internationaux en matière de droits humains.
Ces atteintes aux libertés fondamentales violent également l'article 25 du PIDCP, qui garantit le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques, notamment par le biais d'élections libres. Dans le contexte actuel, où la répression touche tous les secteurs de la société civile et des mouvements politiques, l'intégrité des élections est gravement compromise. La capacité du peuple algérien à exercer son droit à l'autodétermination, un droit pour lequel tant de vies ont été sacrifiées durant la lutte pour l'indépendance, est ainsi directement menacée.
Selon Me MESLI : « Sans la garantie de ces libertés essentielles, l'aspiration du peuple algérien à disposer de lui-même est gravement remis en cause, rendant aujourd’hui toute élection dénuée de sens ».
Une négation du droit collectif inaliénable des Algériens à l'autodétermination
Ces pratiques répressives, qui touchent tous les secteurs de la société civile et les divers mouvements politiques, ne se contentent pas de violer des droits individuels ; elles compromettent directement le droit collectif du peuple algérien à disposer de lui-même.
Les libertés fondamentales, protégées par le PIDCP, sont intrinsèquement liées à la capacité d’un peuple à exercer son droit à l'autodétermination. Sans la possibilité de s’exprimer librement, de s’associer pour défendre des causes communes, et de participer pleinement et de manière équitable à la vie politique de leur pays, les Algériens sont empêchés de réaliser l'aspiration pour laquelle tant de leurs compatriotes se sont sacrifiés depuis le début de la lutte pour l'indépendance.
En effet, le PIDCP pose le droit à l’autodétermination dans son article premier en en fait l’objectif même de l’exercice de l’ensemble des droits et libertés fondamentales protégés dans le Pacte. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est non seulement un pilier du droit international mais aussi un fondement historique et moral pour le peuple algérien, dont le combat pour l’indépendance fait partie intégrante de son histoire et de son identité.
Me MESLI a conclu que : « Il est profondément ironique que les autorités algériennes proclament ce principe sur la scène internationale tout en le bafouant envers leur propre peuple. L’aspiration du peuple algérien à gouverner ses propres affaires, à choisir librement son destin politique, et à jouir pleinement de ses droits fondamentaux, est enracinée dans une histoire de lutte pour l’autodétermination et la dignité — des droits inaliénables que nul ne pourrait lui ôter. »
À la lumière des graves violations des droits individuels et collectifs des Algériens par les autorités, Alkarama a décidé d’alerter en urgence les experts suivants sur la situation :
- La Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression
- La Rapporteuse spéciale sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association
- La Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme
- Le Groupe de travail sur la détention arbitraire
- La Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats
- Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste
- La Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
- Le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition