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A la suite des événements de « Nahr Al Bared » en 2007, plusieurs centaines de personnes suspectées d'appartenir ou d'avoir entretenu des liens avec le groupe islamiste de « Fatah Al Islam » ont été arrêtées. Les autorités judiciaires libanaises ont annoncé l'ouverture prochaine du procès par des auditions préliminaires qui doivent débuter demain, 8 février 2013. Six années après les faits et à l'issue d'une période de détention provisoire manifestement excessive durant laquelle nombre de détenus rapportent avoir été victimes d'actes de torture, le « Conseil judiciaire » libanais, juridiction d'exception, s'apprête à juger cette affaire. Alkarama tient à rappeler à cette occasion aux autorités libanaises leurs obligations internationales en matière de procès équitable.

Alkarama souligne en premier lieu que la plupart des détenus ont rapporté avoir subi de graves actes de torture dès leur arrestation par les services de sécurité et en particulier au siège du ministère de la Défense dans le but de leur extorquer des aveux. Aucune de ces victimes n'a eu la possibilité de porter plainte devant les autorités judiciaires et nous craignons que ces aveux ne soient utilisés contre eux au cours de leur procès.

Quant à la compétence du Conseil judiciaire à juger de l'affaire qui lui est soumise, il est nécessaire de rappeler également qu'il s'agit d'une juridiction dont la saisine est effectuée par décret du Conseil des ministres, « en contravention avec les principes de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de l'égalité devant la loi», comme l'a relevé le Haut-commissariat aux Droits de l'Homme à l'occasion de l'Examen Périodique Universel du Liban en novembre 2010. D'autre part, les décisions du Conseil judicaire sont définitives et elles ne sont pas susceptibles de recours, en violation du principe du double degré de juridiction. C'est en date du 7 juin 2007 que le Conseil des ministres, alors dirigé par Mr Fouad Siniora, décida que les personnes arrêtées seraient finalement déférées devant cette instance.

Alkarama relève également que les périodes de garde-à-vue et de détention préventive de nombreux accusés constituent une violation au droit à la liberté et la sécurité de la personne inscrit dans l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Certains d'entres eux n'ont été formellement accusés et présentés pour la première fois devant une autorité judiciaire que plusieurs mois après leur arrestation. Nombre d'entres eux restent en détention préventive à la prison de Roumieh à ce jour, soit jusqu'à 68 mois après leur arrestation.

Les motifs invoqués par les autorités judiciaires pour justifier cette détention particulièrement excessive avant le procès sont que l'article 108 du Code de Procédure Pénale libanais ne prévoit pas de limite de la durée légale pour certaines infractions à la loi comme les atteintes à la sûreté de l'Etat. Ainsi, cette disposition pénale autorise une détention illimitée des suspects, ce qui est de toute évidence contraire au droit international et constitue pour les victimes une détention arbitraire.

Alkarama prend comme occasion le début du procès de Nahr Al Bared pour rappeler aux autorités libanaises leurs obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention contre la torture, ce qui inclue la garantie que le procès des accusés soit conforme aux standards internationaux en matière de procès équitable.

Alkarama appelle en particulier les autorités à prendre en compte toutes les violations en matière de procédure pénale, que des enquêtes soient systématiquement ouvertes sur les allégations de tortures formulées par les accusés et à s'assurer que les aveux extorqués sous ne soient pas utilisés comme moyens exclusifs de preuves pour condamner les accusés.
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