Le 30 octobre dernier, le Comité des droits de l'homme a adopté lors de sa 109e session ses observations finales relatives à l'examen de Djibouti. C'est avec neuf ans de retard que Djibouti avait finalement soumis son rapport initial au Comité.
Alkarama, qui représentait également la Ligue Djiboutienne des droits de l'homme lors de la session, a suivi les débats entre la délégation gouvernementale et les experts et s'est entretenue avec ces derniers dans le cadre d'une rencontre avec les ONGs afin de leur faire part de ses principales préoccupations, relatives notamment aux graves atteintes aux droits à la liberté d'expression, de réunion et d'association pacifique ainsi qu'au droit à la participation politique. Alkarama et la Ligue Djiboutienne des droits de l'homme ont également soumis une note d'information aux experts dénonçant les atteintes au droit à la vie et à la dignité ainsi que la pratique arbitraire de la déchéance de nationalité.
Lors de l'examen de l'Etat partie, le Président de la Commission nationale des droits de l'homme, M. Ali Mohamed Abdou, présent en qualité de membre de la délégation gouvernementale, a relayé avec force les thèses officielles, démentant toute violation commise par les autorités et critiquant sévèrement les défenseurs des droits de l'homme. Le Comité n'a pas à cet égard manqué de souligner que cela reflétait la perception de la Commission comme un « organe gouvernemental » et que l'Etat devrait faire le nécessaire afin de renforcer son indépendance, notamment en adoptant une loi afin de la rendre conforme aux Principes de Paris .
Dans ses conclusions, le Comité s'est dit préoccupé par les violences postélectorales de 2011 et 2013, en particulier des violations des droits de l'homme commises par les forces de sécurité en raison de leur usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et des actes de tortures. Le Comité a préconisé que des enquêtes approfondies et impartiales soient ouvertes, que les auteurs soient traduits en justice et les victimes indemnisées.
La pratique des arrestations, du harcèlement et des condamnations pour « participation à une manifestation illégale ou à un mouvement insurrectionnel » formulées à l'encontre de dirigeants de l'opposition a également retenu l'attention des experts. Ces derniers ont enjoint aux autorités de promouvoir le droit de prendre part aux affaires publiques ainsi que d'exercer ses droits politiques sans être victime d'acte d'intimidation ou de harcèlement.
Le Comité onusien a par ailleurs noté les menaces, actes de harcèlement et d'intimidation dont les défenseurs des droits de l'homme, journalistes et syndicalistes sont victimes. Il a appelé les autorités à garantir en droit et en fait la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique et à libérer les journalistes emprisonnés ainsi qu'à donner à la société civile, aux défenseurs des droits de l'homme, syndicalistes et journalistes « la latitude voulue pour qu'ils puissent exercer leurs activités ».
Enfin, les experts du Comité ont regretté le peu de mesures concrètes prises pour mener des enquêtes approfondies sur les cas de torture infligés par les forces de l'ordre et ont recommandé à l'Etat partie qu'un mécanisme indépendant de plainte soit institué. Tout en s'alarmant des poursuites engagées pour des motifs politiques ainsi que du harcèlement des avocats de la défense, ils ont par ailleurs souligné le caractère excessif de la durée de détention provisoire et appelé les autorités à prendre les mesures nécessaires pour le respect des garanties relatives au procès équitable.
Djibouti dispose désormais d'un délai d'une année pour informer le Comité de la suite donnée à ses recommandations relatives à la mise en œuvre concrète de l'interdiction de la torture ainsi que du droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association. La suite donnée à ces recommandations fera l'objet d'une attention particulière d'Alkarama et de la Ligue Djiboutienne des droits de l'homme dans le cadre de leur programme de suivi des recommandations des organes de Traités des Nations Unies.
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