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Le 20 mai dernier, Ahmad Abdulwahed, personnalité religieuse sunnite connue pour son soutien politique à l'opposition syrienne et Mohammad Al Mereb étaient abattus par balle par des soldats de l'armée libanaise à un barrage situé à l'entrée de Kwaikhat dans le nord du Liban. Cet incident n'a fait qu'attiser les tensions dans le nord du pays déjà secoué par de violents heurts entre partisans et opposants du régime syrien. Dans une volonté d'apaiser l'opinion publique, les autorités se sont empressées de déclarer publiquement l'ouverture immédiate d'investigations mais plus de deux mois après, l'enquête piétine toujours. Alkarama appelle les autorités libanaises à garantir l'indépendance et l'impartialité des investigations en-dehors de toute considération d'ordre politique.

Le matin du 20 mai 2012, Ahmad Abdulwahed et Mohammad Al Mereb, tous deux résidents d'Al-Bireh ont pris la route avec leur chauffeur pour Halba, chef-lieu du district de l'Akkar, pour assister à un rassemblement organisé par le Courant du Futur (mouvement politique d'opposition dirigé par Saad Hariri) pour la 4e commémoration des événements du 7 mai 2008. Selon leur chauffeur rescapé, leur déplacement avait été signalé aux forces de sécurité locales puisqu'ils avaient annoncé leur passage aux divers postes de contrôle de l'armée situés sur leur route. Vers 11h30, ils arrivent au barrage militaire des forces aériennes situé à l'entrée du village de Kwaikhat, près de Tell Abbas. Les militaires font signe au chauffeur de passer mais subitement l'un des soldats leur donne l'ordre d'arrêter la voiture et les somme de descendre. Le chauffeur sort en premier du véhicule et, alors qu'il allait commencer à discuter avec les militaires, plusieurs d'entre eux ont ouvert le feu sur les dignitaires religieux, les tuant sur le coup.


Dans un climat de tensions politiques internes exacerbées par la situation en Syrie, la mort violente des deux dignitaires religieux sunnites soutenant l'opposition syrienne est de nature à attiser le conflit entre les différentes factions de la société libanaise, d'autant plus que l'armée est suspectée de sympathie envers le régime syrien.


Mesurant la gravité de ces exécutions et de l'impact particulièrement important sur l'opinion publique, les responsables militaires se sont empressés de déclarer publiquement que des investigations seraient menées sans délai par un comité d'enquête institué à cette fin. Cette tentative d'apaisement n'a pourtant pas pu empêcher que des affrontements armés éclatent suite à cet évènement, faisant au moins trois morts à Beyrouth.


M. Saqr Saqr, Procureur du tribunal militaire de Beyrouth a été désigné et, dès l'ouverture de l'enquête celui-ci a ordonné l'arrestation des 22 membres des forces aériennes présents sur les lieux de la fusillade, dont 3 officiers. La suite de l'enquête a été confiée au premier juge d'instruction militaire, M. Riad Abu Ghida. Le 5 juillet suivant la plupart des militaires arrêtés, dont les 3 officiers ont été libérés, ce qui a suscité de nouvelles et violentes manifestations dans le pays à la suite desquelles tous les militaires libérés ont de nouveau été arrêtés et placés en détention.


« Dans l'affaire de la mort suspecte d'Ahmad Abdulwahed et de Mohammad Al Mereb, l'attitude de la justice militaire et des autorités libanaises semble plus traduire une volonté d'apaiser une partie de l'opinion publique et d'apporter une réponse politique à un dossier judiciaire que de mener une enquête effective et impartiale sur leur décès», déclare Rachid Mesli, directeur juridique d'Alkarama. Et d'appeler les autorités à « mener des enquêtes exhaustives et impartiales sans considération d'ordre politique. »


Alkarama a soumis aujourd'hui le cas d'Ahmad Abdulwahed et de Mohammad Al Mereb au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires des Nations Unies.