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Ahmad El Shal, un jeune médecin et militant pro-Morsi qui aurait été enlevé le 6 mars 2014 par les services de renseignement égyptiens, est réapparu à la prison d'Al Aqrab trois semaines plus tard. Il a dit à sa famille avoir été torturé au cours de sa détention au secret et forcé d'avouer le meurtre d'un policier, ainsi que la création d'une cellule terroriste. Ce nouveau témoignage, qui vient s'ajouter aux récents rapports de violentes tortures infligées aux militants pro-Morsi dans les centres de détention, confirme la gravité de la répression opérée contre les opposants au gouvernement. Aujourd'hui, Alkarama a sollicité l'intervention urgente du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies auprès des autorités égyptiennes au nom d'Ahmad.
Khaled, le frère d'Ahmad, a été tué par un sniper le 14 août 2013 lors des manifestations de Rabaa. Après son exécution, son corps a été gardé dans la mosquée Imam avant que les autorités ne consentent à le restituer à sa famille. Depuis lors, la famille de M. El Shal a été continuellement harcelée par les autorités. Osama, un autre de ses frères, a également été arrêté après avoir participé aux manifestations pro-Morsi et été gravement torturé en détention. Après sa remise en liberté, il a quitté l'Égypte par peur de persécutions. Ahmed El Shal est la troisième personne de la famille à être prise pour cible par les autorités égyptiennes.
Le 6 mars 2014, Ahmad a été enlevé dans la rue Ahmad Maher, Al Masoura, Al Daqahliya, où on lui a confisqué sa voiture. Des témoins ont immédiatement appelé sa famille pour l'avertir de l'enlèvement, mais quelques heures plus tard, ces personnes avaient également disparu, avant même d'avoir pu rencontrer la famille pour lui donner les détails de l'enlèvement.
Dans la soirée, des agents de la Sûreté nationale (Al Amn Al Watani) en civil ont fouillé le domicile de la famille de M. El Shal sans présenter de mandat de perquisition. Certains de ces agents ont interrogé la mère de la victime et l'ont contrainte à donner un faux témoignage contre son fils. Ils lui ont notamment demandé de déclarer que M. El Shal préméditait de tuer des policiers pour venger la mort de son frère.
Le 12 mars 2014, cinq jours après sa disparition, Ahmad est apparu avec deux autres jeunes hommes sur des chaînes de télévision pro- gouvernement pour « avouer » un crime qu'il n'avait pas commis : le meurtre prémédité d'un policier. Le jeune homme est apparu complètement désorienté et effrayé. La vidéo montre un arsenal d'armes et les auteurs présumés confessant au public un bref récit détaillé du prétendu crime. La famille a confié à Alkarama qu'au moment même de la diffusion de cette vidéo, les autorités continuaient de nier la détention d'Ahmad.
C'est seulement neuf jours plus tard, le 21 mars, que la famille a appris par hasard qu'Ahmad était détenu dans la prison de haute sécurité Al Aqrab de Tora, au sud du Caire. Ils ont reçu un appel d'un avocat qui, en visitant un client à Al Aqrab, a appris qu'Ahmad serait présenté le même jour devant le Procureur général. Ahmad est accusé d'avoir tué un policier et d'avoir créé une cellule terroriste, de fausses accusations largement utilisées contre les militants.
Jeudi dernier, le 27 mars 2014, la famille d'Ahmad a finalement pu lui rendre visite après 3 semaines de détention au secret. Ses déclarations les ont horrifiés. Après son enlèvement, on l'aurait d'abord conduit au commissariat d'Al Mansoura, où on l'aurait torturé sans relâche pendant quatre jours. Il a été battu, électrocuté, déshabillé, on lui a bandé les yeux et on lui a fait subir des humiliations. C'est après ce calvaire qu'il a dû faire de faux aveux en direct à la télévision nationale. On l'a ensuite emmené à Al Aqrab où il est actuellement détenu. Ahmad a dit à sa famille que, lors de sa parution devant le procureur, il a déclaré avoir été torturé et forcé à avouer un crime qu'il n'avait pas commis. « Je n'ai tué personne » a-t-il dit. Le procureur a refusé d'enregistrer sa plainte.
Alkarama est extrêmement préoccupée par les nombreux rapports de torture qu'elle a reçus au cours des derniers mois qui indiquent que cette pratique est utilisée de manière généralisée pour extorquer des aveux de militants pro-Morsi dans les centres de détention égyptiens. Au cours des derniers mois, Alkarama a soumis des informations sur une vingtaine de cas de traitements inhumains infligés aux détenus au Rapporteur spécial sur la torture des Nations Unies. Dans tous les cas, comme l'indique le rapport public d'Alkarama Impunity is not an option, les instances judiciaires n'ouvrent aucune enquête prompte et indépendante suite à ces graves violations des droits de l'homme et les responsables continuent d'agir en toute impunité.
Aujourd'hui, Alkarama sollicite l'intervention urgente du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies auprès des autorités égyptiennes pour leur demander d'abandonner toutes les charges retenues contre Ahmad El Shal basées sur des aveux arrachés sous la torture et de le libérer immédiatement.