Abdelkader Boudjema, secrétaire général de Mish'al, association des enfants de disparus de la wilaya de Jijel, a été convoqué le 13 novembre dernier à la brigade de gendarmerie nationale de la commune de l'Emir Abdel Kader (wilaya de Jijel). Au mois de juin, il avait soumis une plainte au Comité des droits de l'homme de l'ONU relative à la disparition forcée de son père depuis plus de 17 ans, Mahmoud Boudjema.
Enlèvement de Mahmoud Boudjema par des militaires dans la nuit du 20 août 1996
Mahmoud Boudjema avait été enlevé à son domicile dans la nuit du 19 au 20 août 1996 vers deux heures du matin par des militaires relevant du Secteur opérationnel de Jijel. Cette nuit là, cette unité de l'ANP dirigée par le Commandant Salah Lebbah dit « Belbah » avait procédé à plusieurs dizaines d'enlèvements de citoyens de cette commune située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Jijel.
Un bus civil avait été réquisitionné de force par les militaires pour la rafle pour conduire toutes les victimes au siège du secteur militaire opérationnel de Jijel. Dans les jours qui ont suivi, de nombreuses familles des personnes arrêtées s'y sont rendus pour s'enquérir du sort de leurs proches et connaitre les raisons de leur détention. Les militaires leur avaient alors affirmé qu'ils n'étaient pas détenus dans la caserne et ont nié avoir effectué une rafle dans la commune au cours de la nuit.
Des démarches entamées par sa famille pour le retrouver restées vaines et des menaces de représailles
Depuis son enlèvement sa famille est restée sans nouvelle de Mahmoud Boudjema. Malgré les menaces et les représailles dont elle a souffert, son épouse a entamé de nombreuses démarches visant à faire la lumière sur son sort: elle s'était notamment rendue régulièrement auprès du secteur militaire de Jijel, des commissariats de police de la région ainsi qu'au parquet du tribunal de Taher.
Cependant, toutes les autorités sollicitées ont systématiquement refusé d'écouter ses doléances et d'enregistrer ses demandes d'ouverture d'enquête. Ce n'est qu'en janvier 2005, 09 années après l'enlèvement, que sa plainte a finalement été enregistrée par le tribunal de Taher mais a été classée quelques mois plus tard à la suite d'une ordonnance de non lieu rendue sans qu'aucune véritable enquête n'ait été diligentée.
Convocation par la gendarmerie du fils de la victime, Abdelkader Boudjema, à la suite de sa plainte déposée devant l'ONU
Abdelkader Boudjema, le fils de la victime, a été convoqué au siège de la gendarmerie d'Emir Abdel Kader le 13 novembre 2013 où il a été interrogé sur les circonstances de la disparition de son père. Cependant, aucun procès-verbal ou document justifiant cette procédure ne lui ont été délivré.
Selon les gendarmes, cette audition avait été requise par le Procureur de la République du tribunal de Taher sur demande du Procureur général de la Cour de Jijel. Cette démarche est d'autant plus surprenante que les gendarmes locaux ne pouvaient ignorer les circonstances de la disparition de Mahmoud Boudjema puisque son épouse les avait sollicités de nombreuses fois mais toujours en vain.
Alkarama s'interroge sur le comportement des autorités algériennes qui convoquent l'auteur d'une plainte pendante devant le comité des droits de l'homme de l'ONU alors que cette même procédure a été classée en Algérie ; elle appelle les autorités à s'abstenir de toutes représailles ou formes d'intimidation contre les membres de la famille du disparu Mahmoud Boudjema en raison de la communication soumise au Comité.