Arabie Saoudite
Contribution dans le cadre de l'Examen périodique universel
Alkarama for Human Rights, 8 septembre 2008
1. Contexte
Le royaume d’Arabie Saoudite est proclamé le 23 septembre 1932. Il constitue une monarchie absolue où le roi est à la fois chef de l'État, chef du gouvernement et édicte les lois. Il remplit aussi la fonction de serviteur des deux villes saintes, La Mecque et Médine. Conformément à la loi fondamentale, il a les pleins pouvoirs sur l'armée, les services secrets (al-mabahit al-aama) la police et les Mutawwa (police islamique).
Les partis d’opposition ne sont pas tolérés et, d’une manière générale, toute contestation du pouvoir en place est réprimée. Or, l’alignement du roi sur les positions américaines et l’implication du pays dans les guerres du Golfe en 1991 et en 2003 sous forme notamment de présence de militaires américains sur le territoire a choqué de nombreux saoudiens.
La participation de 15 saoudiens aux attentats du 11 septembre 2001 et la présence de nombreux combattants en Afghanistan a placé le royaume dans une situation délicate. Sur le plan externe, il est accusé de servir de base au terrorisme islamiste tandis que sur le plan interne les critiques vis-à-vis de l’alliance avec les Etats-Unis se multiplient. L’Arabie Saoudite a été le théâtre de nombreux attentats.
Après le 11 septembre 2001, la pression des Etats Unis sur le pays s’est accentuée. La coopération entre les deux gouvernements dans le contrôle des associations humanitaires et du transfert de leurs fonds se fait plus étroite. De nombreuses organisations caritatives qui bénéficiaient pourtant du soutien officiel des autorités du royaume ont été interdites et leurs avoirs gelés.
Le mouvement réformateur qui a vu le jour dans les années 90 peine à se développer en raison de la répression qui le frappe. Les personnes qui osent s’engager pour des réformes constitutionnelles sont poursuivies. Les militants pour la défense des libertés civiles et politiques sont particulièrement touchés, surtout s’ils s’expriment publiquement par le biais des médias arabes.
Les arrestations et détentions arbitraires de citoyens saoudiens et étrangers ont un caractère massif et systématique et la torture est fréquemment pratiquée. Les procès sont généralement inéquitables et les condamnés sont souvent maintenus en détention après avoir purgé leur peine.
Toutefois, les revendications de la société civile saoudienne se faisant plus fortes, le roi a envisagé certaines réformes constitutionnelles et politiques. Une « loi fondamentale » portant sur les droits et responsabilités du gouvernement a été introduite par décret en 1992. Une réforme de la Justice a été annoncée et un code de procédure pénale a été promulgué en novembre 2001.
En mars 1993, 14 régions administratives avec des conseils locaux sont créées. En août 1993 est institué un conseil des ministres (Conseil consultatif), nommés par le roi tous les 4 ans, dont la fonction est d’assister le gouvernement. En juin 2006, pour la première fois, six femmes sont désignées dans ce conseil. Depuis 2005, la moitié des ministres est élue tandis que l’autre moitié est choisie par le roi. Le droit de vote n’est accordé qu’aux hommes âgés de plus de 21 ans. Ils votent aussi pour l'élection des conseillers municipaux. A partir de 2009, les femmes de plus de 21 ans devraient elles aussi être autorisées à voter.
L’Arabie saoudite est membre du Conseil des droits de l’homme depuis mai 2007 ; elle est partie à la Convention contre la torture depuis le 23 Septembre 1997 et a présenté son rapport initial au Comité contre la torture en 2001. Le Conseil consultatif a ratifié la charte arabe des droits de l’homme en avril 2008.
2. Les arrestations et détentions arbitraires
La détention arbitraire sans procédure légale et sans jugement pouvant durer jusqu’à plusieurs années constitue un problème majeur des droits de l’homme en Arabie saoudite. Selon l’article 2 du Code de procédure pénale, l’arrestation ou la détention de toute personne doit être conforme et en application des dispositions légales et la durée de cette détention doit être fixée par l’autorité compétente, l’autorité judiciaire en l’occurrence. Aussi la détention ne peut l’être que dans des lieux qui sont prévus à cet effet. L’article 4 du même texte de loi prévoit aussi expressément l’assistance et le recours à un avocat pour les personnes arrêtées et détenues.
Alkarama signale régulièrement aux organes de l’ONU des cas d’arrestations et de détentions arbitraires. Dans la plupart d’entre eux, particulièrement quand il s’agit de personnes interpellées pour des raisons politiques, celles-ci sont effectuées par des agents des services des renseignements généraux (al-mabahit al-aama) sans qu’aucun mandat de justice ne soit présenté et sans qu’aucun motif ne soit avancé pour justifier cette mesure. Alkarama est particulièrement préoccupée par les arrestations de personnalités ayant fait usage de leur droit d’expression de manière pacifique et de militants des droits de l’homme dont certains sont des membres de l’organisation.
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Walid Lamri , membre d'Alkarama a été arrêté le 27 avril 2007 au domicile familial par des agents des services de renseignement. Il revenait d'une tournée de travail dans plusieurs villes de la région où il avait rencontré des familles de victimes de détention arbitraire qui lui avaient fourni des informations sur des cas de torture et d'arrestations arbitraires ainsi que sur les conditions de détention de leurs proches. Ces informations étaient destinées à être communiquées aux différents mécanismes de protection des droits de l'homme de l'ONU. Il n'a pas été informé au moment de son arrestation des raisons de l'interpellation et des faits qui lui étaient reprochés et aucun mandat de justice ne lui a été remis. Il n'a jamais été présenté devant un magistrat pour être légalement inculpé et il n'a fait l'objet d'aucune procédure légale. Il n'a par conséquent pas eu accès à une procédure de recours pour contester la légalité de sa mise en détention. Il est toujours détenu à ce jour.
Les personnes critiques exerçant leur droit d’expression par le biais d’internet peuvent subir des pressions allant jusqu’à l’arrestation et la détention arbitraires.
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M. Fayçal Al Majed , ressortissant saoudien, a été arrêté au Koweït le 30 septembre 2007 et expulsé vers l'Arabie Saoudite. Victime de mauvais traitements au début, il a été détenu au secret dans un cachot de la prison d'Al Hayr près de Riyad durant 06 mois. Il a été interrogé à propos des démarches qu'il a effectuées auprès d'ONG arabes pour les informer du cas de son frère Tallal détenu lui aussi arbitrairement depuis 06 ans. Il lui a été reproché d'avoir donné à des ONG des informations par internet sur les violations des droits de l'homme dans la région.
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Fouad Ahmad Al Farhan qui anime un blog très apprécié en Arabie Saoudite (http://www.alfarhan.org/) a ouvertement exprimé de vives critiques à propos des arrestations et détentions arbitraires de personnalités du mouvement réformateur saoudien sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Informé deux semaines plus tôt de sa probable arrestation, il a refusé de signer une déclaration d'excuses publiques que le ministère de l’Intérieur exigeait de lui. Il a été arrêté le 10 décembre 2007, emmené vers une destination inconnue et détenu au secret jusqu’au 5 janvier 2008. Il a été libéré sans jugement le 26 avril 2008.
La détention au secret parfois pendant de longues périodes, au-delà des limites fixées par la loi, en particulier pendant l'instruction préparatoire, est courante. Les autorités judiciaires n’exercent que peu de contrôle sur la détention avant jugement. Les lieux de détention sont souvent les centres des services de renseignement qui échappent à tout contrôle de l’autorité judiciaire.
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Dr. Saud Mukhtar Al-Hashimi a été arrêté le 2 février 2007 alors qu'il se réunissait avec 8 autres personnalités connues de la société civile saoudienne pour discuter de la constitution d’un comité pour la défense des libertés civiles et politiques et de la nécessité de réformes constitutionnelles dans le pays. Le Dr Al-Hashimi était souvent intervenu dans les médias arabes pour donner son opinion sur diverses questions relatives à la situation politique dans la région du Moyen Orient ainsi que sur sa conception des réformes. Un communiqué du porte-parole du ministère de l’Intérieur, le Général Mansur Al Turki, a justifié ces arrestations en accusant ces hommes de « soutien et de financement du terrorisme », ainsi que « de mener des activités illicites relatives à la collecte illégale de fonds et de détournement de fonds au profit de parties suspectes ». Détenus au secret pendant de longues périodes (156 jours pour le Dr. Al-Hashimi), aucun d'entre eux n'a fait l'objet d'une comparution devant un magistrat pour se voir notifier une inculpation ou les motifs légaux de l’arrestation. Ils n'ont pu consulter un avocat ou contester la légalité de leur détention en introduisant un recours devant une instance judiciaire. Ils n’ont pas été jugés à ce jour. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a d’ailleurs constaté dans son avis 27/2007 que la détention de Dr. Saud Al Hashimi et des huit autres personnalités constituait une grave violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le fait de refuser aux détenus l'accès à un conseil juridique et à des soins médicaux extérieurs, ainsi que la visite de leurs familles fait partie de nombreuses préoccupations d’Alkarama. Des avocats mandatés par les proches des détenus n’obtiennent que dans de rares cas l'autorisation de se constituer pour les assister. En conséquence, le détenu ne dispose d'aucune possibilité légale de contester la validité de sa détention. Mais surtout, de nombreux détenus ne sont pas libérés après avoir purgé leur peine et sont maintenus en prison sans que soit fixé de date de libération.
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M. Mahmoud Hozbor , ressortissant syrien travaillant en Arabie Saoudite, avait été arrêté le 03 juillet 2003 et détenu dans un lieu secret et sans procédure légale. Pendant plus de six mois, sa famille n'a pu obtenir aucune information sur son sort. Ce n’est qu’en janvier 2004 qu’elle a obtenu la permission de le voir, une seule et unique fois, à la prison d'Al Hayr. Elle a appris qu'il avait fait l'objet de graves tortures et qu'il avait été détenu au secret et dans un isolement total durant plusieurs mois. Condamné à 18 mois de prison, il a été transféré vers le centre de détention des services de renseignements d'Al Jouf et n’a plus eu de visite. A l'expiration de la peine de prison, M. Hozbor n'a pas été libéré et a été maintenu en détention secrète. Il a enfin donné signe de vie par téléphone le 20 juin 2008 mais reste emprisonné sans aucune base légale.
3. La torture
L’article 2 du Code de procédure pénale précise qu’une personne arrêtée ne peut faire l’objet de tortures et de mauvais traitements. Le gouvernement saoudien a affirmé dans son rapport initial de 2001 que « le droit interne prévoit qu'aucune circonstance exceptionnelle, y compris l'ordre d'un supérieur hiérarchique, ne peut être invoquée pour justifier un acte de torture ». L’Arabie Saoudite assure aussi que des aveux obtenus sous la torture ne sont pas recevables dans une action en justice et qu'un suspect peut à tout moment de la procédure revenir sur ses aveux. Or, si une interdiction expresse de la torture a été instituée par le décret royal No. M/39 du 3 Novembre 2001 portant code de procédure pénale, aucune disposition légale ne prévoit cependant de sanctions pénales pour ceux qui la pratiquent comme l’avait déjà relevé le Comité.
Le Comité souligne aussi « l'obligation faite à l'article 100 du Statut de la Direction de la sûreté publique à l'officier chargé de l'interrogatoire de tenter « par les différents moyens qu'il jugera judicieux » de déterminer la cause du silence d'un suspect. Bien que l'article proscrive formellement le recours à la torture ou à la coercition, une telle obligation augmente de façon injustifiée le risque d'actes contraires à la Convention ».
Dans la réalité, les personnes arrêtées par les services de renseignements sont détenues au secret dans leurs locaux parfois durant de longues périodes et sont souvent victimes de tortures ou de mauvais traitements.
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M. Abdulrahim Al-Murbati , commerçant bahreïni résidant en Arabie Saoudite, est détenu sans procédure légale depuis le 22 août 2003, et la famille est sans nouvelle de lui depuis le 06 juin 2008. Après son arrestation par les services des renseignements généraux à Médine, il a été détenu au secret pendant plus de quatre mois. C'est à l'occasion de la première visite en décembre 2003 que sa famille a appris qu'il était sauvagement torturé depuis son arrestation : Il a été de très nombreuses fois et à l'occasion de chaque interrogatoire fouetté à l'aide de câbles électriques sur le dos et sur la plante des pieds. Il était emprisonné dans un isolement total dans une cellule glacée, éclairée jour et nuit d'une lumière très vive, et privé de soins. Il n’a jamais été jugé.
La torture a souvent pour but d’obtenir des « aveux » qui sont par la suite utilisés dans la procédure judiciaire. Les suspects sont transférés dans des locaux de police et emprisonnés dans des cellules d’une surface de 1mx1,5m dans un isolement complet où ils sont battus, menacés, insultés et privés de soins et de sommeil.
Il est courant que les détenus qui exigent un conseil, la visite d’un médecin ou de leur famille ou qui veulent contester leur détention sur le plan légal fassent l’objet de sanctions sous forme de torture. Les personnes ayant subi des mauvais traitements n’ont pas systématiquement accès aux soins médicaux. Ce n’est que lorsque l’état de santé est alarmant que les détenus sont transférés dans un hôpital.
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Khaled Gharmallah Ouda Al Zahrani , né en 1972, a été arrêté par les services des renseignements généraux le 20 juillet 2004. Sa famille n'a jamais été autorisée à lui rendre visite en prison, ni à lui constituer un avocat, ni à avoir de ses nouvelles directement ou par l'intermédiaire de l'administration. Elle est particulièrement inquiète car Khaled Al Zahrani est de santé très fragile, souffrant d'une « fibrose pulmonaire interstitielle diffuse » depuis une première détention sans jugement de six années, du 11 mars 1998 au 26 octobre 2003. Il a été évacué en urgence à l'hôpital King Faisal dès les premiers jours de sa dernière arrestation. Le compte rendu médical établi le 28 juillet 2004 par le service de médecine interne dans lequel il a été traité après son évacuation d'urgence prescrit une prise en charge médicale sérieuse et des soins spécialisés. En juin 2007, il était encore emprisonné dans les sous-sols de la prison d'Al Hayr dans des conditions inhumaines. Il aurait fait de graves crises respiratoires qui auraient nécessité des interventions de réanimation.
L'article 38 du Code de procédure pénale inscrit le droit pour les détenus de présenter des plaintes. Il n’évoque cependant pas explicitement qu’elles peuvent concerner la torture. Mais ces plaintes ne sont pas prises en compte et les allégations de tortures lors des procès sont systématiquement ignorées.
4. Justice : lacunes et non respect des lois
L’Arabie saoudite est l’un des rares pays musulmans dans lequel le système judiciaire et la jurisprudence se basent presque exclusivement sur le droit islamique qui en Arabie Saoudite est de rite hanbalite. Elle ne dispose toujours pas de Code pénal.
La Justice est rendue par des tribunaux civils et religieux. Les premiers traitent des affaires internationales, par exemple les litiges commerciaux et financiers avec une société étrangère. Les juges sont nommés par le roi sur proposition du Haut conseil des questions juridiques composé de 12 juges. L’indépendance des tribunaux est consacrée par la Constitution (art. 46) mais le roi peut intervenir pour modifier ou annuler des jugements (art. 12 et 50).
Il faut cependant constater que les textes juridiques d’une part ne garantissent pas convenablement les principes de droit et d’autre part que ceux-ci ne sont pas respectés. Les infractions pénales étant insuffisamment définies, les procureurs ont toute la latitude pour les définir. Les juges, eux, disposent d’une large marge d’interprétation de la sharia, leur définition des crimes et des condamnations est variable et leurs décisions sont souvent arbitraires et dictées par l’exécutif. L’absence de codification favorise notamment les arrestations et détentions arbitraires et la torture. La présomption d’innocence est un principe très peu honoré.
La loi prévoit une période de garde à vue pouvant être prolongée de manière excessive. Etant fixée à cinq jours par l’enquêteur, celui-ci peut transmettre le dossier au bureau d’investigation régional qui lui, peut la prolonger jusqu’à 40 jours. Si l’enquête nécessite plus de temps, c’est au bureau d’investigation national, dépendant du ministère de l’Intérieur et dont le procureur général est nommé par le ministre, de donner l’ordre de prolonger la détention qui peut durer jusqu’à six mois (art. 14). L’enquêteur peut de son côté pour les besoins de l’enquête maintenir le suspect en isolement pendant 60 jours sans contact avec l’extérieur à l’exception de son avocat (art. 119).
Il n’est pas rare que les procès aient lieu à huis clos sans autres témoins que ceux à charge et qui peuvent être les officiers des services de renseignements chargés de l’enquête préliminaire. Les séances sont expéditives et la culpabilité déclarée même dans les cas de doute. Enfin, des actes sont condamnés alors qu’ils ne sont pas reconnus comme étant des infractions pénales.
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Dr Said Ben Zair , âgé de 56 ans, professeur des sciences de l’information à l’université de Ryadh, a été arrêté le 6 juin 2007 à Riyad. Personnalité connue dans le pays pour ses prises de position publiques au sujet de la nécessité de réformes institutionnelles ainsi que son soutien au mouvement des réformateurs, il a été emprisonné à plusieurs reprises : une première fois pendant plus de 08 années, du 05 mars 1995 au 24 mars 2003 sans jugement et sans avoir jamais fait l’objet de poursuites légales. Il a été arrêté une seconde fois le 20 avril 2004, après avoir donné une interview à Al Jazeera. A la suite de son arrestation, il a été détenu au secret pendant plusieurs mois. Il a été condamné à 05 années de réclusion criminelle, le 19 septembre 2004, à la suite d’un procès inéquitable au cours duquel aucun de ses droits fondamentaux n’a été respecté. Il n’a jamais eu accès au dossier de l’accusation ni pu bénéficier d’un avocat pour l’assister le jour de son jugement. Il a été libéré le 08 août 2005 mais arrêté de nouveau le 6 juin 2007. Il est détenu au secret depuis. Son fils Saad Ben Zair, avocat et militant des droits de l’homme âgé de 29 ans a également été arrêté par les services de renseignements le 10 avril 2007 ; il est détenu au secret depuis.
Certains détenus font état de simulacre de procès auxquels ils n’ont même pas assisté. En fait, ils sont convoqués par un magistrat qui leur notifie leur condamnation. C’est à ce moment qu’ils prennent connaissance des accusations portées contre eux. Ils n’ont donc aucun moyen de se défendre puisque la procédure judiciaire est close.
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M. Mahmoud Hozbor, cité ci-dessus, a été condamné à une peine de 18 mois de prison ferme sous l’accusation de non dénonciation de personnes recherchées par les services de renseignement. Il avait été extrait de sa cellule quelques jours après son arrestation en plein milieu de la nuit, emmené les yeux bandés vers un lieu inconnu et introduit dans un bureau où se trouvaient plusieurs personnes. La personne qui semblait être un magistrat et à laquelle il s'est plaint d'emblée des traitements qu'il avait subis lui a ordonné de se taire en lui déclarant : « Tais toi, tu mérites la pendaison ! ». Cette personne a ensuite lu ce qui s'est avéré être un acte d'accusation, et lui a déclaré qu'il était condamné à dix huit mois de prison ferme.
De nombreuses infractions sont passibles de la peine de mort, alors que les conditions minimums pour un procès équitable ne sont pas remplies. Cette peine est en effet prononcée lors de procès qui ne respectent pas les normes internationales les plus élémentaires : les accusés ne peuvent constituer d’avocat ; l’audience a lieu à huis clos ; la condamnation repose sur des « aveux » extorqués sous la torture ou la contrainte; ni le prévenu, ni la famille ne sont informés de la procédure.
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Khaled Mohamed Issa Al-Qadihi a été arrêté avec deux autres personnes le 25 juillet 2004 et accusé de trafic de stupéfiants suite à la découverte de cinq kilogrammes de cannabis dans l’autocar en provenance de Syrie via la Jordanie. Il a été condamné à la peine capitale le 26 avril 2006 à l’issue d’un procès inique et en l’absence d’un minimum de garanties. Khaled Al-Qadihi n’a pas pu constituer d’avocat, il n’a pas reconnu les faits, et a mentionné que les aveux consignés dans les procès verbaux d’interrogatoire avaient été extorqués sous la contrainte. Le tribunal a refusé d’enquêter sur les allégations de torture, en se contentant de mentionner d’une manière succincte dans les attendus du jugement les déclarations de l’accusé, précisant que lorsqu’il lui a été demandé la preuve de la contrainte il a répondu ne pas en avoir. L’appel interjeté par les accusés a permis de casser le jugement le 02 décembre 2006, les juges d’appel observant que « la peine de mort prononcée à l’encontre des deux premiers accusés était sujette à révision du fait de la faible quantité saisie et du casier judiciaire vierge des intéressés ». L’affaire a été rejugée par le tribunal initial le 03 mai 2007, composé des mêmes magistrats qui ont rejeté la décision de la juridiction d’appel pour confirmer leur jugement originel de la peine capitale. Ils motivent expressément leur seconde décision par « les consignes du pouvoir exécutif ».
5. Recommandations
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L’Etat devrait lutter contre la pratique de la détention prolongée sans jugement et la détention au secret en instituant un système de contrôle sur tous les lieux de détention du pays et en les plaçant notamment sous le contrôle et l’autorité de l’institution judiciaire
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Garantir le droit de toute personne détenue d’exercer un recours judiciaire pour contester la validité de sa détention devant un juge indépendant et garantir dans les faits le droit de tout accusé de constituer un avocat à toutes les étapes de l'instruction et du procès.
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Assurer une procédure juridique offrant toutes les garanties possibles pour assurer un procès équitable, notamment aux accusés d’un crime passible de la peine de mort et en particulier une assistance judicaire adéquate à tous les stades de la procédure, le droit de faire appel à une juridiction supérieure et d’être jugée de nouveau par une juridiction autrement composée.
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Veiller à ce que la composition de l'appareil judiciaire soit entièrement conforme au Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature en consacrant notamment le principe de l’inamovibilité des juges.
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Adopter des mesures adéquates pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et les autoriser à se constituer en organisations non gouvernementales indépendantes, de s’y affilier ou de communiquer avec elles conformément à la résolution N° 53/144 du 9 décembre 1998 de l’assemblée générale des nations unies.
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Sur le plan normatif : l’Etat devrait envisager de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et de faire la déclaration au titre de l’article 22 de la Convention contre la torture.
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L’Etat devrait intégrer dans la législation interne le crime de torture tel que défini par l’article 1er de la Convention et instituer des peines appropriées pour le réprimer.