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Le 6 janvier 2015, Alkarama a envoyé un appel urgent au Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) pour demander la libération immédiate d'un égyptien de 16 ans, Seif Al Islam Osama Shousha, arrêté et détenu arbitrairement depuis le 8 mars 2014 sur la base de fausses accusations. N'ayant jamais été amené à comparaître devant un tribunal civil, Seif Shousha doit désormais faire face à un procès devant un tribunal militaire, en violation du droit international des droits de l'homme.

Arrestation arbitraire

Seif Shousha et plusieurs amis se tenaient dans les rues de Damiette, une ville portuaire à 200km au nord-est du Caire, lorsqu'ils ont été agressés à l'arme blanche par plusieurs individus, battus violemment et emmenés de force dans un véhicule de police blindé, sans être informés de la raison de leurs arrestations. Son transfert à la station de police de Damiette ne lui donnera pas plus d'éclaircissements, n'ayant jamais eu l'occasion de lire, et encore moins de contester, le rapport sur son arrestation rédigé par l'un des policiers.

Saignant abondamment et souffrant d'une blessure à la tête ainsi que de contusions sur le corps, Seif a passé la nuit à la station de police, sans bénéficier de soins et de l'assistance d'un avocat, ni pouvoir contacter ses parents. Présenté le lendemain au procureur, il a été inculpé – en vertu de la loi sur les manifestations de novembre 2013 – de participation à une « manifestation illégale » et « possession de banderoles et de fumigènes », alors qu'il ne faisait que se tenir dans la rue avec plusieurs amis et n'était pas en possession de tels objets.

Il ne fait aucun doute que Seif est victime de cette loi sur les manifestations, vivement critiquée par l'ancienne Haut Commissaire aux Nations Unies pour les droits de l'homme, Mme Navi Pillay, car, en donnant aux autorités de sécurité locale « le pouvoir d'interdire les rassemblements qui constituent une menace pour la "sécurité" ou "perturbent les intérêts des citoyens" sans détailler spécifiquement la conduite », cette loi « laisse la porte ouverte à une interprétation très restrictive et répressive ».

Détention et mauvais traitements

Seif a ensuite été placé en détention provisoire pendant 15 jours à la station de police de Kfar Saad, avant d'être transféré à la seconde station de police de Damiette, puis à celle de Farskour, où il reste détenu à ce jour. Il a rapporté y avoir fait l'objet de mauvais traitements de la part d'autres détenus ainsi que d'officiers de police, s'ajoutant à des conditions de détention particulièrement difficiles et inappropriées : Seif Shousha est détenu avec des adultes dans une petite cellule vétuste, sale et mal ventilée.

Il a, de fait, développé de nombreuses infections de la peau et des problèmes respiratoires, accentués par le refus constant des policiers de laisser ses parents, qui ne le voient qu'une minute par semaine, lui donner des médicaments. Les demandes de ses proches et de son avocat pour le transférer avec d'autres mineurs dans un lieu de détention plus adapté sont restées sans réponse.

Jugement par un tribunal militaire

Alors que sa détention a été renouvelée plus de 10 fois, Seif n'a toujours pas été présenté à un juge civil et court aujourd'hui le grave risque d'être jugé par un tribunal militaire, bien que le droit international interdise le jugement de civils par de tels tribunaux car « en violation des exigences fondamentales d'indépendance, d'impartialité et de garanties pour un procès équitable requises par l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) et l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ainsi que du droit coutumier », tel que reconnu par les Nations Unies à de nombreuses reprises, y compris dans l'opinion du GTDA No.35/2014 du 24 octobre 2014.

En effet, le récent décret n°136 de 2014, adopté par le Président égyptien Al Sisi, permet de faire traduire devant des tribunaux militaires – et de manière rétroactive de surcroît – les individus accusés d'avoir porté atteinte aux infrastructures publiques. Or, la définition large donnée par le décret vise directement les manifestants pacifiques car le simple fait de manifester porterait atteinte, non seulement à l'ordre public, mais aussi à ces infrastructures publiques.

Ainsi, six jours avant l'audience civile fixée pour Seif, le procureur civil s'est désisté au profit d'un procureur militaire. Par ailleurs, et malgré l'absence de preuves, ce nouveau procureur a ajouté une nouvelle accusation à son dossier, celle difficilement contestable en Égypte, d'« appartenance à un groupe terroriste [les Frères musulmans] ».

Comme de nombreux autres citoyens égyptiens arrêtés et accusés à tort dans le cadre de la vague de répression des autorités contre toute forme de dissidence pacifique, à 16 ans, Seif risque d'être condamné dans les semaines qui viennent à une très lourde peine de prison, sans réelle garantie d'appel et sans pouvoir bénéficier d'une défense adéquate, pour, au final, n'avoir fait que se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

Alkarama a donc saisi le Groupe de Travail sur la détention arbitraire (GTDA) afin qu'il appelle les autorités égyptiennes à ne pas juger Seif Shousha devant un tribunal militaire, et, qu'en l'absence de preuves matérielles, il soit libéré immédiatement. Les autorités égyptiennes doivent mettre un terme immédiat aux procès de civils devant des tribunaux militaires et respecter leurs engagements internationaux en cessant la répression contre sa population.

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