M. Abdul Rahman Alhaj Ali a été remis en liberté au soir du 16 mai 2018 mettant un terme à une détention autant arbitraire qu’inhumaine qui aura duré trois ans et demi. Ce dernier était détenu sous écrou extraditionnel à la prison civile de Salé depuis le 30 octobre 2014 en vue de son extradition vers l’Arabie saoudite où il risquait d’être victime de torture.
Rappel des faits
Durant les années 2000, M. Alhaj Ali s’était rendu en Arabie saoudite où il avait créé une société commerciale. Conformément à la législation locale, il l'avait enregistré, au nom d'un kafil, ou garant, saoudien. Après son retour en Syrie en 2007, il avait été arrêté et condamné le 31 mars 2009 à trois mois de prison pour abus de confiance sur la base d'une plainte déposée par son ancien garant contre lui à Riyad.
Dans le contexte de l’insurrection contre le régime de Bashar Al Assad, il a été arrêté par les services de renseignement de l'armée de l'air syrienne en 2013, puis détenu au secret et torturé en raison de sa participation à des manifestations pacifiques. Une fois libéré et craignant de nouvelles persécutions, M. Alhaj Ali s’est réfugié au Maroc en 2014 où il a déposé une demande d’asile auprès du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) à Rabat.
Le 30 octobre de la même année, M. Alhaj Ali, qui vivait alors à Kenitra, a été arrêté par la police en exécution du même mandat d’arrêt international émis par l’Arabie saoudite et écroué à la prison de Salé. Saisie d’une demande d’extradition formulée par Riyad, la Cour de cassation de Rabat décidait de son extradition contrevenant ainsi aux dispositions de la Convention contre la torture (CCT) dont le Maroc est pourtant partie.
La décision du Comité contre la torture
A la suite d’une communication urgente d’Alkarama en mai 2015, le Comité contre la torture (CAT) de l’ONU a rendu le 22 août 2016 une décision appelant les autorités marocaines à annuler la procédure d’extradition et à libérer M. Alhaj Ali. Dans sa décision, le Comité a rappelé sa préoccupation quant au recours systématique à la torture et aux mauvais traitements en Arabie saoudite et estimé qu’une telle extradition violerait l’article 3 de la CCT qui interdit formellement « d’expulser, de refouler, ou d’extrader une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».
Les autorités marocaines étaient par conséquent tenues de le libérer ou de le juger si des charges étaient portées contre lui au Maroc. Or, ces dernières se sont abstenues de mettre en œuvre les recommandations du Comité dans un délai de trois mois en prolongeant sa détention d’une manière arbitraire, tout en exerçant sur lui des pressions psychologiques afin qu’il renonce au bénéfice de la décision du Comité et qu’il accepte son extradition.
«La durée excessive de la détention dépourvue de toute base légale ainsi que les pressions exercées à l’encontre de M. Alhaj Ali ont constitué, en soi, une forme de torture psychologique et un traitement particulièrement cruel, inhumain et dégradant de la victime » a déclaré Khadidja Nemar, responsable juridique pour l'Afrique du nord à Alkarama, «M. Alhaj Ali, a droit à une compensation pour le préjudice particulièrement important qu’il a subi».
Alkarama appelle donc les autorités marocaines à garantir à M. Alhaj Ali son droit d'obtenir réparation et d'être indemnisé équitablement conformément aux Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme.
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