Aller au contenu principal
مجلس حقوق الانسان

Processus mené par les États au sein du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations unies à Genève, l’Examen périodique universel (EPU) consiste à « passer en revue les réalisations de l’ensemble des États membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme ».

Cet examen qui a lieu tous les quatre ans permet également à la société civile d’exprimer ses préoccupations aux États membres, qui à leur tour, peuvent formuler des recommandations à l’État examiné. Il revient alors à ce dernier de les refuser ou de les accepter, auquel cas il s’engage à les mettre en œuvre avant son prochain examen.

Les pays du Maghreb avaient été examinés en mai 2017. Leur prochain examen est prévu entre les 8 et 11 novembre 2022 à Genève ; il sera l’occasion de déterminer si les précédentes recommandations ont effectivement été mises en œuvre.

En mars dernier, Alkarama avait soumis un rapport pour chacun des pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) dans lesquels elle avait exprimé ses principales préoccupations et formulé des recommandations.

Les EPU sont suivis de près par Alkarama qui s’intéresse particulièrement aux violations les plus graves dont, entre autres, celles relatives au droit à la vie et à la sécurité de la personne, ainsi que le droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Situation des droits humains dans le Maghreb

Alkarama a pu constater avec regret que les recommandations formulées lors des précédents EPU en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme et les libertés fondamentales dans les pays du Maghreb sont loin d’avoir été mises en œuvre.

Bien au contraire, les violations des droits de l’homme se sont poursuivies et multipliées au cours de ces dernières années pour atteindre leur paroxysme dans la répression de mouvements populaires de contestation pacifique comme en Algérie.

Les arrestations et détentions arbitraires des défenseurs des droits de l’homme, journalistes et opposants politiques demeurent des problématiques majeures communes à ces trois pays.

Alkarama a pu documenter de nombreux cas d’individus arbitrairement arrêtés et détenus dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences du droit international en la matière.

Les placements à l’isolement prolongé et pour une durée indéterminée ne sont pas rares, et ce, en violation de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements.

De la même manière, Alkarama a également documenté des cas de condamnations sur la seule base d’aveux extorqués sous la contrainte.

Algérie

Alkarama a documenté de nombreux cas de torture et de détentions arbitraires, notamment dans le cadre de la répression des manifestations pacifiques du Hirak. De nombreux manifestants ont été arbitrairement arrêtés, certains torturés, puis condamnés à de lourdes peines pour avoir usé de leurs droits à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique.

Des centaines de membres de la société civile ainsi que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme ont fait l’objet d’arrestations arbitraires du simple fait de leur activisme. Des poursuites pénales ont été engagées à leur encontre sur le fondement d’une législation antiterroriste de plus en plus répressive et liberticide.

Depuis son dernier examen, plusieurs mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations unies ont exprimé de vives critiques concernant la situation alarmante des droits de l’homme dans le pays, notamment depuis le début du Hirak.

Ainsi, les appels du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU qui s’était dit « très préoccupé par la détérioration de la situation » en mars 2021, sont jusqu’ici restés sans réponse.

En outre, les autorités algériennes continuent de refuser de coopérer de bonne foi avec les Comités et les procédures spéciales des Nations Unies, notamment dans le cadre des plaintes individuelles.

Maroc

Au Maroc, des avancées demeurent encore nécessaires en matière de droits humains, afin de mettre en œuvre pleinement les recommandations acceptées lors des précédents examens.

Comme dans les pays voisins, l’expression d’opinions politiques contraires à l’idéologie officielle, notamment sur les sujets dits « sensibles », fait l’objet de mesures restrictives et répressives. De la même manière, la législation marocaine comporte des restrictions à la liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifiques.

De nombreuses manifestations pacifiques ont été interdites ou violemment réprimées par les forces de police.

Enfin, en ce qui concerne les droits à la liberté et à la sécurité, Alkarama a exprimé ses vives préoccupations quant à la persistance des arrestations arbitraires, notamment de journalistes et d’opposants politiques et des mauvais traitements en détention.

La Tunisie

Alkarama a exprimé des préoccupations similaires concernant la situation des droits humains en Tunisie, qui s’est fortement dégradée depuis la suspension puis la dissolution du Parlement par le Président Kaïs Saïed.

Un nombre croissant de poursuites pénales ont été engagées contre des blogueurs ou des utilisateurs de Facebook pour avoir exprimé en ligne et pacifiquement des opinions dissidentes ou critiques envers l’exécutif.

Nombre d’entre eux ont fait l’objet d’enquêtes ou ont été inculpés et, pour la plupart, condamnés pour des chefs d’accusation tels que la diffamation, l’outrage aux institutions de l’État et le fait d’avoir « nui » à autrui à travers les réseaux de télécommunication.

En outre, de nombreuses manifestations pacifiques contre les injustices sociales ont été violemment réprimées par les forces de sécurité tunisiennes.

Depuis leur dernier examen, les trois pays du Maghreb n’ont pas mis fin aux restrictions excessives aux droits et libertés fondamentales. Au contraire, celles-ci se sont exacerbées en dépit des recommandations appelant au respect de ces droits et libertés.

Ainsi, à l’approche de l’examen périodique, Alkarama a attiré l’attention des États membres sur l’aggravation de la situation des droits humains et sur l’absence de mise en œuvre des recommandations des cycles précédents dans les trois pays.

Améliorer les droits humains dans le Maghreb : les recommandations d’Alkarama

Pour chacun des trois pays, Alkarama a réitéré les recommandations qu’elle a estimées les plus importantes, mais qui sont demeurées sans suites depuis le dernier examen périodique universel.

Parmi les recommandations rejetées par les États lors du dernier EPU certaines demeurent pourtant essentielles à l’amélioration de la situation des droits de l’homme, notamment :
    
1. Pour ce qui concerne l’Algérie : « Modifier les articles du Code pénal punissant l’exercice de la liberté́ d’expression pacifique de peines de prison, de façon à les mettre en conformité́ avec la Constitution algérienne. » (Recommandation n°129.103)

2. Pour ce qui concerne le Maroc : « Cesser les poursuites et libérer les journalistes et autres personnes détenues uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et d’association pacifiques. » (Recommandation n°144.119)

3. Pour ce qui concerne la Tunisie : « Faire en sorte que les auteurs de tous les actes de torture commis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme répondent de ces actes. » (Recommandation n°125.78).

De plus, Alkarama a également réitéré les recommandations acceptées lors du dernier EPU, mais qui n’ont toujours pas été mises en œuvre, notamment :

1. Pour ce qui concerne l’Algérie : « Prendre des mesures pour ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. » (Recommandation n°5)

2. Pour ce qui concerne le Maroc : « Réviser les dispositions du Code pénal sur le terrorisme et définir les infractions liées au terrorisme de façon plus claire et précise. » (Recommandation n°144.85)

3. Pour ce qui concerne la Tunisie : «Adopter des mesures pour assurer la protection et le respect voulus du droit à l’information, de la liberté́ d’expression et de la liberté́ de la presse; prendre des mesures supplémentaires pour garantir la liberté́ d’expression, y compris sur l’Internet; adopter la législation requise pour assurer une meilleure protection de la liberté́ d’expression, de la liberté́ de la presse et de la liberté́ d’information; garantir dans la loi et dans les faits la liberté́ d’expression, la liberté́ de la presse ainsi que la liberté́ de réunion et d’association, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; (Recommandation n°114.55)

Enfin, à la lumière de la dégradation de la situation des droits humains dans chaque pays depuis leur dernier examen, Alkarama a également formulé de nouvelles recommandations, notamment :

1. Pour ce qui concerne l’Algérie : « Prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour interdire effectivement les arrestations et détentions arbitraires en respectant notamment la limitation de la durée de la garde à vue à 48 heures et en assurant un accès immédiat a un avocat ».

2. Pour ce qui concerne le Maroc : « S’assurer que les actes qui relèvent de l’exercice pacifique des libertés fondamentales ne tombent pas sous le coup de la loi antiterroriste ».

3. Pour ce qui concerne la Tunisie : « S’assurer que toute plainte relative à des cas de torture soit suivie d’une enquête indépendante et impartiale et que les auteurs de ces actes soient sanctionnés ».

À l’issue de ce quatrième cycle d’examen, Alkarama veillera à la mise en œuvre des recommandations acceptées en coopération avec les organisations de la société civile indépendante.

Assurer la redevabilité des États : le suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’EPU par Alkarama

Si les États demeurent officiellement responsables de la mise en œuvre des recommandations adoptées à l’issue des examens périodiques universels, les sociétés civiles peuvent également jouer un rôle important dans le suivi de leur mise en œuvre. Ce rôle s’avère d’autant plus important face aux manquements des États à leurs obligations internationales en matière de droits humains.

Dans chaque pays, Alkarama suit régulièrement l’évolution de la situation des droits de l’homme sur le terrain au regard des recommandations de l’EPU afin d’évaluer leur mise en œuvre.

Ce suivi permet d’assurer la redevabilité des États et de sensibiliser les opinions publiques sur les engagements internationaux pris par leurs gouvernements en matière de droits humains.

Il s’agit également d’une opportunité pour rendre l’EPU plus effectif en maintenant une pression de la société civile sur les États et permettre ainsi à cet examen de contribuer concrètement à l’amélioration de la situation des droits de l’homme sur le terrain.

Alkarama appelle donc les membres des sociétés civiles du Maghreb à se joindre à ses efforts pour assurer l’effectivité de ce suivi.