Le 3 novembre 2015, Alkarama a assisté au deuxième cycle d'Examen périodique universel (EPU) de la Mauritanie qui s'est tenu au Conseil des droits de l'homme (CDH) à Genève. Le Ministre de la justice mauritanien Brahim Ould Daddah a eu l'occasion de défendre devant les États membres des Nations Unies leur second rapport national et d'évoquer les avancées majeures en matière de droits de l'homme conduites par les autorités depuis 2010. Le Ministre a également répondu aux nombreuses recommandations faites par un certain nombre d'États qui se sont concentrées sur l'abolition de la peine de mort, la pratique de la torture en détention, et la persistance de l'esclavage.
La Mauritanie doit mettre en œuvre les traités internationaux qu'elle a ratifiés
Si de nombreux pays ont félicité les efforts menés par la Mauritanie dans son processus de ratification des traités internationaux des droits de l'homme − tels que le Protocole facultatif (OPCAT) se rapportant à la Convention de l'ONU contre la torture (UNCAT), ainsi que la Convention Internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICPPED) − ils ont également exhorté la Mauritanie à maintenir le moratoire de fait sur l'application de la peine de mort en place depuis 1987 en vue de parvenir à son abolition − en ratifiant dans ce sens le Deuxième protocole facultatif (OP2 PIDCP) se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Malgré les récents engagements pris au niveau international, des résultats concrets se font toujours attendre sur le terrain. Dans ce sens, les autorités ont été invitées à mettre en conformité le droit interne avec le droit international. L'Australie a notamment soulevé l'absence, dans la législation pénale, d'une définition de la torture conforme à l'article 1 UNCAT. Ce vide juridique rend difficile l'éradication de cette pratique encore très largement répandue. Par ailleurs, le mécanisme national de protection (MNP) mis en place en 2012 suite à la ratification de l'OPCAT, manque encore d'indépendance selon le représentant français. M. Ould Daddah a répondu à cette intervention en expliquant qu'un nouveau mécanisme « indépendant » serait très prochainement mis sur pied dans le cadre de la nouvelle loi « anti-torture » adoptée par le Parlement en août 2015.
« L'esclavage n'existe plus en Mauritanie »
C'est ce qu'a affirmé M. Ould Daddah dans sa réponse aux États qui ont rappelé que l'esclavage restait une pratique persistante. Ce dernier a répondu à ces critiques en affirmant que l'esclavage avait disparu de fait suite à son abolition en 1981 et de sa qualification de crime contre l'humanité dans une loi promulgué par le parlement le 12 août 2015. Il a préféré parler de cas « récalcitrants » en expliquant que la pauvreté et le manque d'éducation étaient à la source de ces cas isolés. Il a rappelé que gouvernement avait établi une feuille de route pour éradiquer le phénomène avant 2016. Selon le Global Slavery Index (GSI), la Mauritanie était en 2014 le pays le plus marqué par des formes modernes de l'esclavage affectant pas moins de 4% de la population. Comme il a été rappelé durant cette session, les agents de l'État disposent d'une législation adéquate qui pourrait résoudre ce problème. Cependant les persécutions touchant les figures du mouvement anti-esclavagiste tel que Biram Dah − président et fondateur de l'ONG Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) – ne sont pas propices à l'optimisme, d'autant que les condamnations contre les esclavagistes sont très rares.
Alkarama regrette que certaines problématiques n'aient pas été suffisamment abordées dans le cadre de ce second examen à savoir: la question de l'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme de Mauritanie (l'Institution nationale des droits de l'homme mauritanienne), les conditions inhumaines de détention dans les prisons, et le manquement des autorités en matière de justice transitionnelle sur les nombreux crimes commis contre les négro-mauritaniens entre 1986 et 1991.
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