À la suite de l'action engagée par Alkarama le 11 octobre 2016, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (WGAD) a rendu l’avis 13/2020 déclarant arbitraire la détention de Mustafa Abdelkhalek Al Darsi. Il a été arrêté dans la ville de Zliten en janvier 2016 par des membres des forces RADA, à la sortie de l'une des mosquées de la ville après les prières de l'après-midi.
Le WGAD appelle le gouvernement à prendre d'urgence des mesures pour le libérer immédiatement ajoutant que le contexte mondial actuel de la pandémie de COVID-19 constitue une menace particulière dans les lieux de détention.
Le 9 janvier 2016, M. Al Darsi a été arrêté par des membres des forces RADA en tenue civile après avoir quitté la mosquée de Zliten et emmené au quartier général des forces RADA à Souk Al Jomaa, près de Tripoli. Ils n'ont présenté aucun mandat d'arrêt et n'ont donné aucune raison pour son arrestation.
Les autorités n'ont finalement reconnu la détention de M. Al Darsi que le 28 mai 2016, date à laquelle ses proches ont été autorisés à communiquer pour la première fois avec lui par téléphone. En janvier 2018, il a été transféré au centre de détention non officiel de l'aéroport de Mitiga, contrôlé par les forces du RADA. À ce jour, M. Al Darsi n'est toujours pas au courant des charges retenues contre lui et il n'a jamais été présenté devant une autorité judiciaire. En outre, il n'a jamais été autorisé à rencontrer un avocat ni eu la possibilité de contester la légalité de sa détention. Sa famille n'a plus été autorisée à lui rendre visite au cours des huit derniers mois.
Le 15 septembre 2019, le WGAD a transmis les allégations d'Alkarama au gouvernement d'accord national (GNA), lui demandant des éclaircissements sur la situation de M. Al Darsi et l'appelant à garantir son intégrité physique et mentale. Cependant, le GNA s’est abstenu à donner suite à cette demande et de répondre à la plainte d’Alkarama.
Dans sa décision, le WGAD réaffirme à titre préliminaire ses précédents avis (n ° 18/2019 et 39/2018) selon lesquels les Forces spéciales de dissuasion, milice agissant nominalement sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, doit être considérée comme une force étatique. Les experts onusiens ont considéré que ce groupe armé, agissant au nom ou avec l’appui le consentement ou l’acquiescement des autorités officielles, toutes ses actions seront considérées comme relevant de la responsabilité du gouvernement Libyen.
Le Groupe de travail a estimé que la détention de M. Al Darsi résultait clairement de l’exercice de ses droits à la liberté de pensée, de conscience, de religion et d’expression. Pour les experts de l’ONU, le fait que M. Al Darsi soit un prédicateur de la tradition malikite, considérée comme «hérétique» par les forces spéciales de dissuasion, est la seule raison de son arrestation.
La pratique, qui vise à faire taire les voix dissidentes qui ne sont pas conformes à l'idéologie Madkhali, adoptée par de nombreux membres des forces RADA, est en hausse en Libye, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH et Mission d'appui des Nations Unies en Libye «Abus derrière les barreaux : détention arbitraire et illégale en Libye»).
En outre, M. Al Darsi a été détenu au secret pendant plus de quatre mois, période au cours de laquelle il lui a été refusé tout accès au monde extérieur. Son état de santé s'est considérablement détérioré en raison du refus de soins médicaux adéquats. En outre, bien qu'il soit détenu depuis plus de quatre ans et demi, il n'a pas encore été traduit devant une autorité judiciaire ni informé des charges retenues contre lui.
À la lumière de ces éléments, le Groupe de travail a conclu que l'arrestation, la détention au secret et la privation de liberté prolongée d'Al Darsi résultaient de l'exercice légitime de ses droits à la religion et à l'expression, manquaient de fondement juridique et constituaient une violation manifeste de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la Libye, rendant ainsi sa détention arbitraire.
À ce jour, M. Al Darsi est toujours en détention, sans accès à un avocat et privé du droit de visite. Sa famille n’a pu lui parler qu’une dizaine de minutes par visioconférence il y a cinq mois reste sans aucune nouvelles de lui depuis.
Alkarama exhorte donc instamment les autorités libyennes à mettre en œuvre l'avis du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire pour libérer immédiatement M. Al Darsi et lui accorder un droit à réparation. En outre, nous insistons sur le fait que le gouvernement d'accord national devrait mettre fin aux pratiques répandues de disparitions forcées et d'arrestations arbitraires et de garantir que les forces du RADA opèrent sous contrôle judiciaire et soient responsables de leurs actes illicites. "