Le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires de l'ONU (GTDF) a adopté une Observation générale à sa 87ème session, assimilant la pratique de la disparition forcée, lorsqu'elle a un caractère systématique et généralisé, à un crime contre l'humanité.
L'instance Onusienne estime que la définition du crime contre l'humanité de l'article 7§1 des Statuts de la Cour pénale internationale peut être appliquée aux dispositions de la Déclaration pour la protection de toute les personnes contre les disparitions de 1992.
Le texte régissant la Cour pénale internationale considère que :" Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque " Parmi ces actes figurent les " disparitions forcées de personnes ".
Par cette Observation générale, le GTDF affirme que désormais il examinera les cas de disparitions forcées à la lumière des critères établis par cette définition et prendra l'initiative le cas échéant de transférer les cas de disparitions forcées qui lui sont soumis aux instances internationales compétentes pour juger des crimes contre l'humanité.
Cette Observation s'inscrit de toute évidence dans la ligne constante adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies qui a souligné à plusieurs reprises la gravité de ce crime qui constitue un " outrage à la dignité humaine ".
Dans le cadre spécifique de l'Algérie, il est aujourd'hui établi que durant la décennie 90, les forces de sécurité, tous corps confondus, se sont livrées à une pratique massive et systématique d'arrestations arbitraires suivies de disparitions forcées. Cette politique organisée et planifiée au plus haut niveau de l'Etat a conduit Sir Nigel Rodley, expert du Comité des droits de l'homme, à qualifier cette pratique de crime contre l'humanité lors de l'examen du 3ème rapport périodique de l'Algérie, au cours de la séance du 23 octobre 2007.
Sur un nombre de disparitions forcées estimé entre 10 000 et 20 000 par les ONG, l'Etat algérien, en 2005, a reconnu lui-même 6146 cas qu'un membre de l'institution nationale des droits de l'homme vient de corriger à la hausse en le chiffrant à 8 023.*
Jusqu'au mois d'avril 2009, 2730 cas de disparitions forcées ont été communiqués par les diverses ONG algériennes et internationales au Groupe de travail sur les disparitions forcées dont plus d'un millier par Alkarama.
Les autorités algériennes refusent systématiquement de faire la lumière sur les cas de disparitions soumis au Groupe de travail de l'ONU et pratiquement aucun d'entre eux n'a été élucidé en raison de l'absence de collaboration des autorités officielles.
A ce jour, celles-ci refusent d'enquêter sur le sort de près de vingt mille disparus, mais elles ont surtout décrété en 2006 une amnistie générale des auteurs de ces crimes de masse, dont certains continuent d'occuper les plus hautes fonctions de l'Etat, en violation de toutes les conventions et pactes internationaux.
La possibilité de transférer les cas de disparitions forcées non élucidés par les autorités algériennes aux instances internationales compétentes pour juger des crimes contre l'humanité est une perspective particulièrement bien accueillie par les milliers de familles de victimes, les organisations nationales et les militants des droits de l'homme algériens.
Cette possibilité constitue également un moyen supplémentaire pour combattre l'impunité dont continuent à bénéficier les principaux responsables de la tragédie algérienne.
* Le Monde du 11 mars 2009.