Dans une décision récemment rendue publique, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a appelé à la libération immédiate de Mustapha El Hasnaoui, un journaliste et défenseur des droits de l'homme marocain de 34 ans condamné le 11 juillet 2013 par la Cour de Rabat à 4 ans de prison pour « terrorisme ». Les experts de l'ONU considèrent que sa détention est arbitraire « dans la mesure où elle se fonde sur le légitime exercice de ses droits humains à la liberté de pensée, d'opinion, d'expression et de religion, ainsi que ses activités de défense des personnes persécutées en raison de leurs pensées, idéologies ou opinions ».
L'Affaire El Hasnaoui
Dans le cadre de ses activités de journaliste et de militant des droits de l'homme, Mustapha El Hasnaoui a documenté et dénoncé de nombreux cas de violations de droits dans l'homme dans le pays, en particulier dans les milieux islamistes victimes d'une vaste campagne de répression à la suite des attentats de Casablanca de 2003.
Il été arrêté à l'aéroport de Casablanca le 11 mai 2013 après avoir été refoulé par les autorités turques à Istanbul où il s'était rendu pour effectuer un reportage sur les camps de réfugiés syriens. Libéré le même jour, il a été convoqué 5 jours plus tard au commissariat de Maarif à Casablanca par la police judiciaire.
A son arrivée, il a été immédiatement arrêté et placé en garde à vue sans qu'aucun motif légal ne lui soit notifié. Il a été interrogé pendant de longues heures sur ses activités de journaliste, ses convictions politiques, ainsi que sur ses activités de défenseur des droits de l'homme et ses contacts avec les familles de détenus accusés d'appartenir à la Salafiya Djihadiya (mouvement salafiste djihadiste)
Aucune accusation claire ne lui a été notifiée et aucun fait précis ne semblait lui être reproché, sinon son refus d'accepter les propositions réitérées de la police à les informer sur les activités des personnes proches des milieux salafistes.
La garde à vue de Mustapha El Hasnaoui a duré douze jours, la durée maximum prévue par la loi, sans aucun motif légal, ni aucune nécessité liée à une enquête, qui dans son cas a été réduite à un interrogatoire, sur les convictions politiques du prévenu. Au douzième jour de détention, un officier de la police judiciaire lui a assuré que la procédure était terminée, qu'aucun fait ne lui était finalement reproché et qu'il serait libéré après avoir signé le procès verbal d'audition lui assurant que ses déclarations avaient été fidèlement notées. Très affecté par sa longue détention en garde à vue et pressé par l'officier d'apposer son paraphe, il a finalement accepté de signer sans relire le contenu du document.
Il a donc été surpris de se voir présenter le même jour devant le procureur du Roi du tribunal de Salé le 27 mai 2013. Bien qu'aucun fait établi ne lui ait été imputé, le juge d'instruction a cependant, contre toute attente, décidé de l'inculper de « constitution de bande criminelle en vue de commettre des actes terroristes dans le cadre d'une entreprise collective visant l'atteinte grave à l'ordre public par l'intimidation, la terreur ou la violence » et ordonné sa détention préventive à la prison de Salé.
Cette accusation est d'autant plus étonnante qu'aucune autre personne que Mustapha El Hasnaoui n'est citée ou poursuivie dans cette affaire de prétendue « bande criminelle » agissant dans le cadre « d'une entreprise collective » et qu'aucun fait précis punissable n'a été établi tant au cours de l'enquête de police que pendant l'instruction judiciaire.
Mustapha El Hasnaoui a ainsi été déféré devant la cour d'appel de Rabat le 11 juillet 2013. Lors de l'audience, il a nié avoir commis les faits qui lui ont été reprochés et a justifié ses relations avec les milieux salafistes par ses activités de défenseur des droits de l'homme et de journaliste préoccupé par cette thématique.Malgré ces explications, et sans qu'aucun élément matériel ne vienne étayer ou confirmer les charges pesant contre lui, il a été condamné à quatre ans de prison ferme.
Ce qu'en disent les experts de l'ONU
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire considère que Mustapha El Hasnaoui est détenu arbitrairement, notamment en raison de l'exercice légitime de son droit à la liberté d'expression et pour avoir défendu les droits de personnes persécutées pour leurs opinions.
Les experts affirment qu'il a été victime de graves violations de ses droits fondamentaux et qu'il n'a pas bénéficié de procès équitable. Ils n'excluent pas que les mesures de persécution dont il a été victime soient liées aux contacts qu'il a établis avec des personnes liées au mouvement salafiste.
Le Groupe de travail ajoute : « les accusations formulées contre M. El Hasnaoui ne font référence à aucune activité violente et encore moins terroriste. Aucun acte de terrorisme ne [lui a] été imputé. Ses activités de défense des droits de l'homme, ainsi que ses activités comme intellectuel et journaliste semblant être parfaitement licites ».
Alkarama appelle les autorités marocaines à mettre en œuvre la décision du Groupe de travail des Nations Unies en libérant immédiatement Mustapha El Hasnaoui et en lui accordant une réparation adéquate pour le grave préjudice subi du fait de sa privation arbitraire de liberté.