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ALG Hicham Aboud

Hicham Aboud, journaliste et écrivain algérien, fait actuellement l'objet de persécutions judiciaires et administratives pour s'être exprimé dans une intervention sur France 24 sur l'état de santé du président Bouteflika et sur la question de la vacance du pouvoir en Algérie. La procédure pénale initiée par le procureur de la République du tribunal d'Alger à son encontre pour crime « d'atteinte à la sureté de l'état » pourrait aboutir à une lourde peine d'emprisonnement. Ces actions constituent une atteinte grave à la liberté de la presse en Algérie et visent très clairement à museler toute critique des autorités en place dans le cadre d'une campagne de répression et de harcèlement, engagée contre les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et les opposants politiques.

Accusé de « crime d'atteinte à la sûreté nationale » pour avoir parlé de l'état de santé de Bouteflika

Le 19 mai dernier, Hicham Aboud donnait une interview téléphonique à la chaine de télévision française « France 24 » au cours de laquelle il abordait la question de l'état de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika, alors hospitalisé en France depuis le mois d'avril, à la suite d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Cette question particulièrement médiatisée faisait alors l'objet d'un black-out de la part des médias algériens officiels pour des raisons politiques.

A la suite de son intervention télévisée, le chef de la brigade criminelle d'Alger a cru devoir prendre l'initiative de saisir le parquet d'Alger d'un « rapport préliminaire d'information » en date du 19 mai 2013. Ce rapport de police judicaire, considérant que M. Aboud avait outrepassé les limites de ce qu'un journaliste pouvait publier sur l'état de santé du président et sur la question de la vacance du pouvoir, considérés comme des sujets tabous, suggérait au parquet de donner une suite pénale à ces faits.

Le procureur de la République du tribunal d'Alger, considérant que les faits rapportés étaient constitutifs de crime « d'atteinte à la sureté de l'état, à l'unité nationale et à la stabilité des institutions ainsi que leur gestion normale », crimes prévus et punis par les articles 71, 78 et 79 du code pénal algérien de peines allant jusqu'à 20 ans de prison, a requis du juge d'instruction de la 3ème chambre du tribunal d'Alger l'ouverture d'une enquête préliminaire et a sollicité la délivrance d'un mandat de dépôt.

Interdit de quitter le territoire
Avant même d'être auditionné en première comparution par le juge d'instruction, audience prévue pour le 27 juin 2013, ce dernier a émis, le 6 juin 2013, une ordonnance d'interdiction de quitter le territoire national contre M. Aboud.

Entendu par ce magistrat en première comparution le 27 juin 2013, il a réfuté toutes les accusations formulées contre lui. Devant l'inconsistance de ces accusations, le juge d'instruction n'a pas jugé nécessaire de faire droit à la demande du parquet de la placer sous mandat de dépôt ; M. Aboud a donc quitté le tribunal libre.

Aucun élément de nature à confirmer les graves accusations portées contre M. Aboud n'ayant été versé au dossier pénal par le parquet d'Alger, l'avocat de M. Aboud a adressé une requête au juge d'instruction en date du 22 juillet sollicitant la levée d'interdiction de quitter le territoire national; son rejet, que le magistrat instructeur s'est abstenu de motiver, lui a été notifié le 25 juillet.

Trois personnes convoquées sous l'accusation infondée de l'avoir aidé à quitter le territoire

A la suite de multiples menaces et autres mesures de persécutions destinées à l'empêcher d'exercer sa profession en toute indépendance, M. Aboud a été contraint de sortir du pays par le poste frontière algéro-tunisien le 10 août 2013, et ce, en toute légalité comme l'indiquent les cachets de sortie du territoire apposés sur son passeport.

Cependant, toujours dans le but de faire pression sur son quotidien d'information pour l'empêcher d'aborder des sujets liés à la situation politique du pays, plusieurs personnes ont été convoquées par la police au prétexte qu'ils avaient été en contact avec lui – dont son propre avocat –pour être interrogées.

Trois d'entre elles ont été déférées devant le parquet du tribunal de Tébessa (600 km à l'est d'Alger) et placées sous mandat de dépôt sous l'accusation infondée de l'avoir aidé à quitter illégalement le territoire national. Parmi elles, figure Abdelhay Abdessami, le correspondant local du quotidien dirigé par M. Hicham Aboud. M. Abdessami a ainsi été détenu trois jours dans les locaux de la police, un jour dans les locaux de la gendarmerie et un jour dans les services du DRS au-delà de la période maximum légale de placement en garde à vue de 48 heures et sa détention actuelle a un caractère particulièrement arbitraire.

Le 11 septembre, les deux quotidiens d'information de M. Aboud ont été suspendus : cette décision est clairement en lien avec la ligne éditoriale des journaux, particulièrement critique vis-à-vis de la politique de répression des autorités algériennes, et leur volonté de museler les journalistes.
Préoccupée par toutes ces mesures judiciaires et administratives qui constituent une atteinte grave à la liberté de la presse en Algérie, Alkarama a saisi aujourd'hui le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression de l'ONU afin qu'il appelle les autorités algériennes à libérer immédiatement toutes les personnes détenues en raison de leur prétendus contacts avec M. Aboud et à cesser tout acte de persécution judiciaire et administrative à l'égard des journalistes.