Le 11 mai 2017, le Groupe de travail sur l'Examen périodique universel (EPU), établi par le Conseil des droits de l'homme (CDH), a adopté son rapport contenant les recommandations adressées par les États membres des Nations Unies à Algérie lors de son examen le 2 mai 2017. Les États ont félicité les efforts déployés par l’Algérie depuis son dernier EPU, mais se sont toutefois dits préoccupés par la persistance de la torture, la peine de mort, l'absence d'enquête sur les cas de disparitions forcées ainsi que sur les restrictions imposées aux droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, faisant ainsi écho aux préoccupations soulevées par Alkarama dans son rapport de septembre 2016. D’autres problématiques ont été soulevées par les États membres, dont la violence à l'égard des femmes, ainsi que les droits des minorités et des enfants.
Les disparitions forcées et le droit à la vérité et la justice des familles de victimes
Comme souligné dans le rapport d'Alkarama, l'Algérie est le cinquième pays ayant le plus de cas pendant devant le Groupe de travail sur les disparitions Forcées ou involontaires (GTDFI) avec 3139 cas de disparitions forcées non résolus du fait de l’absence de coopération des autorités avec les mécanismes onusiens. En outre, et depuis 2000, les autorités algériennes ont constamment repoussé les demandes du GTDFI de se rendre dans le pays. Par ailleurs, pas moins de 30 décisions du Comité des droits de l'homme (Comité DH) confirmant la violation du droit à la vérité et à la justice des familles des victimes n’ont pas été mises pas en œuvre en dépit des obligations internationales de l'Algérie. Par conséquent, plusieurs États membres, dont l'Irak, le Portugal, l'Ukraine, la Sierra Leone et la Zambie, ont recommandé au gouvernement algérien de mettre en œuvre les recommandations du Comité et d’adresser, sans délai injustifié, une invitation permanente au GTDFI à visiter le pays.
Enfin, compte tenu de l'engagement pris par l'Algérie de « prendre des mesures pour ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » lors de son premier examen, les États membres ont réitéré leur recommandation précédente en demandant à l'Algérie de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF).
Pratique de la torture et peine de mort
Dans son rapport, Alkarama avait souligné que la torture demeurait préoccupante car la législation interne n'assure pas l’irrecevabilité des aveux forcés par les tribunaux. Au cours de l'EPU, plusieurs États membres, dont le Danemark, le Honduras, le Rwanda, le Portugal, l'Espagne, le Royaume-Uni, le Guatemala, la Bosnie et le Chili, ont recommandé à l'Algérie de mettre fin à la torture, de punir cette pratique et ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture en vertu duquel un mécanisme national préventif indépendant, efficace et disposant des ressources nécessaires doit être établi. Ils ont en outre encouragé l'Algérie à organiser des programmes de formation sur les droits de l'homme à l'intention des forces de l'ordre.
Dans son rapport, Alkarama avait aussi rappelé que même si l'Algérie observe un moratoire sur la peine capitale depuis 1993, la peine de mort est encore prononcée, en particulier dans les cas de terrorisme. Suite à son dernier EPU, la délégation algérienne a simplement pris note des recommandations demandant la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Au cours de ce troisième examen, plusieurs États membres, dont l'Australie, le Luxembourg, l'Irlande, l'Uruguay, la France, la Namibie, le Monténégro, le Portugal, l'Italie et le Brésil ont repris leurs recommandations précédentes encourageant l'Algérie à commuer les peines de mort et à maintenir le moratoire de facto en vue de son abolition formelle.
Atteintes aux libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique ; représailles contre les défenseurs des droits de l'homme
Dans son rapport, Alkarama a rappelé que, suite à sa visite du pays d’avril 2011, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression (RSLIBX) a noté que bien que la Constitution de 2014 consacre le droit à la liberté d'expression, ce droit n'est toujours pas entièrement garanti en raison de l'absence de réforme de la loi n °12-05 sur l'information. La répression contre les opposants pacifiques critiquant le gouvernement, y compris les journalistes, persiste et conduit à des arrestations arbitraires et à la censure de média. En outre, le Code pénal sanctionne toujours d’une lourde amende toute personne qui offense le président de la République à travers « une expression outrageante, injurieuse ou diffamatoire, que ce soit par voie d’écrit, de dessin ou de déclaration ». Faisant écho aux préoccupations d'Alkarama, une large majorité d'États membres, dont l'Italie, l'Australie, le Canada, le Luxembourg, le Kenya, la Suède, l'Irlande, la France, la Tunisie, les États-Unis, l'Espagne, les Pays-Bas et la Suisse, ont recommandé à l'Algérie d'abolir toutes les peines de prison pour les infractions liées à la presse, de dépénaliser la diffamation et d’adopter un cadre pour protéger les journalistes de tout harcèlement ou intimidation.
En outre, Alkarama a souligné, dans son rapport, de nombreuses restrictions à la liberté d'association, en particulier le contrôle excessif et le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif de refuser l'enregistrement d’associations sous le prétexte qu’elles seraient contraires « aux constantes, aux valeurs nationales, à l'ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois en vigueur ». Au cours de l'examen, plusieurs Etats ont ainsi encouragé l'Algérie à lever toutes les restrictions sur l'enregistrement d’associations afin de rendre les procédures plus souples et d'assurer un environnement sûr pour que les associations puissent mener à bien leurs activités. Ils ont en outre encouragé les autorités à modifier la loi sur les associations n °12-06 de 2012 afin de fournir un cadre légal clair et non ambiguë pour que la société civile puisse travailler en toute sérénité.
Enfin, Alkarama s'est montrée particulièrement préoccupée par l'incrimination des « attroupements non armés » et a noté que les rassemblements pacifiques demeurent interdits dans la capitale, tandis qu’ils continuent à être violemment réprimés dans le reste du pays. Plusieurs États membres, dont le Luxembourg, les États-Unis, la Norvège et l'Argentine, ont recommandé à l'Algérie de ne pas entraver le travail légitime des ONG et des défenseurs des droits de l'homme.
Prochaine étape
L'Algérie a reçu 229 recommandations des Etats membres de l'ONU, qu’elle doit examiner avant septembre 2017 et informer le Conseil des droits de l'homme de celles qu’elle a accepté ou rejeté. L'Etat devra ensuite mettre en œuvre les recommandations acceptées avant le quatrième cycle de l'EPU prévu en 2021, afin d'améliorer la situation des droits de l'homme sur le terrain.
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