Le 26 juin 2014, le ministère égyptien de la Solidarité a présenté un projet de loi sur les associations qui donnerait au gouvernement et aux services de sécurité un droit de veto sur toutes les activités des associations en Égypte. Préoccupé par ce projet de loi qui porte de nombreuses ressemblances avec la loi qui était en vigueur du temps de Moubarak et viole à la fois la constitution égyptienne et le droit international, Alkarama a écrit au Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association pour lui demander d'intervenir auprès des autorités égyptiennes afin qu'ils s'abstiennent de l'adopter.
Si elle est adoptée, la nouvelle loi placerait les organisations de la société civile sous le contrôle du pouvoir exécutif, avec la création d'un « Comité de Coordination », composé de représentants des ministères et des services de renseignement. Le Comité de Coordination serait réglementerait toutes les activités des ONGs locales et internationales, ce qui pourrait conduire au silence de toute association qui ne se conforme pas au discours officiel et empêcher les ONGs internationales de poursuivre leurs activités en Egypte. Les ONGs internationales ne seraient autorisées à travailler en Egypte que si leurs activités sont « compatibles avec les besoins de la société égyptienne, conformément aux priorités des plans de développement, » et ne seraient pas autorisées à exercer en Égypte si un gouvernement étranger les finance directement ou indirectement.
Pire encore, la nouvelle loi sonnerait le glas de la société civile égyptienne, créant de nombreux obstacles juridiques pour toute association qui ose défier le régime en place. Si elle est adoptée, non seulement les nouvelles associations, mais aussi toute association déjà enregistrée, auraient besoin de demander un nouveau permis, dont le Comité pourrait refuser le permis s'il estime que les objectifs de l'association « menacent l'unité nationale » ou sont engagées dans des « activités politiques ». Avec l'introduction d'une amende et d'une peine d'emprisonnement d'un an pour tous ceux qui ont l'intention de créer une association dont les activités sont interdites par la loi, Alkarama craint que les citoyens ne créent plus d'association de peur d'être poursuivis en vertu de motifs vagues.
En outre, les associations ne seraient pas autorisées à mener des recherches sur le terrain et des sondages d'opinion sans l'approbation préalable de l'Agence Centrale pour la Mobilisation Publique et les Statistiques. Cela empêcherait donc tout travail de recherche critiquant les politiques du gouvernement ou différant des chiffres officiels et pourrait conduire au blocage de toute opposition politique en interdisant la création d'un forum de discussion de cette nature. La collaboration avec, ou le soutien financier d'entités étrangères (organisation ou agence) seraient soumis au contrôle du Comité de Coordination, ce qui signifierait que les ONG égyptiennes ne seraient pas autorisés à envoyer des informations aux agences des Nations Unies, par exemple, sans l'autorisation du Comité.
Laissant les associations de défense des droits à la merci de l'appareil de sécurité, ce projet de loi suit les mêmes erreurs que le projet de loi de mai 2013 proposé par le président déchu, Mohamed Morsi, qui a soulevé de fortes inquiétudes au sein de la société civile égyptienne et du système des droits de l'homme de l'ONU. Dans un communiqué le 8 mai 2013, Navi Pillay, Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies a rappelé au gouvernement égyptien que les droits à la liberté d'association et de réunion étaient « essentiels à ces mêmes droits que les femmes et hommes réclamaient en janvier 2011, » et a averti que « les gouvernements qui cherchent à contraindre ces types d'activités – par exemple en contrôlant l'accès aux fonds, donnant des pouvoirs énormes de contrôle aux agences de sécurité [« y compris des membres responsables de très graves violations des droits de l'homme »] – et imposent des contraintes excessives aux ONGs internationales des droits de l'homme, risquent de glisser rapidement dans l'autoritarisme, même si ce n'est pas leur intention première. »
Bien que les autorités égyptiennes aient tenu des consultations avec la société civile le 26 juin 2014 pour rédiger le projet de loi sur les associations – un projet de loi qui avait même été envoyé au Haut Commissariat des droits de l'homme pour montrer l'engagement de l'Égypte à la promotion et la protection des droits de l'homme – le nouveau projet de loi est un rappel du cadre juridique de 1964 qui servait à étouffer l'opposition sous Moubarak. La loi devrait être présentée au Parlement qui sera élu dans les prochains mois. Alkarama craint, cependant, que la possibilité du Président de légiférer dans l'intervalle, pourrait conduire à une adoption précoce de cette loi.
Le 9 juillet 2014, 29 ONGs et groupes de réflexion ont publié une déclaration conjointe sur le Réseau Arabe d'Information sur les Droits de l'Homme, pour exprimer leurs préoccupations au sujet du projet de loi, qui est une "agression flagrante" de l'article 75 de la Constitution qui garantit la liberté de former des associations et d'acquérir une personnalité juridique par simple notification. Ensemble, ils demandent que le projet de loi soit « rédigé à nouveau en conformité avec une nouvelle philosophie qui cherche à libérer la société civile afin qu'elle puisse jouer son rôle. » Human Rights Watch a également publié un communiqué affirmant que le projet de loi n'avait pas pour but « de réglementer les organisations non gouvernementales », mais de « les étouffer et de les priver de leur indépendance », et que ses dispositions « éteindraient un élément crucial de la démocratie en Egypte. »
Partagant leurs préoccupations, Alkarama a adressé une communication au Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, M. Maina Kai, pour solliciter son intervention auprès des autorités égyptiennes afin qu'ils s'abstiennent d'adopter cette loi qui viole le droit à la liberté d'information énoncé à l'article 22 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, ainsi que l'article 10 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, deux traités ratifiés par l'Égypte. Alkarama demande que les suggestions faites par les ONGs le 26 juin 2014 constituent la base de la nouvelle loi, qui devrait garantir aux citoyens le libre exercice par de leurs droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'association, sans ingérence de l'État.
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