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Alkarama a adressé le 3 février 2011 une Communication au Comité des droits de l'homme afin qu'il examine  l'affaire de M. Saleh Salem HMEED. Arrêté en 1986, il avait été gravement torturé et accusé d'avoir commis un crime sans preuves puis détenu arbitrairement à la suite d'un procès inéquitable. Lorsque ses enfants ont voulu porter l'affaire sur la place publique en 2007, ils ont été arrêtés et ont subi les pires tortures.

Le cadavre du dénommé Hassan Mohamed ABOU NAAMA avait été découvert le 03/11/1986, dans un puits situé sur une terre agricole appartenant à M. Saleh Salem HMEED qui en a informé la police. Dès l’ouverture de l’enquête ordonnée par le parquet M. Saleh Salem HMEED a été arrêté et placé en garde à vue.

M. Saleh Salem HMEED a été placé en détention dans une cellule minuscule, totalement isolée du monde extérieur pendant un mois, en violation de la loi interne qui prévoit que la garde à vue ne doit pas dépasser 48 heures ; durant cette période il a été torturé et a fait l’objet de graves sévices de la part des agents de l’Etat qui voulaient lui faire avouer le crime qu’il avait contribué à faire découvrir et que les autorités voulaient lui imputer.

Celui-ci a été gravement affecté par ces accusations et par le traitement qu’il a subi durant cette période à la suite de laquelle il a sombré dans une dépression dont il garde à ce jour des séquelles psychologiques. Il n'a cependant jamais été traité de manière adéquate.

M. Saleh Salem HMEED a été renvoyé par décision de la chambre d’accusation du 28/01/1987  devant le tribunal criminel de Tripoli sous les chefs d’inculpation suivants :
1. Assassinat avec préméditation.
2. Adultère commis avec la femme de la victime.
3. Creusement d’un puits sur sa propriété sans autorisation de l’administration.

Le tribunal criminel a tenu une audience expéditive le 02/04/1988, au cours de laquelle il a  retenu contre M. Saleh Salem HMEED le crime de viol et d’assassinat ; suite à quoi il a prononcé une peine de réclusion criminelle à perpétuité contre lui.

Ce jugement a été fondé sur les seuls témoignages de la femme de la victime, elle même coaccusée et poursuivie dans le cadre de la même procédure de complicité d’assassinat et du frère de celle-ci appelé également à témoigner.

M. Saleh Salem Hmeed a interjeté appel de ce jugement mais n’a cependant pas été rejugé sous le prétexte que les formalités d’usage n'avaient pas été effectuées, que le jugement prononcé contre lui était devenu définitif et qu’il n’avait aucune autre possibilité légale de recours.

La famille de M. Saleh Salem HMEED a alors effectué de nombreuses démarches informelles auprès des autorités politiques et judiciaires pour faire réviser son procès, elle a aussi fait valoir que l’enquête menée par les services d’investigation criminelle avait été menée d’une façon partiale, et que notamment de nombreux témoins n’avaient jamais été entendus.

Finalement, le secrétaire à la justice, a demandé en 1994 aux services d’investigation criminelle de rouvrir l’enquête relative à l’assassinat de M. ABOU NAAMI. Or sur intervention de hautes personnalités de l'Etat et en particulier d'un colonel des services de renseignements l'enquête a rapidement été close à nouveau.

La famille de l'inculpé a enfin pu constituer un avocat en 1997 mais  ses démarches en vue d'une réouverture de l'enquête sont restées sans suite et le parquet général de Tripoli a formellement rejeté la demande de l’avocat en date du 15/03/1997 tout en le renvoyant à solliciter une grâce pour que son client soit libéré. M. Saleh Salem HMEED s’estimant victime d’une injustice a cependant refusé de demander une grâce et a continué à revendiquer un procès équitable.

La famille a subi des harcèlements en 2007 lorsqu'elle avait pris la décision de rendre publique l'affaire de M Saleh Salem HMEED lors d'une manifestation pacifique prévue le 17 février 2007 pour dénoncer l’absence de libertés publiques et les violations des droits de l’homme dans le pays:
Après des menaces et des intimidations, une cinquantaine d’agents en tenue civile et armés ont débarqué à bord de plusieurs véhicules officiels et investi le domicile familial en brisant les portes et cassant vitres et fenêtres ; ils ont ensuite pillé littéralement les lieux en volant et emportant tous les objets de valeur.

Ils ont ensuite évacué les membres de la famille présents, y compris la mère malade et âgée la battant violemment avant d’incendier la maison à l’aide de bidons d’essence apportés à cet effet.

Fredj Saleh HMEED a pour sa part été également violemment battu avant d’être arrêté et emmené par les agents de la sécurité qui n’ont présenté aucun mandat de justice.

La mère a, dès le lendemain, déposé une plainte pénale pour agression, coups et blessures, vol et incendie volontaire contre les agents des services de sécurité devant le procureur général mais aucune suite n’a cependant été donnée à ce jour à cette plainte.

Bien au contraire le lendemain, 16 février 2007, ces mêmes services, se sont rendus dans les domiciles respectifs de ses autres enfants et ont procédé à leur arrestation et à leur conduite au siège de la direction générale des enquêtes criminelles. Ceux-ci ont été détenus séparément et dans un isolement total dans des cellules de quelques mètres carrés et sans aucun contact avec le monde extérieur.

Durant toute cette période de détention, ils ont tous été victimes d’actes de tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants de la part des agents de l’Etat. Tous rapportent notamment avoir été violemment battus sur toutes les parties du corps, menottés et pendus par les poignets. Ils ont également été obligés de manger les mains attachées durant toute cette période.

Six jours plus tard, les six frères ont été transférés à la prison d’Al Jadida où ils ont été de nouveau placés dans des cellules individuelles et se sont vus refuser tout soin médical pour les blessures occasionnées par les actes de torture que les agents leur ont infligés.
Le directeur de la prison les a personnellement informés « qu’ils étaient privés de soins médicaux sur ordre du Parquet général ».

Ce n’est que le 25 juillet 2007, soit cinq mois après le début de leur incarcération et suite à leur plainte formulée devant la cour de sûreté de l’Etat, que l’interdiction d’accès aux soins médicaux a été levée. Le médecin pénitentiaire qui les a alors examinés, n’a pas manqué de relever, plus de cinq mois après leur arrestation, les séquelles de tortures et la gravité de l’état de Ali Saleh HMEED et de Fredj Saleh HMEED auxquels il a prescrit un examen d’urgence et un suivi par un médecin spécialiste en milieu hospitalier. Il a également prescrit l’hospitalisation de M. Al Sadek Saleh HMEED, gravement traumatisé, dans un établissement psychiatrique, compte tenu de la dégradation de son état psychologique.

Toutefois, le Parquet de la Cour de la sûreté de l’Etat a refusé de tenir compte des prescriptions médicales et, de fait, ils sont restés sans suivi médical durant toute la période de leur détention.

Le 20 avril 2007, soit deux mois et quatre jours après leur arrestation, les frères HMEED ainsi que d’autres personnes arrêtées dans les mêmes circonstances pour avoir voulu participer à la même manifestation pacifique, ont été traduits devant le tribunal spécial de Tadjoura à Tripoli sous l’accusation de « planifier le renversement du gouvernement ainsi que de détention d’armes ».

Cette juridiction a cependant renvoyé l’affaire devant la Cour de sûreté Révolutionnaire le 24 juin 2007. Après des renvois d’audience successifs au cours desquelles les frères HMEED et leurs co-accusés étaient absents en raison de leur refus de comparaître en l’absence d’un minimum de garanties pour un procès équitable, ils ont finalement été condamnés par jugement du 06 avril 2008 aux peines d’emprisonnement suivantes :

- Al Sadek Saleh HMEED, Al Mahdi Saleh HMEED et Fredj Saleh HMEED à 15 années d’emprisonnement.
- Ali Saleh HMEED à 06 années et demie d’emprisonnement.
- Adel Saleh HMEED a pour sa part été acquitté.

Ils ont toutefois tous été libérés le 07 décembre 2008 sur intervention personnelle du fils du chef de l’Etat, Seif Al Islam Kaddafi.

Le 25 novembre 2009, M. Salem Saleh HMEED a également fait l’objet d’une libération après 23 ans de détention, à la suite d’une amnistie pour « raison médicale ».

Aucune enquête n’a cependant jamais été diligentée, ni sur le traitement dont a fait l’objet M. Saleh Salem HMEED et la procédure inéquitable qui a conduit à son long emprisonnement, ni sur l’agression physique des membres de sa famille et le traitement dont ils ont été victimes, ni sur l’incendie et le vol de leur maison familiale.

Les personnes responsables de ces actes, bien que notoirement connues, n’ont jamais été inquiétées. De même, aucune réparation appropriée n’a été proposée à chacune des victimes du chef des graves préjudices moraux et matériels qu’ils ont subis du fait des violations de leurs droits fondamentaux.

Le Comité des droits de l'homme est sollicité par Alkarama afin d'examiner cette affaire et d'adresser au gouvernement libyen un certain nombre de recommandations.
1. Donner suite à la demande de mesures provisoires nécessaires en priant l'Etat de ne pas inquiéter les auteurs de la Communication ou aucun membre de leurs familles pour l'action qu'ils ont mené devant le Comité des droits de l’homme.

2. Assurer un recours utile aux auteurs de la présente communication, notamment en menant une enquête approfondie et diligente tant sur l’accusation dont a fait l’objet M. Saleh Salem HMEED, du traitement subi par les membres de sa famille tant au cours de leur arrestation que durant leur détention, ainsi que la destruction par incendie de la maison familiale et sa mise à sac.

3. Informer les membres de la famille sur les résultats de l’enquête et de les indemniser de manière appropriée pour toutes les violations subies.

4. Engager des poursuites pénales contre les responsables présumés de la détention arbitraire de M. Saleh Salem HMEED en 1988 et de ses fils en 2007, ainsi que les responsables présumés de l’incendie, du vol et de l’agression physique des membres de la famille de M. Saleh Salem HMEED, de les traduire en justice et de les punir conformément aux engagements internationaux de l’Etat partie.

5. Tenir informé le Comité des droits de l’homme des mesures qu’il aura prises à la suite de ses constatations et de prendre des mesures appropriées afin que des violations analogues ne se reproduisent pas dans le futur.

6. Rendre compte, dans un délai que le Comité voudra bien fixer des suites que l'Etat aura données à ses Conclusions.