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Alkarama for Human Rights, 11 octobre 2007

Alkarama for Human Rights a adressé une communication au Comité des droits de l'homme de l'ONU au nom de la famille de Dr. Aboussedra, arrêté en 1989, détenu arbitrairement depuis, et victime à deux reprises de disparition forcée.

Dr Mohamed Hassan Aboussedra, médecin biologiste aujourd'hui âgé de 51 ans a été arrêté par les services de la sécurité intérieure à son domicile à Al Bayda dans la nuit du 19 janvier 1989, en compagnie de ses quatre frères Tahar, Adam, Salah et Kheirallah sans mandat de justice et sans connaître les raisons de son arrestation.

Les cinq hommes ont été détenus pendant trois ans au secret sans que leur famille ne sache, durant toute cette période, s'ils étaient morts ou vivants, n'ayant jamais pu avoir d'informations de la part des autorités.

Malgré toutes les démarches entreprises par leur père, M. Hassan Salah Aboussedra pour connaître le lieu et leurs conditions de détention, il a fallu attendre en effet le mois d'avril 1992 pour que leur famille apprenne qu'ils étaient tous vivants et détenus à la prison d'Abou Slim à Tripoli.

La famille a été autorisée alors à leur rendre visite pour la première fois et a appris à cette occasion qu'aucun des cinq frères ne connaissait les raisons de sa détention, n'avait été présenté devant un juge ou ne faisait l'objet d'une procédure judiciaire. Tous avaient été torturés durant leur détention au secret.

Après six ans d'incarcération dans des conditions particulièrement inhumaines, Tahar, Adam, Salah et Kheirallah ont été libérés le 02 mars 1995 sans avoir été traduits en justice.

Quant au Dr. Mohamed Hassan Aboussedra, il a continué à être détenu sans procédure judiciaire, sans possibilité d'accéder à un avocat et sans pouvoir contester la légalité de sa détention.

Lors du massacre commis par les forces de sécurité libyennes dans la prison d'Abou Slim les 28 et 29 juin 1996 qui a fait plusieurs centaines de victimes (plus d'un millier selon certaines sources), les détenus avaient choisi le Dr Aboussedra comme intermédiaire avec les autorités et éviter un bain de sang au cas où une intervention armée était ordonnée. Il était en effet considéré et par les autres prisonniers ainsi que par l'administration de la prison comme une personnalité particulièrement sage et conciliante.

Cette appréciation partagée ne l'a cependant pas empêché de faire l'objet de graves menaces de la part de hauts responsables présents sur place au moment des faits. Par la suite, son régime de détention s'est considérablement aggravé. Il a été entièrement coupé du monde extérieur pendant plusieurs années encore, sans visites familiales ni possibilité de contact avec un avocat.

Pour la deuxième fois et durant plusieurs années, sa famille ne savait pas s'il était encore vivant ou s'il avait été tué lors l'assaut des forces de sécurité contre la prison en juin 1996.

D'ailleurs, toutes les familles des prisonniers d'Abou Slim ont été tenues dans l'ignorance totale du sort de leurs enfants, pères ou époux à ce jour car aucune liste des prisonniers tués lors de l'intervention armée n'a été publiée par les autorités jusqu'à aujourd'hui.

Les démarches entreprises encore durant des années par le père sont restées vaines, l'administration de la prison tout comme les comités populaires refusant de briser le silence.

Les avocats consultés par la famille ont refusé également de se charger de cette affaire, au motif qu'il était impossible de déposer une plainte contre les autorités ou de faire des démarches légales, ils lui ont constamment conseillé de trouver un arrangement avec les autorités.

Le père du Dr. Aboussedra, usé et découragé après toutes ces années passées à rechercher son fils, dans l'incertitude sur son sort, a finalement sombré dans le désespoir et la dépression jusqu'à sa mort en mai 2003.

Ce n'est qu'en 2004 que le Dr. Aboussedra a été traduit pour la première fois en justice, quinze ans après son arrestation. Il a été condamné par le tribunal populaire de Tripoli à la réclusion à perpétuité à la suite d'un procès à huis clos ou aucun de ses droits n'avaient été respecté.

Au cours de ce procès, aucun fait précis pouvant recevoir une qualification pénale ne lui a été imputé ; il a uniquement été interrogé à propos de ses convictions politiques.

Après la suppression des tribunaux populaires, le Dr Aboussedra a été rejugé le 02 juin 2005 par un tribunal civil et a été condamné cette fois-ci à 10 années d'emprisonnement, peine qu'il avait depuis longtemps accompli puisqu'il était emprisonné alors depuis 16 ans.

Le président du tribunal a donc également ordonné sa mise en liberté.

Sa famille qui attendait sa sortie de prison devait cependant apprendre par des codétenus libérés qu'il avait été extrait de la prison d'Abou Slim le 09 juin 2005 par des agents de la sécurité intérieure pour être emmené vers une destination inconnue.

Les autorités libyennes entretiennent de nouveau le silence total sur leur refus de le remettre en liberté en dépit d'une décision de justice et sur le lieu où il se trouve.

Seule la " Fondation internationale Al Khaddafi pour le développement humain ", sollicitée pour intervenir auprès des autorités, a informé son frère par téléphone en décembre 2006 que Dr Aboussedra figurait parmi les personnes qui doivent être libérées.

Le 31 janvier 2007, la famille devait cependant être informée qu'il était détenu au secret au siège de la Sécurité intérieure de Tripoli dans des conditions dramatiques et qu'il y avait subi de graves tortures au point que sa vie serait en danger.

La famille a donc adressé un appel urgent à Madame la Haut Commissaire aux droits de l'homme, ainsi qu'à plusieurs procédures spéciales pour leur demander d'intervenir auprès des autorités libyennes pour le faire libérer.

Elle reste malheureusement à ce jour toujours sans nouvelles et force est de constater que le Dr. Aboussedra est victime aujourd'hui de disparition forcée depuis le 9 juin 2005.

C'est donc en désespoir de cause, et après avoir épuisé toutes les autres possibilités de recours, que sa famille a sollicité notre Organisation pour saisir le Comité des droits de l'Homme des Nations unies d'une plainte contre le gouvernement libyen pour établir les nombreuses violations de ses droits protégés par le Pacte dont a été, et reste victime le Dr Aboussedra et sa famille.

Il est à noter que cette plainte est conforme au protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiés par la Libye et par lequel ce pays reconnaît au Comité des droits de l'homme la faculté d'examiner les plaintes soumises par les personnes relevant de sa juridiction.