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Alkarama for Human Rights, 16 octobre 2007

Alkarama for Human Rights a adressé le 15 octobre 2007 une communication au Comité des droits de l'homme de l'ONU au nom de la famille de M. Wanis Charef El Abani, juge à Benghazi, arrêté arbitrairement le 19 avril 1990 et actuellement disparu.

M. EL ABANI (Al Ouerfeli), né en 1948, a exercé en qualité de juge au tribunal de première instance de Benghazi pendant plusieurs années au cours desquelles il a fait l’objet de la part du ministère de la justice de plusieurs avertissements, puis de menaces de destitution pour n’avoir pas déféré aux consignes de sa tutelle à l’occasion des décisions de justice qu’il devait rendre.

Le 19 avril 1990 il a été être convoqué, pour des motifs disciplinaires, par le ministre de la justice M. Azzedine Al Hinchiri à Tripoli au siége du ministère. Après lui avoir reproché son attitude contraire à celle que l’on attendait de lui, le ministre lui a signifié qu’il était en état d’arrestation : De fait, des membres des services de la sécurité intérieure l’ont arrêté dans le bureau même du ministre, sans mandat de justice et sans qu’il ne soit informé des causes légales de cette arrestation.

Il a été conduit dans un lieu secret où il a fait l’objet de tortures d’une grande cruauté pendant 03 mois avant d’être conduit à la prison d’Abou Slim (Tripoli).

Toutes les démarches de sa famille, pour connaître son sort et le lieu de sa détention étaient  restées vaines et ce n’est que le mois de juin 1996 que son épouse a appris qu’il était détenu à la prison de Abou Slim, sans pouvoir toutefois en avoir la confirmation officielle. Ayant sollicité une autorisation de visite, les autorités lui ont répondu qu’il n’était pas détenu.
 
M. El Abani était placé en isolement total dans un quartier spécial de la prison pendant les six premières années de sa détention au cours desquelles il n’a eu de contact qu’avec ses geôliers.

Il a cependant été transféré dans une cellule collective quelques jours seulement avant les événements des 28 et 29 juin 1996 au cours desquels plusieurs centaines de détenus (plus d’un millier selon certaines sources) ont été tués par les services de la sécurité intérieure dans la prison.

Rescapé de ce massacre, il a de nouveau été placé en isolement complet dans une cellule individuelle et ce pendant plusieurs années encore, toujours sans communication avec l’extérieur ou avec les autres détenus et sans aucune visite familiale ou celle d’un avocat.

Le 19 avril 2001, 11 années après son arrestation, le procureur général militaire lui notifiait officiellement et pour la première fois, l’accusation « d’avoir été en contact téléphonique avec des opposants se trouvant à l’étranger » et « de ne pas en avoir informé les autorités ».

Ce n’est que le 15 décembre 2001, à l’occasion de sa présentation devant un juge d’instruction militaire, qu’il a pu, pour la première fois après onze années, parler avec son épouse, autorisée par le juge, à titre exceptionnel, à communiquer avec lui pendant un quart d’heure avant son audition.

Déféré devant le tribunal militaire, le 01 janvier 2002, il a été condamné, à la suite d’un procès manifestement inéquitable, à une peine de treize (13) années d’emprisonnement en tout : 10 années pour « défaut de dénonciation » et 3 années pour « détention d’explosifs », cette dernière accusation s’étant révélée pour la première fois à la lecture du jugement.

Le 13 mai 2002 et sur appel du parquet militaire, la juridiction de recours, le tribunal supérieur du peuple armé, annulait le premier jugement et renvoyait l’affaire devant une autre juridiction militaire autrement composée. Celle-ci devait confirmer le premier jugement en date du 29 septembre 2002.

M. El Abani avait fini de purger la totalité de la peine à laquelle il avait été condamné le 19 avril 2003. Il n’a cependant pas été libéré et, après cette date, il a continué à être détenu dans le même établissement pénitentiaire dans les mêmes conditions.

Dans le courant de l’année 2005, sa famille a introduit une demande de libération devant le tribunal populaire, qui l’a rejetée, au motif que le procureur militaire ne reconnaissait pas que l’intéressé était détenu à la prison d’Abou Slim.

Ayant cependant obtenu la confirmation par plusieurs détenus libérés que M. El Abani s’y trouvait toujours, les avocats de Mme El Abani ont sollicité la désignation d’un expert avec pour mission de se rendre à la prison d’Abou Slim pour s’assurer de sa présence dans cet établissement pénitentiaire. Au mois de septembre 2006, l’administration de la prison refusait à l’expert désigné par le tribunal l’accès à la prison, en conséquence celui-ci n’a pas pu accomplir la mission assignée par le juge.

La famille de M. El Abani a cependant continué à recevoir des informations selon lesquelles celui-ci était toujours détenu dans la même prison jusqu’au début du mois de janvier 2007. Au cours de ce mois, elle a appris qu’il avait été emmené hors de l’établissement pénitentiaire par des services de la sécurité intérieure.

Pensant au début qu’il allait être enfin libéré, mais n’ayant plus actuellement aucune nouvelle de lui, son épouse craint aujourd’hui pour sa vie et elle exprime sa plus profonde inquiétude quant à son sort. A ce jour, la famille de M. El Abani est toujours sans nouvelles de lui et force est de constater qu’il est victime de disparition forcée.

Cette plainte est conforme au protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiés par la Libye et par lequel elle reconnaît au Comité des droits de l'homme la faculté d'examiner les plaintes soumises par les personnes relevant de sa juridiction.