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Alkarama for Human Rights, 12 juin 2008

La session actuelle du Conseil des droits de l'homme se consacre à l'adoption des rapports finaux de l'examen périodique universel (EPU) des pays examinés au mois d'avril et mai. Alkarama avait exprimé dans son rapport de nombreuses préoccupations. La plénière consacrée au rapport final du Maroc a eu lieu le 9 juin 2008. Alkarama et la Commission arabe des droits humains y ont fait une courte intervention reproduite ci-dessous.

Alors que la participation des ONG dans le processus d'examen est marginale, certains Etats à l'instar de l'Egypte ou du Pakistan veulent limiter leur contribution à l'approbation des recommandations formulées par les Etats. Or celles-ci, dans le cas du Maroc, se distinguent surtout par leur indulgence vis-à-vis des actions du Royaume et l'omission d'aspects essentiels relatifs au respect des droits de l'homme.

Ainsi dans le rapport final qui reprend les interventions des représentants des Etats s'étant exprimés lors de la session du 8 avril 2008, de même que dans les recommandations de ces derniers, ne sont pas abordées les graves violations des droits de l'homme régulièrement dénoncées par de nombreuses ONG.

Il est vrai que le Maroc a introduit à partir des années 90 des réformes politiques et s'est engagé à plus de respect des droits de l'homme et des libertés publiques. Mais depuis les attentats du 16 mai 2003 et au nom de la lutte contre le terrorisme, une nette régression est constatée. Parmi les points à soulever notons que :

- des milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement, torturées et emprisonnées à la suite de procès inéquitables ;

- la torture est couramment pratiquée dans les centres de détention contrôlés par la DST (Direction de la surveillance du territoire), services de renseignements internes, mais aussi dans les centres de garde à vue ;

- les services de sécurité marocains " sous-traitent " la torture pour leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme ;

- les libertés d'expression, de réunion et d'association ont de nouveau subi de graves restrictions. De nombreuses personnes ont été arrêtées et condamnées pour avoir manifesté pacifiquement leurs opinions ;

- de nombreux réfugiés et migrants ont été maltraités et des demandeurs d'asile et réfugiés reconnus ont été refoulés dans des conditions inhumaines et dégradantes. Là aussi le Maroc joue le rôle de bouclier en tant que pays de transit des flux migratoires vers l'Europe ;

- la répression au Sahara occidental et les persécutions d'activistes sahraouis n'ont pas cessé.

Ces graves violations des droits de l'homme n'ont pas été abordées par les représentants des Etats qui se sont contentés de recommander aux autorités marocaines de souscrire à certaines conventions internationales, d'améliorer la situation dans les prisons, de consolider la culture des droits de l'homme, de mettre en œuvre les recommandations de l'IER.

Quant aux deux recommandations relatives à la ratification du statut de Rome et à l'octroi d'une invitation permanente aux détenteurs de mandat des procédures spéciales de l'ONU, le Maroc émet des réserves tout en promettant de les examiner.

L'examen périodique universel a montré ses limites dictées par les intérêts des Etats : qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, la politique de migration, ou le conflit autour du Sahara occidental, ces thèmes n'ont été abordés par aucun des membres du Conseil. Quant à la société civile, pourtant invitée à participer activement à l'EPU, certains de ses représentants se sont vus interdire la parole quand ils ont abordé des sujets préoccupants.

Alkarama regrette que les résultats de ce mécanisme ne soient pas à la hauteur du défi et espère qu'en raison du caractère naissant de cette procédure, des aménagements adéquats permettront de prendre en considération de manière plus efficientes les préoccupations des ONG en matière de protection des droits de l'homme.


Intervention orale conjointe d'Alkarama et  la Comission arabe des droits humains lors de la plénière du 9 juin 2008

Nous regrettons de ne pas avoir eu la parole au cours de l'exercice précédent, du fait de la stratégie de noyautage des ONG purement gouvernementales tunisiennes.

Le Maroc a entrepris à la fin des années 1990 des réformes démocratiques allant dans le sens du respect des droits de l'homme. Mais à la suite des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca et au nom de la lutte contre le terrorisme, des milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement, torturées et emprisonnées à la suite de procès inéquitables. La nouvelle loi de 2003 relative à la lutte contre le terrorisme prévoit certaines mesures qui violent les principes établis par les Conventions internationales ratifiées par le Maroc.

La torture qui tendait à disparaitre au début des années 2000 à la satisfaction de la société civile est malheureusement réapparue avec force et en particulier dans les centres de détention contrôlés par la DST (Direction de la surveillance du territoire), les services de renseignements internes.

Le problème qui suscite également de graves préoccupations est le fait que les services de sécurité « sous-traitent » la torture pour leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

Les libertés d’expression et de réunion et d’association ont de nouveau subi de graves restrictions. De nombreuses personnes ont été arrêtées et condamnées pour avoir manifesté pacifiquement leurs opinions.

Le traitement infligé à de nombreux réfugiés et migrants constitue un autre sujet de préoccupation, en particulier en ce qui concerne l’expulsion dans des conditions inhumaines et dégradantes de demandeurs d’asile ou de réfugiés reconnus. 

Si aujourd’hui nous prenons acte de la volonté du Maroc de tourner la page des années noires, nous l'appelons à le faire d'une manière irréversible et à traduire cette volonté politique concrètement dans la réalité.

Concernant l'UPR, nous formulons simplement l'espoir que les discours officiels entendus dans cette salle soient aussi entendus dans les lieux de détention.