Le 22 août 2022, Alkarama a soumis les cas de M. Abdulkarim Al Khodr et de M. Jaber Suleiman Al Amri au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire (GTDA) concernant leur détention dans les centres Munasaha en dépit de l’expiration de leurs peines d’emprisonnement.
Rappel des faits
Dr Abdulkarim Al Khodr, professeur de droit comparé et membre fondateur de l'Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA) a fait preuve d'un engagement exceptionnel en faveur des droits de l'homme et de la réforme constitutionnelle et judiciaire dans son pays.
Dans ses publications, le Dr Al Khodr a régulièrement critiqué le discours officiel et son incompatibilité avec les principes du droit international. Il savait qu’il risquait à tout moment d’être arrêté en raison de son engagement. Le 16 février 2011 des agents des Mabahith (Service de renseignements) l’ont ainsi interpellé à son domicile sans mandat d'arrêt puis détenu au secret pendant plusieurs mois. Déféré devant le tribunal, il a été condamné le 24 juin 2013 à huit ans de prison à l’issu d’un procès inéquitable.
Le groupe de travail onusien, saisi par Alkarama en 2013 avait considéré sa détention comme arbitraire et rendu l’avis n°46/2013 appelant les autorités saoudiennes à le libérer.
Jaber Al Amri a quant à lui été arrêté le 12 avril 2014 par des agents des Mabahith pour avoir posté une vidéo sur Youtube dans laquelle il appelait à la libération de son frère injustement emprisonné ; après avoir été détenu pendant des mois au secret, il a finalement été condamné en mai 2015 à sept ans de prison.
Alkarama avait également soumis son cas au Groupe de travail en date du 13 février 2017, à la suite de quoi l’Avis n° 63/2017 a été adopté par les experts onusiens qualifiant sa détention d'arbitraire et appelant à sa libération.
Cependant, les deux Avis n'ont jamais été mis en œuvre par les autorités et les victimes n’ont pas été libérées traduisant ainsi l’absence de volonté de l’Arabie Saoudite de collaborer avec les mécanismes onusiens.
Ces détentions arbitraires à la suite de parodies de procès qui se poursuivent à ce jour s’inscrivent dans la permanence d’un régime qui ne tolère aucune marge à la critique et un contexte de répression constant contre la liberté d’expression de toute voie dissidente ou considérée comme telle.
Alkarama s’adresse au Groupe de travail
Le 2 aout 2022, Alkarama a donc soumis une nouvelle demande d'Avis au Groupe de travail sur la détention arbitraire pour l’appeler à intervenir encore une fois auprès des autorités pour libérer les deux victimes et reconnaitre le caractère arbitraire de leur détention dans les centres Munasaha où sont détenus des prisonniers d’opinion, des activistes et des défenseurs des droits de l’homme.
Si "Munasaha" signifie "conseil", dans la pratique, ces centres ont un but bien différent que celui de « conseiller ». Créés par les régimes totalitaires comme l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, les centres de Munasaha ont pour but de convaincre et faire accepter aux détenus la nécessité d’un devoir d’allégeance absolue à l’autorité royale sous des prétextes religieux. Toute critique ou toute opposition à la politique officielle apparaitraient alors comme contraire à l’Islam et constitueraient un pêché capital. Les centres de Munasaha peuvent ainsi continuer à détenir toute personne ayant purgé sa peine mais considérée comme constituant un danger potentiel pour le régime dans la mesure où elle serait éventuellement capable encore d’exprimer des opinions dissidentes.
Alkarama s’est donc adressé au Groupe de travail de l’ONU pour dénoncer l’institution de la Munasaha et l’existence de tels centres mais également de la nécessité pour les procédures spéciales des Nations-Unies d’appeler à l’Arabie Saoudite à libérer tous les prisonniers d’opinion qui ont purgé leur peine d’emprisonnement et qui continuent d’être emprisonnés injustement.