Le 20 octobre 2014 le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a examiné le quatrième rapport périodique d'Israël lors de sa 122ème session tenue à Palais Wilson, à Genève. L'examen, qui vise à évaluer la mise en œuvre d'un État du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966, prend la forme d'un dialogue interactif entre les autorités de l'État et les experts indépendants de l'ONU. Bien que le Comité émette ses observations finales le 31 octobre, y compris ses recommandations à mettre en œuvre par Israël, il est déjà clairement apparu au cours de l'examen qu'Israël ne respectait pas pleinement le PIDCP, comme l'a exprimé le président du Comité, Sir Nigel Rodley, avant de déclarer la session close : « le Pacte n'est pas une question d'auto-interprétation par chaque État ».
Au cours de la discussion, le Comité a appelé la délégation israélienne à s'expliquer sur la récente opération « Bordure protective », sur l'application extraterritoriale du PIDCP dans les Territoires palestiniens occupés (Gaza et la Cisjordanie) et sur le blocus de Gaza. Le Comité a également remis en question l'usage excessif de la force par l'État, ses politiques de démolition de maisons et des colonisation, sa pratique de la détention administrative, et, plus généralement, son application du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, prévu dans l'article 9 du PIDCP, qui interdit « l'arrestation arbitraire et la détention »; le Comité a également abordé la question du traitement des détenus, y compris l'usage de la torture, strictement interdite par l'article 7 du PIDCP ; les autres questions soulevées ont porté sur le retour des demandeurs d'asile, les provisions pour les Bédouins, la justice pour les mineurs, l'égalité des sexes, l'accès à l'eau et aux ressources naturelles, ainsi que l'application plus générale par Israël des principes coutumiers d'égalité et de non-discrimination, également garantis par le Pacte.
Les experts de l'ONU se sont dit particulièrement préoccupés par la question de la torture. Alors que la délégation israélienne a cherché à rassurer le Comité en précisant que l'utilisation de « pressions physiques modérées » lors des interrogatoires n'équivalait pas à de la torture ou de mauvais traitements, le Comité a souligné le grand nombre de cas de torture fournis par les ONGs, ainsi que les nombreuses lacunes structurelles propices à l'utilisation de la torture, y compris l'absence d'une définition du crime de la torture dans le droit pénal israélien. Le Comité a rappelé que l'utilisation de la torture sous le prétexte de la « légitime défense » ou « la nécessité » ne saurait pas être considérée comme licite en vertu du droit international des droits de l'homme, et a rejeté fortement les arguments qui soutiennent l'utilisation de la torture pour des raisons liées à la sécurité du Pays.
Par ailleurs, bien que la délégation israélienne ait assuré que les termes des procès équitables et les garanties dans le traitement des détenus étaient respectées, le Comité a exprimé son inquiétude par rapport à la pratique répandue de la détention administrative, en particulier la détention au secret des détenus pendant 15 jours (une mesure qui peut être renouvelée indéfiniment), période pendant laquelle les détenus ne sont pas autorisés à nommer un avocat de leur choix, ou encore l'interdiction fréquente imposée aux détenus ou à leurs avocats d'accéder à leurs dossiers. La détention de 700 enfants par les Forces israéliennes de défense (IDF) ou de la police dans l'année écoulée a également soulevé une profonde préoccupation auprès du Comité, qui a noté que, malgré les quelques modifications législatives suite à la pression internationale – telles que le relèvement de l'âge de la majorité de 16 à 18 ans – ces changements restaient pourtant peu diffusés et appliqués.
Le Comité a également abordé la question de l'usage excessif de la force par les forces israéliennes, en particulier par l'armée de défense israélienne, lors des manifestations, telles que celles en signe de protestation contre l'opération « Bordure protective », ou durant la commémoration annuelle de la Nakba palestinienne. L'homicide de deux adolescents (qui ne posaient aucune menace pour la sécurité) le 15 mai 2014 à l'extérieur de la prison d'Ofer, à Ramallah, lors de la dernière commémoration de la Nakba, a été utilisé comme un exemple pour mettre en évidence l'utilisation croissante des balles réelles pour réprimer les manifestations, et qui ont récemment conduit à un nombre croissant de décès et de blessés parmi les manifestants pacifiques.
Enfin, le dialogue a donné beaucoup d'importance à la question de l'applicabilité extraterritoriale du Pacte – un principe soutenu par la plupart des États, à l'exception des États-Unis et d'Israël – empêchant ainsi les citoyens des Territoires palestiniens occupés de jouir des droits civils et politiques inscrits dans le Pacte. Israël a également affirmé que le droit international humanitaire ne s'appliquait pas aux situations de conflit armé, une revendication que le Comité a qualifié de « décision tout à fait unique et unilatérale de l'État partie ». Le fait qu'Israël n'accepte pas l'application extraterritoriale du Pacte, ou son applicabilité dans les conflits armés, « laisse des millions de personnes sur lesquelles Israël exerce un contrôle effectif sans la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux », a déclaré le rapporteur du Comité, Cornelius Flinterman.
Dans ses remarques finales, Sir Nigel Rodley, le Président du Comité, a souligné que l'Etat d'Israël avait évité de répondre à la plupart des questions posées par le Comité, à la fois dans sa précédente communication écrite et au cours du dialogue interactif. Pour cette raison, le Comité a vivement encouragé la délégation israélienne à fournir toutes les informations manquantes dans son prochain rapport.
Avant de clore la séance Sir Rodley a ajouté que « le Pacte n'est pas une question d'auto-interprétation par chaque Etat ». Le Comité publiera ses observations finales le 31 octobre avec ses recommandations à mettre en œuvre par Israël.
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