Alkarama exprime sa vive préoccupation face à la possibilité que les autorités libanaises expulsent la citoyenne russe Viktoriya Matsakova vers son pays, où elle risque d'être torturée. Dans ce contexte, Alkarama a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, demandant leur intervention à cet égard.
L'avocat Rachid Mesli, directeur juridique d'Alkarama, a déclaré: "La citoyenne russe actuellement détenue au Liban risque d'être extradée vers la Russie, les autorités russes ont émis un mandat d'arrêt pour terrorisme à son encontre ". Il a exprimé également exprimé sa crainte qu'en cas d'extradition vers la Russie, elle ne soit soumise à de graves tortures, en plus d'être séparée de sa famille.
Viktoriya Matsakova est une citoyenne russe de 33 ans, femme au foyer, mariée à un citoyen libanais et mère de deux enfants jumeaux, âgés de 3 ans et demi, arrêtée le 1er décembre 2020 par la Sûreté générale de Tripoli, où elle a obtenu ses papiers de résidence. La Russie a émis un mandat d'arrêt contre elle le 15 novembre 2020, sous prétexte de son voyage en Syrie.
Mme Viktoriya Matsakova a été transférée de la sécurité générale de Tripoli à la sécurité générale de Beyrouth. Le 11 janvier 2021, son avocate a déposé une requête en cassation auprès du parquet, qui a à son tour renvoyé le dossier au ministère de la Justice, sachant que la loi libanaise ne prévoit pas de procédure judiciaire interne pour contester les demandes d'extradition.
Par conséquent, Alkarama a fait appel aux procédures spéciales des Nations Unies, afin que la Ministre libanaise de la justice, Mme Marie-Claude Najem, et les autorités libanaises en général, ne répondent pas à la demande d'extradition présentée par la Russie. L'extradition de Mme Viktoriya Matsakova vers la Russie l'exposerait à un procès inéquitable et au risque de torture et/ou de mauvais traitements et constituerait une violation de l'article 3 de la Convention contre la torture, que le Liban a ratifiée en 2000. Cette procédure entraînerait également une séparation quasi définitive entre la mère et ses enfants .
En même temps, il convient de noter que le Comité des Nations Unies contre la torture publie régulièrement des rapports sur l'utilisation systématique de la torture par les services de sécurité russes, et que le dernier rapport du comité, datant du 28 août 2018, confirmait l'utilisation de pratiques de torture comme moyen d'extorsion d'aveux, faisant référence à un certain nombres d'individus décédés la torture. Plusieurs organisations non gouvernementales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont également condamné la pratique systématique de la torture en Russie, en particulier dans les affaires de terrorisme.
Par ailleurs, dans ses observations finales de 2015 (CCPR / C / RUS / CO / 7), le Comité des droits de l'homme a déclaré que la torture «continue d'être pratiquée à grande échelle en Russie». En outre, le manque de clarté de la loi fédérale de 2006 sur la lutte contre le terrorisme a été mis en évidence, notamment concernant « la définition trop vague et indéfinie de « l'activité extrémiste », et qui« n'exige aucun élément de violence ou d'incitation à la haine ». Ce qui exige d'ériger la torture en infraction pénale distincte.
C'est pourquoi, Alkarama estime incompatible de condamner Viktoriya Matsakova pour des actes présumés de "terrorisme", alors que la loi russe ne correspond pas aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et viole régulièrement le droit à un procès équitable et les garanties d'un procès équitable. On craint également que Mme Viktoriya Matsakova, en cas d'extradition, ne souffre d'une violation de son droit à la vie privée et familiale, car elle sera séparée de son mari et de ses deux jeunes enfants, en plus du fait qu'elle n'a actuellement pas de parents vivant en Russie.
Par conséquent, Alkarama appelle les autorités libanaises, en particulier la ministre de la Justice Mme Marie Claude Najm, à s'abstenir de remettre Viktoriya Matsakova à un pays qui continue de pratiquer régulièrement la torture. Il convient aussi de rappeler que les conditions de détention actuelles en Russie sont très mauvaises, notamment à la lumière du taux de mortalité élevé à l'intérieur des prisons, selon les rapports des Nations Unies.