Le 15 octobre 2015, Alkarama a pris part à un briefing de pré-session organisé par la délégation de l'Union européenne auprès des Nations Unies, en vue de la 23ème session de l'examen périodique universel (EPU) de la Mauritanie qui aura lieu entre le 2 et 13 novembre 2015. Alkarama a fait part de ses principales préoccupations et recommandations en mettant l'accent sur la pratique de la torture et les mauvaises conditions de détention, le manquement des autorités en matière de justice transitionnelle, et la persécution des défenseurs des droits de l'homme.
La lutte contre le terrorisme ne peut justifier l'usage de la torture
Alkarama a rappelé aux 23 États européens présents que la torture et les mauvais traitements constituent encore une question d'actualité en Mauritanie où d'importants manquements aux Règles minima pour le traitement des détenus ont été relevés. En effet, les conditions de détention restent déplorables dans le milieu carcéral où les détenus continuent à dormir à tour de rôle, faute de lits suffisants, et ne bénéficient pas d'accès aux soins et à une alimentation suffisante.
Par ailleurs, si la Mauritanie a bien mis en œuvre la recommandation faite par la France de ratifier le Protocole facultatif (OPCAT) se rapportant à la Convention contre la torture (UNCAT), le mécanisme national de protection (MNP), créé en 2012 par le Ministère de la Justice en vertu de ce protocole, manque encore d'indépendance. Il a en effet été confié en 2014 à l'Institution nationale pour les droits de l'homme (INDH) mauritanienne, la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), dont la crédibilité reste encore à être démontrée, comme l'a souligné le rapporteur pour la Mauritanie auprès du Comité contre la torture (CAT) le 13 mai 2013, « la composition de la délégation de l'État partie montre qu'il y a encore une confusion entre les responsabilités qui incombent à l'État en matière de protection contre la torture et celles d'autres parties telles que les institutions nationales des droits de l'homme ».
Alkarama a également déploré la persécution des défenseurs des droits de l'homme et les atteintes à la liberté d'expression et la liberté d'association garanties dans l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Un exemple est celui du militant anti-esclavagiste, Biram Dah Abeid, arrêté le 11 novembre 2014 alors qu'il participait à une manifestation pacifique afin de sensibiliser la population à la nécessité de lutter contre cette pratique.
Justice transitionnelle et devoir de mémoire
Durant le briefing de pré-session, Alkarama a particulièrement insisté sur les nombreux crimes commis contre les négro-mauritaniens entre 1986 et 1991 − arrêtés et violemment torturés, plusieurs d'entre eux exécutés dans des circonstances particulièrement cruelles. La société civile locale estime aujourd'hui à 3'000 le nombre d'individus arrêtés et torturés durant cette période.
Aujourd'hui encore, la dénonciation de ces crimes et l'impunité de leurs auteurs continue d'être systématiquement réprimée par les autorités. Tel a ainsi été le cas d'Abderrahmane Ould Ahmed qui avait survécu en 1991 à sa détention au sein de la garnison tristement célèbre d'Inal, au nord du pays, arbitrairement arrêté une nouvelle fois le 25 juin 2015. Alkarama a appelé les États membres de l'UE à faire pression sur les autorités pour que la lumière soit faite sur cette période particulièrement tragique de l'histoire mauritanienne.
Principales recommandations d'Alkarama :
Ainsi, lors du briefing, Alkarama a proposé les principales recommandations aux autorités pour aller dans le sens d'une amélioration des droits de l'homme dans le pays:
- Se doter d'un mécanisme de protection indépendant (MNP) et mettre l'institution nationale des droits de l'homme (CNDH) en totale conformité avec les Principes de Paris ;
- Amender le code pénal pour que la torture soit reconnue comme un crime séparé, et supprimer toute mention de circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier son emploi ;
- Assurer la conformité des conditions de détention aux standards du droit international notamment aux Règles minima pour le traitement des détenus ;
- Garantir le respect de la liberté d'association, d'expression et de réunion pacifique ;
- Faire la lumière sur les violations commises entre 1986 et 1991, poursuivre les auteurs de ces violations et indemniser les victimes ou leurs ayants-droit de manière adéquate.
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