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الإعدامات السياسية في اليمن

Alkarama, SAM - organisation non gouvernementale (ONG) - et d’autres organisations yéménites et internationales de défense des droits humains ont lancé un appel urgent aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies afin qu’elles interviennent pour mettre fin aux procès des détenus politiques au Yémen.

Les organisations ont exhorté les procédures spéciales à intervenir pour mettre fin aux procès politiques contre les détenus du groupe armé « Ansar Allah » et - dans une moindre mesure - d’autres parties au conflit. La déclaration appelle l’ONU à s’impliquer davantage dans la lutte contre la détention arbitraire pratiquée par toutes les parties au conflit.

Les ONG ont noté que le nombre croissant de détenus politiques - détenus pour avoir exprimé leurs opinions ou sur la base de leur sexe - devant les tribunaux est préoccupante, compte tenu en particulier, de la fragilité du système judiciaire et sa fragmentation entre les parties au conflit.

Les organisations ont ajouté que les parties au conflit recourent aux tribunaux pour poursuivre les opposants et utilisent une propagande massive pour créer des accusations (trahison, mercenaire, collaboration avec « l’ennemi », atteinte à la souveraineté de la patrie et déstabilisation) afin de liquider moralement les opposants et à les discréditer devant l’opinion publique dans l'attente de leur procès qui se soldent de peines sévères telles que la peine de mort, la privation de liberté et la confiscation des fonds.

Les organisations cosignataires ont exhorté les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à intervenir de toute urgence en condamnant les procès politiques de dizaines de défenseurs des droits humains, de journalistes, d’universitaires et de détenus politiques détenus au Yémen et en condamnant les exécutions extrajudiciaires.

Les ONG ont appelé à l’abolition des condamnations à mort contre les Yéménites détenus arbitrairement et condamnés à mort sans procès équitable et ont exhorté les autorités d’Ansar Allah à mettre fin au recours aux exécutions arbitraires, aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées, qui constituent des violations flagrantes du droit international.

Les organisations cosignataires ont demandé à la communauté internationale de mettre en place un mécanisme d’enquête à vocation criminelle et d’autoriser l’établissement de dossiers à l’usage des autorités compétentes en matière de poursuites.

Contenu de la déclaration :

Depuis le début de la guerre en 2014, le Yémen a été impliqué par toutes les parties au conflit dans de graves violations des droits fondamentaux des Yéménites.

Les organisations cosignataires affirment la gravité des procès de détenus politiques qui se déroulent au Yémen sur la base de l’opinion, de l’expression et du sexe.Les organisations soulignent également l’impact significatif de ces procès sur les libertés politiques dont le droit à la liberté d’expression ou encore le droit à un procès équitable et impartial, et affirment que ces procès représentent un obstacle au processus de paix.

Les organisations soulignent la détérioration de la situation des droits humains au Yémen, la communauté internationale ne prenant de mesures plus strictes pour obtenir et promouvoir la justice et l’obligation de rendre des comptes. L’enquête croissante sur les détenus politiques -détenus pour avoir exprimé leurs opinions ou sur la base du sexe- est préoccupante, compte tenu en particulier de la fragilité et de la fragmentation du système judiciaire entre les parties au conflit.

En fait, les parties au conflit recourent aux tribunaux pour poursuivre les opposants et utilisent une propagande massive pour créer des accusations (trahison, mercenaire, collaboration avec « l’ennemi », atteinte à la souveraineté de la patrie et déstabilisation) afin de liquider moralement les opposants et à les discréditer devant l’opinion publique dans l'attente de leur procès qui se soldent de peines sévères telles que la peine de mort, la privation de liberté et la confiscation des fonds.

Selon le secrétaire général de l’ONU, le droit international « fixe des conditions très strictes pour l’application de la peine de mort, y compris l’obligation de respecter les normes d’équité des procès et de procédure régulière. L’exécution de mineurs délinquants est également catégoriquement interdite, quelles que soient les circonstances et la nature du crime commis. Dans le contexte d’un conflit armé, procéder à des exécutions sans garanties judiciaires constitue une violation du droit international humanitaire et un crime de guerre. »

Les informations transmises par les victimes survivantes et les avocats spécialisés dans la défense des détenus confirment que ce qui se passe à l’intérieur des tribunaux vide la justice de son contenu. Certains ont évoqué la condamnation à mort ou à des peines sévères par le Tribunal pénal spécial de Sanaa, par exemple, de détenus portés disparus depuis des années dans des prisons privées, et à travers des procédures qui ne respectent pas les normes minimales d’équité des procès. 

Par exemple, en décembre dernier, le Tribunal pénal spécial pour les affaires de terrorisme – affilié au groupe Ansar Allah Houthi à Sanaa – a prononcé deux condamnations à mort contre 19 personnalités politiques et éducatives du parti Islah, dont Salem Dael et Muhammad Hilal, qui sont les directeurs de deux écoles.

En août 2021, le tribunal a rendu son verdict concernant 11 membres du Parti du Congrès général du peuple, dont Mme Hanan Al-Shahdhi et Altaf Al-Matari. En juillet 2017, il a prononcé la condamnation à mort de 30 personnalités politiques et universitaires dont Youssef Al-Bawab et Nasr Al-Salami. En mars 2020, il a condamné à mort 35 membres de la Chambre des représentants et confisqué leurs biens qui avaient pu quitter le Yémen. Plus tôt en décembre 2021, le mouvement avait appliqué la peine de mort contre 9 détenus accusés d'avoir tué le chef du mouvement et le chef de son conseil politique, Saleh al-Sammad, frappé par les avions de la "Coalition arabe".

D'autre part, on assiste à un dangereux accroissement des poursuites, par les autorités du Conseil de transition à Aden et le gouvernement yéménite à Marib et Hadramout, à l’encontre de nombreux opposants politiques et journalistes traduits devant le Tribunal pénal spécialisé et les tribunaux militaires dans des procès sans garanties de justice.

L'autorité du Conseil de transition du Sud, pro-émirati, a traduit le journaliste de l'opposition, Ahmed Maher, devant le tribunal pénal spécialisé pour des accusations graves pouvant conduire à la peine de mort alors qu’elles relèvent de l'expression de son opinion sur les politiques du Conseil.

Maher a déclaré depuis sa prison que pendant 6 sessions consécutives, l'administration de la prison de Bir a refusé sa présence au tribunal sous prétexte de ne pas disposer de véhicule, afin de lui porter préjudice et de le garder plus longtemps en prison. Ahmed a entamé une grève de la faim jusqu'à sa libération ou jusqu'à ce que mort s'ensuive pour protester contre les procédures qui lui étaient imposées.

SAM pour les droits et les libertés, une organisation spécialisée dans la surveillance de ce type de violations, a confirmé que le mouvement Ansar Allah a prononcé des condamnations à mort pour plus de 350 personnalités, pour la plupart des opposants, des chefs de gouvernement, des étudiants, des journalistes, des militaires, des universitaires, des femmes et des personnes issues d’autres milieux dont près de 90 en détention.  

Alors que des peines sévères ont été prononcées contre plus de 150 personnalités, certaines des peines de prison ont atteint 15 ans. Plus de 32 personnalités dont des journalistes et des militants ont été jugées sur ordre du Conseil de transition du Sud à Aden et du gouvernement internationalement reconnu de Marib et Hadramaw, dont 5 ont été condamnés à mort à Marib.

La violation du droit à un procès équitable par le mouvement Ansar Allah est source de préoccupation.Les faits confirment qu’un grand nombre de victimes continuent d’être privées d’une manière ou d’une autre de ce droit, certaines de ces victimes ayant été - et continuant d’être - condamnées arbitrairement puisque privées des conditions minimales requises pour un procès équitable. Les informations font état d’un nombre croissant de personnes soumises à ce type de procès, dont le dernier en date relatif à des militants poursuivis pour incitation et trouble à la paix sociale et incitation de l’opinion publique contre la politique en cours.

La nature et les procès menés par les tribunaux contrôlés par Ansar Allah (Houthi) montrent qu'il s'agit de représailles pour nuire aux détenus. Le Tribunal pénal spécial de Sanaa n’a plus de légitimité juridique après que ses pouvoirs aient été transférés à Marib par le Conseil judiciaire du gouvernement reconnu.

Les opposants, les militants et les politiciens Houthis sont confrontés à une réalité exceptionnelle dénuée de justice, le droit à un procès équitable devant la cour et le respect de la présomption d’innocence et d’autres droits humains fondamentaux ayant été supprimés.

Les ONG soulignent que les restrictions imposées par le groupe « Ansar Allah » aux militants et aux civils violent la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1989, auquel le Yémen est partie, ainsi que d’autres droits et obligations qui garantissent le droit à la vie,  l’intégrité physique et un procès équitable, ainsi que la Convention internationale pour la protection des personnes contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 2006.  Ce dernier dispose que « nul ne peut être soumis à une disparition forcée » tout en affirmant que « la disparition forcée généralisée ou systématique constitue un crime contre l’humanité ».

Le système judiciaire au Yémen est divisé entre les parties au conflit. Le prétendu « système judiciaire » de Sanaa sur les tribunaux dans les zones Houthies et le « Club des juges du Sud », l’une des branches du Conseil de transition du Sud, sont clairement contrôlés par ces entités -sans ajouter les directives du gouvernement reconnu sur les tribunaux de Marib et Hadramawt-.

Dans cette situation, il est impossible de renforcer la confiance des Yéménites dans le système judiciaire, et il est impératif que les parties mettent fin à leur tutelle sur les institutions chargées de l’application des lois. Il est important qu’elles motivent les institutions internationales concernées par la justice à commencer à travailler à la réunification du système judiciaire sous une direction acceptable de la part des Yéménites.

La structure de la législation yéménite a contribué à aider les parties au conflit à poursuivre les opposants, en imposant la peine de mort -de manière prodigue- pour de nombreux actes relevant de « crimes contre la sûreté de l’État », alors même qu’un nombre d’entre eux relèvent principalement de l’exercice du droit à la liberté d’expression.

La législation relative à la peine de mort devrait être remaniée pour n'être prévue que pour les meurtres les plus graves et pour n'être prononcée qu'à l’issue d’un procès conforme aux normes d’une procédure équitable et impartiale. La peine de mort devrait être suspendue de manière permanente au Yémen pendant le conflit en raison de son utilisation par les parties belligérantes à l'encontre des opposants.

L’absence de justice pénale et d’impunité au Yémen a contribué à l’appétit du mouvement Houthi -puis d’autres parties- pour commettre davantage de violations des droits humains, en particulier en ce qui concerne les violations du droit à la justice et les exécutions sommaires.  

Dans ce contexte, la communauté internationale doit assumer ses responsabilités en créant un mécanisme international de responsabilisation au Yémen qui œuvrera à réduire l’impunité.

Nous apprécions les efforts de la société civile, des familles des victimes et des avocats qui se tiennent aux côtés des victimes, et soutenons les actions qui dénoncent les violations et font pression pour que justice soit faite, y compris la campagne « Sans justice », qui se spécialise dans le plaidoyer en faveur des détenus politiques et des leaders d’opinion.

Nous appelons le mouvement Houthi à cesser immédiatement les procès politiques contre les détenus et les dissidents, à suspendre l’exécution des condamnations à mort et des autres peines qu’il a prononcées, et à libérer tous les détenus.

Nous soulignons que le gouvernement yéménite doit respecter les normes internationales en matière de procès et de libération des militants détenus dans les zones sous son contrôle et celui du Conseil de transition du Sud.

Les organisations soussignées exhortent les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à intervenir d’urgence en :

- Condamnant les procès politiques contre des dizaines de défenseurs des droits humains, de journalistes, d’universitaires et de détenus politiques détenus au Yémen ;

- Condamnant les exécutions extrajudiciaires au Yémen ;

- Annulant les condamnations à mort prononcées contre des Yéménites détenus arbitrairement et condamnés à mort sans procès équitable;

- Appelant les autorités d’Ansar Allah à mettre fin au recours aux exécutions arbitraires, aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées qui constituent des violations flagrantes du droit international ;

- Suivant de près l’état des exécutions et des condamnations à mort au Yémen; en particulier en se concentrant sur la mise en œuvre d’une série d’exécutions prononcées par le Tribunal pénal spécial et d’autres tribunaux ;

- Appelant les organes nationaux et internationaux compétents à enquêter sur l’affaire dans le contexte plus large de la détention arbitraire et du recours à la torture pour extorquer des aveux ;

- Demandant à la communauté internationale de mettre en place un mécanisme d’enquête axé sur la criminalité et ayant pour mandat d’établir des dossiers à l’usage des autorités compétentes en matière de poursuites.

 

Signataires :

SAM pour les droits et libertés

- Alkarama - Genève

- Association des victimes de la torture - Genève

- Fondation Massar pour le développement et les droits de l’homme

- Fondation Bahith pour le développement et les droits de l’homme

- Coalition yéménite pour surveiller les violations des droits humains

Association des mères de personnes enlevées

- Centre américain pour la justice (ACJ)

- AFD Organisation internationale des droits de l’homme

- Centre iraquien de documentation sur les crimes de guerre