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sulaiman

Le 11 août 2021, Alkarama s’est adressé au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire concernant la situation de MM. Sulaiman Muhammad Salim SULAIMAN et Abdelhakim Imabarak Mohammed ALI, tous deux arrêtés  en 2016 par les « Forces Spéciales de dissuasion » en Libye.

1. Contexte : Les Forces Spéciales de Dissuasion en Libye
Les forces spéciales de dissuasion (également connues sous le nom de RADA), une milice dirigée par Abdel Raouf Kara, constituent l’une des principales forces de sécurité de la capitale libyenne, Tripoli. Les RADA dépendent nominalement du ministère de l'Intérieur mais agissent en fait de manière autonome. En effet, cette milice, qui contrôle de nombreux lieux stratégiques de la capitale dont principalement l'aéroport de Mitiga, échappe au contrôle de toute autorité judiciaire. Ils détiennent arbitrairement des centaines de personnes dans une prison qu'ils contrôlent à l'aéroport de Mitiga (ouest de Tripoli).
L'ONU s'est déjà penchée sur l'ampleur de la détention arbitraire en Libye1 tandis que diverses organisations de défense des droits de l'homme ont fait état de violations inquiétantes commises en toute impunité par les milices libyennes dont RADA. Alkarama a également reçu de nombreux témoignages d'arrestations arbitraires et d'enlèvements de personnes, dont certaines sont encore en situation de disparition forcée à ce jour.
Abdelhakim Imbarak Muhammad ALI et Sulaiman Muhammad Salim SULAIMAN figurent parmi les Libyens qui ont été victimes d'abus de la part de cette milice.
Préoccupée par cette situation récurrente dans le pays, Alkarama a de nouveau appelé le Groupe de travail sur la détention arbitraire à intervenir pour ces deux victimes. Par la même occasion, Alkarama a souligné l'importance de placer toutes ces milices sans exception sous le contrôle effectif du gouvernement et de l’autorité judiciaire.

Arrestation et détention arbitraire de Mr. Abdelhakim Imbarak Mohammed ALI
Le 16 octobre 2016 à 22 heures, M. Ali se trouvait dans la rue à Ain Zara avec son ami lorsqu'il a été enlevé par des membres des Forces spéciales de dissuasion.
Selon l'ami de M. Ali et des passants, les RADA, masqués et portant à la fois des vêtements civils et militaires, ont procédé à son arrestation sans présenter de mandat et sans fournir les raisons de cette arrestation. Ils ont encerclé M. Ali et l'ont battu tout en le forçant à monter dans l'un de leurs véhicules.
Après l'enlèvement, les proches de M. Ali sont allés s'enquérir de son sort et ont reçu la confirmation de source informelle qu'il était détenu dans le centre de détention situé dans l'aéroport international de Mitiga, connu pour être sous le contrôle des forces de dissuasion.

Dans une lettre officielle datée du 25 octobre 2016, le procureur général a demandé que M. Ali soit présenté devant lui pour enquête ou qu’il soit libéré. Cinq ans plus tard, il n'a toujours pas été présenté à une autorité judiciaire. En fait, il est toujours détenu dans le centre de détention de Mitiga où aucune visite physique n'est autorisée. Sa femme n'a pu communiquer avec lui que quelques fois à travers un écran.

M. Ali et sa famille ignorent toujours les charges officielles à l'origine de son arrestation. Néanmoins, il a informé ses proches qu'il a été interrogé sur son voyage à Gaza pendant le blocus alors qu'il travaillait pour une mission humanitaire.
Même si la famille a essayé d'obtenir des éclaircissements sur son cas, elle n'a pas pu prendre de mesures supplémentaires par crainte de représailles.

Arrestation et détention arbitraire de M. Sulaiman Muhammad Salim SULAIMAN
M. Sulaiman a été arrêté le 16 mai 2016 par les Forces Spéciales de Dissuasion dans son magasin situé à Khallet Al Furjan.
Selon plusieurs témoignages, les RADA sont arrivés dans plusieurs véhicules civils, armés et le visage masqué. Ils ont encerclé le magasin de M. Sulaiman et l'ont battu tout en le forçant à monter dans un de leurs véhicules. Selon les témoins, les forces de dissuasion n'ont pas présenté de mandat et n'ont pas informé M. Sulaiman des raisons de son arrestation.
Sur la base de leur modus operandi, la famille de M. Sulaiman a soupçonné les forces de dissuasion d'être à l'origine de son arrestation. En effet, après quelques recherches, la famille a pu découvrir que M. Sulaiman était détenu à l'aéroport international de Mitiga. La source les a également informés que la victime était accusée d'appartenir à un groupe religieux non salafiste.
En fait, M. Sulaiman est toujours détenu dans le centre de détention de Mitiga. Depuis son arrestation, sa famille n'a pu lui rendre visite que cinq fois en cinq ans et pendant moins de dix minutes. Seules deux de ces cinq visites ont eu lieu en tête-à-tête.
Après avoir découvert que M. Sulaiman était en détention à Mitiga, sa famille a fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir des éclaircissements sur sa situation.
Elle a notamment contacté le Procureur général qui l'a informée que les forces de la RADA avaient été invitées à présenter la victime pour une procédure judiciaire. Cependant, il semble que le procureur général n'ait jamais reçu de réponse malgré ses demandes.
Finalement, toutes leurs démarches sont restées vaines et ils n'ont pas eu la possibilité de continuer leurs recherches par crainte de représailles de la part des forces de dissuasion.

2. Le Groupe de travail saisi par Alkarama
Préoccupée par cette pratique systématique et récurrente, Alkarama a donc saisi le Groupe de travail sur les détentions arbitraires.
Les deux victimes ont été arbitrairement arrêtées sans aucun mandat et sans qu’aucune charge pénale n'ait été retenue contre elles. Leur arrestation n'a pas été effectuée conformément au principe de légalité et n'a aucune base légale en violation des articles 9, paragraphe 1 et 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte).
Les deux victimes ont été arrêtées par les forces RADA, affiliées au ministère de l'Intérieur, qui opéraient à l'époque avec le gouvernement d'entente nationale et qui continuent actuellement d'opérer, malgré le changement politique et l'établissement du nouveau gouvernement, sans base légale ni contrôle judiciaire.
Les deux victimes sont maintenues en détention sans aucune décision de justice. Elles ont été privées de leur droit de contester la légalité de leur détention, comme l'exigent le commentaire n° 8 (1982) et l'article 9 et le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, des garanties énoncées à l'article 9 du Pacte, y compris l'accès à un recours effectif.
Elles sont maintenues en détention arbitraire prolongée sans charge et sans accès aux autorités judiciaires. Les autorités qui les ont arrêtées leur ont refusé toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment le contact avec leurs proches ou l'accès à un avocat.
L'arrestation de M. Sulaiman est, quant à elle, uniquement fondée sur une prétendue affiliation religieuse à un groupe non salafiste. Au moment de son arrestation, il a seulement été interrogé sur ses convictions religieuses. Il semblerait donc qu'elles aient été la raison de son arrestation.
Alkarama a donc sollicité la reconnaissance du caractère arbitraire de l’arrestation et la détention des deux victimes ainsi que leur libération.

Par la même occasion, Alkarama a appelé le Groupe de travail à enjoindre au nouveau  gouvernement de placer toutes les milices libyennes sans exception, y compris les forces RADA, sous le contrôle effectif du gouvernement et du procureur général, afin d’éviter d’autres violations à l’avenir.