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Alkarama for Human Rights, 12 janvier 2009

Alkarama vient d'être informée officiellement de l'avis N° 27/2008 rendu au cours de sa dernière session par le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l'ONU concernant la détention de 26 membres dirigeants de l'organisation des Frères Musulmans égyptiens.

Ils avaient été poursuivis devant une juridiction militaire sur instruction personnelle du président Hosni Moubarak après avoir été acquittés par la juridiction civile compétente. Leur procès a été entaché de graves irrégularités. Le groupe de travail avait été saisi par Alkarama et la Commission arabe des droits de l'homme le 27 août 2007. Voir communiqué .

Dans leur avis les experts onusiens ont retenu les faits suivants : Les 26 hommes cités ci-dessous ont été arrêtés les 14, 23 et 24 décembre 2006 et les 14, 16 et 17 janvier 2007 par des membres des forces de sécurité (Amn Ad-dawla), agissant avec l'appui d'unités spéciales de l'armée. Leurs maisons et bureaux ont été fouillés et des ordinateurs personnels, téléphones cellulaires, livres et documents personnels ont été confisqués. Aucun mandat d'arrêt ou de perquisition n'a été présenté et aucun motif avancé pour justifier ces arrestations.

Ces 26 personnes ont été emmenées à la prison d'Al-Mahkoum au Caire où elles ont été détenues avec 14 autres personnes dans une cellule de 3 x 8 mètres. Elles n'ont pas eu droit à la visite ni de leurs familles ni de leurs avocats.

Le 21 janvier 2007, les détenus ont été conduits à la prison de Torah. Le procureur de la République les a inculpés d'appartenance à une organisation interdite et d'avoir fourni des armes et un entraînement militaire à des étudiants de l'Université. Il a prolongé leur détention à trois reprises.

Alkarama et la Commission arabe des droits de l'homme avaient également saisi le Président du Comité international de la Croix-Rouge à Genève de leurs conditions de détention particulièrement inhumaines, de l'absence quasi totale de soins prodigués en dépit de l'état de santé physique déplorable dans lequel se trouvaient la plupart d'entre eux. Voir communiqué

Le 29 janvier 2007, ils ont été traduits devant le tribunal pénal civil du Caire qui les a acquittés et a ordonné leur libération immédiate.

Les forces de sécurité présentes à l'audience les ont alors immédiatement arrêtés après le prononcé de la décision de justice et le 04 février suivant, le président Hosni Moubarak a ordonné personnellement que cette affaire soit transférée au tribunal militaire pour y être jugée une seconde fois.

Les détenus ont donc été déférés devant la cour militaire suprême de Haikstep, sans même connaître les chefs d'inculpation retenus car ni eux ni leurs avocats n'avaient eu accès au dossier pénal.

Le procès a eu lieu dans un secret absolu, l'accès des médias a été très restreint. Des observateurs internationaux indépendants se sont vus refuser l'accès à la cour. Les avocats de la défense n'ont pas été informés de la date du procès et ont décidé de boycotter la session en signe de protestation. Les prévenus ont été inculpés par un jury de trois juges militaires pour terrorisme, blanchiment d'argent et possession de documents de propagation des idées des Frères Musulmans, les mêmes faits pour lesquels le tribunal pénal les avait acquittés en raison de l'absence totale d'éléments établissant ces faits.

Au cours de l'audience, le procureur avait même reconnu n'avoir jamais reçu de rapport de la banque sur la question du prétendu blanchiment d'argent pour lequel les accusés avaient été inculpés, leurs comptes gelés et leurs entreprises fermées. Le procès a été renvoyé à de nombreuses reprises et le jugement suivant a finalement été rendu le 15 avril 2008 :

1- Mohamed Khirat Saad EL-SHATER et Hassan Ezzudine MALEK ont été condamnés à  07 années d'emprisonnement.

2- Ahmed Ashraf Mohamed Mostafa ABDUL WARITH et Ahmad Mahmoud SHOUSHA ont été condamnés à 05 années d'emprisonnement.

3- Ayman Abd El-Ghani HASSANIN, Esam Abdul Mohsen AFIFI, Essam Abdul Halim HASHISH, Farid Aly GALBT, Fathy Mohamed BAGHDADY, Mamdouh Ahmed AL-HUSSEINI, Medhat Ahmad El-HADDAD, Mohamed Ali BISHR, Mostafa SALEM et Murad Salah EL-DESOUKY ont été condamnés à 03 années d'emprisonnement.

Les autres accusés ont été acquittés, il s'agit de MM.  Khaled Abdelkader OWDA, Ahmad Ahmad NAHHAS, Ahmed Azzedin EL-GHOUL, Amir Mohamed Bassam AL-NAGGAR, Gamal Mahmoud SHAABAN, Yasser Mohamed ALI, Mahmoud Abdul Latif ABDUL GAWAD, Mahmoud Morsi KOURA, Mohamed Mahmoud HAFEZ, Mohamed Mehany HASSAN, Mohammed Ali BALIGH, Osama Abdul Muhsin SHIRBY.

Le gouvernement égyptien a quant à lui justifié ces arrestations et condamnations en invoquant un rapport de la police qui aurait établi que des dirigeants de l'organisation des Frères Musulmans, pourtant interdite, projetaient des réunions parmi les étudiants afin de provoquer le chaos en appelant à des sit-in et des manifestations ainsi qu'à la destruction de biens publics et privés.

Dans cette perspective, et toujours selon ce rapport de police, des groupes paramilitaires auraient été créés parmi les étudiants sous la direction de personnes identifiées. A la réception dudit rapport, le Procureur de la République aurait alors délivré un mandat d'arrêt contre des dirigeants de l'organisation interdite et les étudiants d'Al-Azhar, qui étaient organisés en comité.

Or comme le constate le Groupe de travail, le tribunal pénal civil du Caire avait acquitté le 29 janvier 2007 les personnes arrêtées, considérant qu'aucune charge ne pouvait être retenue contre elles. Pour leur part, tous les étudiants également arrêtés et poursuivis dans le cadre de cette même affaire avaient fait l'objet d'un non lieu aucune charge n'ayant été retenue contre aucun d'eux.

Le fait que le Président de la République, agissant en sa qualité de commandant suprême des Forces armées, ait ordonné que les détenus soient jugés par le Tribunal militaire suprême de Heikstep constitue pour le Groupe de travail une violation du principe " non bis in idem " qui interdit de juger les mêmes personnes deux fois pour les mêmes faits, principe consacré dans l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l'Egypte.

Le Groupe de travail confirme également en l'espèce sa position de principe relative à la poursuite et la traduction de civils devant une juridiction militaire incompétente et qui ne réunit pas les conditions d'indépendance et d'impartialité.

Les experts de l'ONU considèrent donc que la privation de liberté de ces personnes est arbitraire et contraire aux articles 9 (nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé), 10 (droit d'être entendu équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial) et 11 (présomption d'innocence) de la Déclaration universelle des droits de l'homme et viole également les articles 9 (droit au recours) et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En conséquence, le Groupe de travail prie le gouvernement égyptien de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation des détenus et à la mettre en conformité avec les normes et les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.