Lors de l'examen du cinquième rapport périodique de la Tunisie (CCPR/C/TUN/5) les 17 et 18 mars 2008, le Comité des droits de l'homme avait demandé dans ses Observations finales (CCPR/C/TUN/CO/5) au gouvernement tunisien de lui fournir des informations dans le délai d'une année à propos de quatre de ses recommandations. Alkarama a dans ce cadre présenté au Comité une contribution avec des précisions sur deux des quatre recommandations dont le suivi a été demandé (Recommandations 11 et 20).
Tunisie
Suivi des recommandations du Comité des droits de l'homme
Alkarama for Human Rights, 11 mars 2009
1. Introduction
Lors de l'examen du cinquième rapport périodique de la Tunisie (CCPR/C/TUN/5) à ses 2512e, 2513e et 2514e séances, les 17 et 18 mars 2008, le Comité des droits de l'homme avait demandé dans ses Observations finales (CCPR/C/TUN/CO/5) au gouvernement tunisien de lui fournir des informations dans le délai d'une année à propos de quatre de ses recommandations.
Alkarama concentre ses activités sur quatre domaines prioritaires, la détention arbitraire, la torture, les disparitions forcées et involontaires et les exécutions extrajudiciaires. Nous basons essentiellement nos activités sur la communication de cas individuels aux procédures spéciales et aux organes conventionnels des Nations Unies ainsi que sur nos contacts avec les acteurs locaux y compris les victimes, leurs familles, les avocats et les défenseurs des droits de l'homme.
Notre organisation souhaite, à travers cette contribution, fournir au Comité des précisions sur deux des quatre recommandations dont le suivi a été demandé (Recommandations 11 et 20).
Notre organisation saisit également cette occasion pour attirer l'attention du Comité sur les engagements volontaires pris par le gouvernement tunisien au cours de son examen périodique universel (UPR) en avril 2008.
Ainsi, il résulte des dits engagements que l'Etat partie a affirmé sa volonté de recevoir les rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme, de présenter en 2008 son troisième rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du dégradants (CAT).
Il a également fait part de sa décision de créer une instance auprès du Coordonnateur général des droits de l'homme en charge du suivi des recommandations des organes des traités en vue de favoriser leur mise en œuvre effective.
Il est cependant utile de relever qu'à ce jour, le gouvernement tunisien n'a pas mis en œuvre ces engagements volontaires. Ainsi, il n'a toujours pas envoyé une invitation au Rapporteur spécial sur la torture, malgré sa demande formulée en 1998 et réaffirmée en 2005, 2006 et 2007. Il n'a pas non plus cru devoir fournir son 3e rapport périodique au Comité contre la torture, qui accuse 12 années de retard (1997).
Enfin, le gouvernement tunisien n'a toujours pas rendu publiques à ce jour les Observations finales du Comité, et selon nos informations, n'a pas encore créer d'instance auprès du Coordonnateur général des droits de l'homme chargée d'assurer le suivi des recommandations formulées par les organes conventionnels afin d'en favoriser l'application effective.
2. Recommandation 11(a) sur la torture
La recommandation 11(a) précise que " l'État partie devrait garantir que toutes les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants font l'objet d'enquêtes, menées par une autorité indépendante, et que les responsables de tels actes, y compris leurs supérieurs hiérarchiques, sont poursuivis et sanctionnés et que les victimes reçoivent une réparation y compris une indemnisation adéquate. "
Bien que les autorités tunisiennes affirment que certains agents de l'Etat, coupables d'actes de torture, ont été poursuivis et condamnés, il faut relever avec Mme Christine Chanet, experte du Comité des droits de l'homme, comme indiqué dans le record médiatique, que les réponses apportées aux questions relatives à la torture ne sont pas satisfaisantes. " La Tunisie nie le phénomène de la torture, a-t-elle dit. Lorsque l'on nie le phénomène, on n'apporte pas les éléments de prévention qui permettraient de s'en éloigner… " Effectivement, le rapport périodique n'utilise que rarement le terme de " torture " et préfère le concept vague et indéfini d'" abus d'autorité ". En conséquence, les quelques 400 agents qui auraient été sanctionnés entre 1988 et 2005 peuvent l'avoir été pour d'innombrables raisons, les chefs d'accusation n'étant pas mentionnés dans le rapport. Une vingtaine d'entre eux auraient été révoqués pour " violence ", terme tout aussi imprécis.
Dans leur rapport présenté au Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'Examen périodique universel qui a eu lieu le 8 avril 2008, les autorités tunisiennes donnent quelques exemples plus concrets en dénombrant 205 procédures qui auraient été instruites contre des agents de l'ordre et de l'administration pénitentiaire par les juridictions tunisiennes pour la période 2000-2007, parmi lesquelles 8 pour " usage de violence envers un accusé pour obtenir des aveux " et 2 pour " détention et séquestration arbitraire ", les autres 195 qualifications étant imprécises.
Depuis l'adoption de la loi contre le terrorisme le 10 décembre 2003, les cas d'arrestations abusives, de détentions arbitraires et de torture se sont multipliés. Cette loi restreint fortement les libertés d'expression, de réunion et d'association et la définition légale de la notion de terrorisme permet en pratique la poursuite de toute activité politique pacifique sous cette qualification.
Cette loi instaure le principe de la " justice " dite préventive. Les agents de la Direction de la sûreté de l'Etat (DES) sont munis de pouvoirs exceptionnels en matière de police judiciaire, étendus à tout le territoire. Ils peuvent agir anonymement, ce qui rend l'identification par les victimes et le dépôt de plaintes encore plus difficile. Malgré ces énormes difficultés, de nombreuses victimes témoignent des tortures qu'elles ont subies et de nombreux tortionnaires ont pu être identifiés.
Mais il faut aussi relever que l'appareil judiciaire fait tout pour occulter les plaintes pour tortures. Il est connu de tous les magistrats que très souvent les aveux enregistrés dans les procès-verbaux d'interrogatoire ont été extorqués sous la torture. Les juges ne veulent pas entendre parler de tortures, ils interdisent en cours d'audience de jugement aux suspects de s'exprimer ou de montrer les traces des violences subies. Les juges refusent de donner acte aux victimes ou à leurs avocats de leurs déclarations et ces témoignages ne sont pas consignés dans les PV d'audience.
Les plaintes des prévenus devant le parquet au moment de la présentation ne sont pas prises en compte, en conséquence aucune enquête n'est diligentée.
Il est également parfois très difficile pour une victime de tortures de s'exprimer publiquement sur les sévices subies devant un tribunal. Les agents de la police politique sont toujours présents lors des procès ce qui accentue la pression à la fois sur ces derniers et sur les magistrats.
L'affaire de Soliman
L'affaire, largement médiatisée des évènements de Soliman, illustre bien la question de la pratique généralisée de la torture en Tunisie.
Fin 2006 et début 2007, dans la ville côtière de Soliman, à une trentaine de km de Tunis, des affrontements armés ont opposé les forces de police, de gendarmerie et de l'armée à un groupe armé. Officiellement, 12 hommes en arme et deux membres des forces de sécurité auraient trouvé la mort. Après la neutralisation des hommes armés, des arrestations massives ont eu lieu en particulier parmi les jeunes fréquentant les mosquées dans différents villages et villes de la Tunisie. Plus d'un millier de personnes qui n'avaient de toute évidence aucun rapport avec ces évènements on été interpellées, des perquisitions illégales de jour comme de nuit ont eu lieu, les familles de suspects ont été harcelées, des centaines de personnes ont été gravement torturées entraînant pour certains des séquelles permanentes.
Des personnes enlevées ont été tuées ou sont décédées sous la torture. Elles ont été enterrées discrètement sans que leur famille ne puisse intervenir. Jusqu'à ce jour, le nombre de personnes exécutées sommairement ou décédées sous la torture n'est pas connu. Mais surtout, de nombreuses personnes arrêtées avant ou après les affrontements de Soliman ont été impliquées par les autorités dans ceux-ci, justifiant ainsi leur mort ou leur arrestation : " Hassanine El Ifa, 26 ans, a été enterré le 13 janvier à 5 heures du matin. Sa famille a été invitée par la police de Sousse Sud à venir reconnaître le corps au cimetière de la ville où un important dispositif policier entourait la tombe. Les membres de la famille ont pu voir leur fils dont le corps, recousu verticalement, semblait avoir subi une autopsie. Et ils ont pu constater des traces de traumatismes sur ses jambes. Hassanine El Ifa avait disparu depuis un mois et demi dans des conditions obscures et sa famille n'avait plus eu de ses nouvelles. "
30 prévenus ont été jugés un an plus tard. Tous ont été détenus au secret pendant plusieurs semaines et sauvagement torturés. Tous ont rapporté à leurs avocats que les aveux avaient été extorqués sous la torture et qu'ils n'avaient pas eu le droit de lire les procès verbaux de la police. Quelques uns ont même du signer des feuilles blanches. Certains ont témoigné des tortures subies lors de leur procès. Après leur présentation devant le juge d'instruction en l'absence de leurs avocats, ils ont déclaré avoir subi des tortures dont ils portaient d'ailleurs encore des traces visibles ; celui-ci a refusé de prendre en compte leurs déclarations et à fortiori d'ouvrir une enquête. Ils ont ensuite été emprisonnés à la prison civile d'El Mornaguia et soumis à un traitement spécial : Enchaînés, privés de lit et de couverture, soumis à des violences quotidiennes sous formes de bastonnades. Les violences étaient à tel point insupportables qu'ils ont entamé le 15 octobre 2007 une grève de la faim qui s'est soldée par un passage à tabac général après avoir été déshabillés.
Le 21 novembre 2007, les avocats ont appris que le procès aurait lieu sans qu'ils aient été informés. Le 15 décembre 2007, lorsque les avocats ont demandé un report d'audience pour permettre de préparer la défense de leurs clients dont ils contestaient les dates d'arrestation figurant dans les dossiers, la brigade d'intervention rapide est intervenue et a battu les inculpés en pleine salle de tribunal devant la Cour. Celle-ci n'est pas intervenue, n'a pas interrompu l'audience et aucune mesure n'a été ordonnée par le président de la juridiction.
Dans un procès qualifié d'inéquitable par les avocats et les défenseurs des droits de l'homme, tous les accusés ont été condamnés á de lourdes peines parmi lesquelles plusieurs peines de mort et de prison à perpétuité. Les condamnations se basaient principalement sur des aveux extorqués sous la torture. En appel quelques peines ont été allégées mais restent très lourdes.
Le cas de M. Wael Ammami est un autre exemple de ces violations. M. Wael Ammami a été arrêté le 23 décembre 2006 mais son dossier judiciaire indique la date du 19 janvier 2007, ce qui a permis de l'impliquer directement dans les affrontements de Soliman. Il a été conduit directement au ministère de l'Intérieur à Tunis. Avant son arrestation, il avait fait l'objet d'un harcèlement policier quotidien: il a été interpellé à plusieurs reprises en pleine rue au motif qu'il portait la barbe, malmené, maltraité et il lui a été interdit de fréquenter la mosquée. Il priait chez lui et s'était rasé la barbe. Les harcèlements ont cependant continué. Durant sa détention au ministère de l'Intérieur, il a subi pendant près d'un mois différentes tortures : suspension, position du "poulet rôti", coups de bâton en caoutchouc et coups de matraque sur toutes les parties du corps, falaqa (Coups de bâton ou de tuyau en caoutchouc sur la plante des pieds)… On lui a introduit un bâton dans l'anus et il a été brûlé avec des cigarettes sur différentes parties de son corps. M. Ammami a été menacé du viol de sa mère et de sa sœur s'il ne reconnaissait pas sa participation aux affrontements de Soliman ! Plus d'un an après son incarcération, il a perdu l'usage de son oreille gauche et porte encore les traces de brûlures et de coups sur son bras droit. Il n'a jamais été soigné malgré ses demandes répétées. Le 30 décembre 2007, il a été condamné à perpétuité par la 4e chambre du tribunal de première instance de Tunis, après avoir été battu en pleine audience par des agents de la Brigade d'intervention rapide lors de l'audience du 15 décembre. La date de son arrestation a été falsifiée et M. Ammami a signé le PV de police sous la menace et sans la possibilité de le lire. Cette condamnation à perpétuité a été confirmée en appel le 20 février 2008.
L'affaire Gafsa
Une des affaires judiciaires les plus symptomatique illustrant l'absence d'enquête indépendante suite à des allégations de torture est celle ayant fait suite aux évènements qui se sont déroulés dans le bassin minier de Gafsa durant l'année 2008. Après l'annonce des résultats du concours de recrutement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa, principal moteur économique de la région, les habitants de la région (Redayef, Metlaoui, Oumlarès, M'dhilla…) ont déclenché à partir du 5 janvier 2008 un mouvement de protestation pacifique contre la fraude constatée qui s'est transformé en une contestation générale contre la marginalisation économique de la région où le chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
Ce mouvement pacifique, bien organisé et bénéficiant d'un soutien très large de l'opinion publique et d'organisations locales et nationales a duré près de 6 mois, enchaînant manifestations, sit-in, grèves. Plusieurs négociations avec des représentants de l'autorité locale et nationale ont échoué. Celle-ci a déclenché une répression brutale se soldant par l'arrestation de nombreuses personnes notamment parmi les dirigeants de ce mouvement social. Mais surtout, ces personnes, alors même qu'elles bénéficiaient d'une certaine visibilité, ont été gravement torturées.
L'intervention de la police et de l'armée s'est soldée par la mort de trois jeunes manifestants dont deux par balles et près de 200 arrestations de citoyens qui ont subi des tortures et ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Le 4 décembre 2008 s'ouvrait le procès de 38 personnes contre lesquelles de graves accusations étaient portées : " adhésion à ?une bande en vue de perpétrer des agressions à l'encontre de personnes et de propriétés, participation à une rébellion provoquée par plus de dix personnes avec usage d'armes et durant laquelle il y a eu agression d'un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, distribution de tracts destinés à susciter ?des troubles publics… " De lourdes peines ont été prononcées contre certaines d'entre elles (10 ans de prison pour 7 d'entre elles, 6 ans pour 11 autres, etc.).
Le 11 décembre 2008, Le juge a clos de manière expéditive un procès inéquitable qui n'a duré que quelques heures et n'a pas respecté les règles élémentaires du droit. Les avocats des accusés ont relevé le rejet systématique de leurs demandes d'expertise médicale pour faire constater les tortures subies par leurs clients, le refus d'auditionner des témoins, de vérifier les dates des arrestations qui avaient été falsifiées dans les enquêtes au niveau de la police, etc.
L'audience en appel à laquelle ont assisté de nombreux observateurs étrangers a pu être transformée par les accusés en un procès de la torture. Durant celle-ci, ils ont décrits les sévices subis. Quant à leurs avocats, ils ont axé leurs plaidoiries sur les irrégularités procédurales flagrantes (aveux extirpés sous la torture pour la plupart des accusés, falsification évidente des PV, non convocation des témoins à décharge, absence de confrontation avec les témoins à charge, etc.) et l'inexistence de charges réelles à l'encontre des accusés. Mais le juge n'en a pas pris compte et les inculpés ont vu leurs peine revue légèrement à la baisse, deux d'entre elles s'élevant à 8 ans de prison, deux autres à 6 ans, etc.
3. Recommandation 20 sur les défenseurs des droits de l'homme
La recommandation 20 précise que " l'État partie devrait prendre des mesures pour mettre fin aux actes d'intimidation et de harcèlement et respecter et protéger les activités pacifiques des organisations et défenseurs des droits de l'homme. Les informations faisant état d'actes d'intimidation et de harcèlement devraient faire rapidement l'objet d'enquêtes. L'État partie devrait veiller à ce que toute restriction imposée au droit de réunion et manifestation pacifique soit compatible avec les dispositions des articles 19, 21 et 22 du Pacte. "
Dans le cadre de l'Examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme Alkarama avait soumis un rapport dans lequel elle relevait les graves atteintes aux libertés. Elle constatait que " les défenseurs des droits de l'homme subissent de continuels harcèlements pouvant aller jusqu'à des agressions physiques de la part de la police politique. Certains d'entre eux vivent avec leurs familles sous une surveillance permanente, les lignes téléphoniques écoutées et les connexions Internet perturbées ou coupées. Leurs associations ne peuvent pas organiser de rencontres publiques, les personnes se rendant dans leurs locaux sont interceptées et intimidées par des policiers en civil, etc.
Les journalistes quant à eux travaillent dans une atmosphère de peur. Les journaux étrangers sont censurés et les journalistes critiquant le gouvernement menacés de licenciement, harcelés ou victimes de campagnes de dénigrement. Ils ne peuvent organiser de réunions ou couvrir les activités d'organisations indépendantes susceptibles de critiquer le gouvernement ou le Président.
La liberté religieuse est aussi fortement restreinte. Les femmes portant le hijab et les hommes barbus, habillés de vêtements islamiques (qamis) sont systématiquement harcelés. Un décret ministériel des années 80 avait interdit aux femmes voilées de travailler dans des institutions scolaires ou pour le gouvernement. Il est toujours en vigueur. Des policiers en civil les agressent physiquement en leur arrachant par exemple le voile dans la rue. "
Tout au long de l'année 2008, les harcèlements de défenseurs des droits de l'homme, journalistes et des opposants politiques pacifiques n'ont pas cessé. Ici quelques exemples :
Le 3 mars 2008, M. Omar Mestiri et Mme Sihem Bensedrine, tous deux journalistes et défenseurs des droits humains, ont été arrêtés à la douane du port de Tunis alors qu'ils rentraient d'un séjour en Europe. Des agents de la sûreté de l'Etat ont exigé de contrôler le contenu de leurs ordinateurs portables. Suite à leur refus en l'absence d'un mandat du procureur de la République, les douaniers leur ont demandé de les suivre pour une formalité administrative. Arrivés dans un bureau, ils ont été enfermés. Les policiers présents les ont frappés, ont déchiré leurs sacs et leurs vêtements et se sont accaparés des ordinateurs. Le contenu de leurs portables a été copié et de nombreux documents confisqués. Après 6 heures de détention, ils ont été autorisés à quitter les locaux de la douane.
Au mois d'avril 2008, M. Taoufik Ben Brik, journaliste et membre fondateur du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a continué de subir les harcèlements des agents de la police politique. La voiture de son épouse, Mme Azza Zarrad, a été saccagée, lui même a subi des menaces à l'encontre de sa famille.
A la même période, Me Radhia Nasraoui, avocate et présidente de l'association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT) a été menacée par une trentaine d'agents de la police de lui " casser la figure ... encore une fois ". Elle a été forcée de monter dans sa voiture, qui a été endommagée par leurs coups, puis elle a été suivie en moto et en voiture jusqu'à son cabinet. Le 26 avril 2008, sa ligne téléphonique et son accès Internet ont été coupés, au lendemain d'une conversation téléphonique avec des journalistes étrangers.
Le 8 octobre 2008, le site du journal en ligne Kalima a été piraté et vidé de son contenu. Le 27 octobre, Mme Néziha Rjiba, rédactrice en chef de Kalima, a été convoquée devant le Procureur de la République après avoir mis en cause les services tunisiens suite à la destruction du site web de Kalima. M. Dhafer Otay, coordinateur de Radio Kalima, et Mme Faten Hamdi, journaliste à Radio Kalima, ont également été interpellés et violentés par des policiers au cours du mois de novembre 2008. Le 10 décembre 2008, M. Lotfi Hidouri, secrétaire de rédaction de l'édition écrite du journal, a été interpellé à l'aéroport de Tunis alors qu'il se rendait au Forum de la presse arabe à Beyrouth.
Alkarama a de son côté informé le 19 décembre 2008 le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression de l'arrestation le 3 décembre 2008 du Dr Sadok Chourou, président du mouvement politique Al Nahdha, qui venait tout juste d'être libéré le 5 novembre après 18 ans d'emprisonnement. Personnalité politique particulièrement connue en Tunisie et dans le monde arabe, le Dr Chourou avait été sollicité par de nombreux médias. Il a accordé plusieurs interviews par téléphone, dont l'une à la chaîne de télévision arabe Al Hiwar le 1er décembre 2008 au cours de laquelle il a abordé la question des libertés civiles et politiques dans son pays ainsi que les conditions de sa détention.
Condamné en 1992 à la prison à vie il avait été libéré le 5 novembre 2008, après 18 années d'emprisonnement, à la suite d'une grâce accordée par le gouvernement à 21 membres du mouvement Al Nahdha à l'occasion du 21ème anniversaire de l'accession au pouvoir du président Zine Ben Ali en 1987.
Le 21 novembre suivant, son domicile à Mornag (30 km au sud de Tunis) a fait l'objet d'une perquisition policière et le Dr Chourou a été interpellé durant toute la journée en raison de la réception organisée par sa famille pour fêter sa libération. La réception a été interdite par la police qui a procédé au quadrillage de tout le quartier et a empêché par la force et la menace les invités, dont des militants des droits de l'homme, de s'y rendre.
Il a de nouveau été arrêté le décembre 2008 à 16 heures 30. Son domicile a été investi par une dizaine d'agents des services du ministère de l'intérieur qui l'ont emmené de force vers une destination inconnue sans présenter ni mandat d'arrêt ni motifs de son arrestation. Emmené au siège des services du ministère de l'intérieur, il a été contraint à rester deux journées entières assis sur un tabouret dans une petite cellule exiguë, dépourvue de toute commodité. Entendu par les services de sécurité dans le cadre de l'enquête préliminaire, il a été interrogé à propos de ses interviews et de ses déclarations aux médias.
Il a été présenté devant le tribunal de 1ère instance de Tunis le 05 décembre 2008 à l'issue de sa garde à vue sous l'accusation d'avoir repris ses activités politiques et d'avoir parlé au nom d'un mouvement interdit. Il a été inculpé en vertu de l'article 30 du code des associations qui réprime " la participation, le maintien et la restructuration d'organisations non agréées ". Le Dr Sadok Chourou a cependant été condamné à une peine d'une année d'emprisonnement ferme par jugement rendu le même jour.
4. Conclusion
Alkarama espère que les informations fournies dans le présent mémoire seront utiles dans le suivi des Recommandations 11 et 20 des Observations finales du Comité. Nous restons à la disposition de M. le Rapporteur spécial sur le suivi dans le cas où le Comité souhaiterait obtenir des informations relatives aux questions soulevées dans cette communication, ou pour toute autre question.
Notre organisation continuera à surveiller le respect par le gouvernement tunisien de ses obligations en vertu du PIDCP, et en particulier la mise en œuvre des Observations finales du Comité qui ont trait à notre domaine d'activité. Nous nous efforcerons de continuer à soumettre des informations écrites au Comité dans la perspective de contribuer à la mise en œuvre et au développement des droits de l'homme en Tunisie.