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مقر المجلس القومي

Genève, le 1er juin 2024 – Alkarama a soumis un rapport de suivi à l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (GANHRI) exhortant son Sous Comité d'Accréditation (SCA) à déclasser le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) d'Égypte. Le rapport met en lumière l'incapacité du CNDH à remédier à son manque d'indépendance vis-à-vis du gouvernement et à son inefficacité à lutter contre les graves violations des droits humains.


Le rapport d'Alkarama fait suite à la décision de la SCA en octobre dernier d'accorder au CNDH un sursis d'un an pour rectifier ces problèmes critiques. Bien qu'il eût été initialement noté « A » par le SCA en 2018, indiquant son indépendance et son efficacité, le CNDH a été critiqué par Alkarama comme servant de simple façade au gouvernement pour masquer son bilan préoccupant en matière de droits humains. L'alignement du CNDH avec le gouvernement a en effet compromis sa capacité à enquêter de manière impartiale sur les violations des droits humains en Égypte, comme le souligne le rapport d'Alkarama.


Un outil de relations publiques pour le gouvernement afin de dissimuler un bilan lourd en matière de droits de l'homme

En 2023, le SCA s'est fait l'écho des préoccupations de la société civile concernant le manque d'efficacité de la CNDH, en particulier pour « lutter contre les graves violations des droits humains, notamment la torture, les disparitions forcées, les conditions de détention, la situation des défenseurs des droits humains, le droit à un procès équitable et à une procédure régulière, et la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association ».

Cette grave lacune est due au manque d'indépendance du CNDH vis-à-vis du gouvernement, en particulier du pouvoir exécutif, qui l'empêche d'enquêter librement et sans ingérence sur les questions sensibles relatives aux droits humains en Égypte. Alkarama a souligné que depuis le lancement de la Stratégie nationale des droits de l'homme en septembre 2021 par le président général Al Sissi, le gouvernement dirigé par l'armée a utilisé le CNDH comme un outil supplémentaire pour dissimuler son bilan lourd en matière de droits de l'homme.

En parcourant le site internet du CNDH contenant des communiqués de presse faisant l'éloge des autorités pour leur engagement en faveur des droits de l'homme, le manque d'indépendance et la distance critique de l’institution est flagrant. La perception de la CNDH en tant qu'organe affilié au gouvernement est partagée non seulement par la société civile indépendante, mais semble également être la compréhension que le gouvernement a du CNDH et la propre vision que ce dernier a de lui-même.

« L'institution nationale égyptienne des droits humains ne remplira jamais son mandat si elle reste un organe gouvernemental dépendant de l'approbation du pouvoir exécutif », a déclaré Rachid Mesli, directeur d'Alkarama. « Nous appelons l'Égypte à modifier la loi de la CNDH pour lui accorder l'indépendance conformément aux Principes de Paris et lui permettre de devenir un chien de garde efficace et non un organe de l'État. »

Aucune amélioration en vue

Dans son rapport de septembre-octobre 2023, le SCA a exhorté le CNDH « à renforcer ses efforts pour lutter contre toutes les violations des droits de l'homme » et à « veiller à ce que ses positions sur ces questions soient rendues publiques, car cela contribuera à la crédibilité et à l'accessibilité de l'institution pour tous les habitants de l'Égypte ».

Cependant, le manque d'indépendance et d'efficacité persiste, ce qui entrave gravement la capacité de la CNDH à traiter, signaler et surveiller les violations des droits de l'homme conformément aux principes de Paris.

Le CNDH reste aligné sur le gouvernement égyptien dirigé par l'armée, comme en témoigne un communiqué de presse dans lequel le CNDH a félicité les Égyptiens pour la « révolution du 30 juin ». Cela faisait référence à la prise de pouvoir politique par en juin/juillet 2013, qui a entraîné une crise des droits de l'homme sans précédent avec plus de 60 000 prisonniers politiques.

Cette déclaration ne fait que souligner le parti pris évident du CNDH en faveur du gouvernement dirigé par l'armée, qui a mené une répression féroce contre les opposants politiques de toutes les idéologies, conduisant à la détention arbitraire d'un nombre record de citoyens égyptiens soupçonnés de sympathie ou d'affiliation aux Frères musulmans.  

Alkarama a souligné que les victimes de la répression sont précisément celles qui ont le plus besoin d'une institution nationale des droits de l'homme indépendante et jouissant d'une réputation exemplaire d'impartialité. L'institution devrait être accessible à toutes les victimes de violations des droits de l'homme, quelles que soient leurs opinions politiques réelles ou supposées.

En outre, le CNDH n'a pas la capacité de traiter efficacement et impartialement les plaintes pour torture et mauvais traitements en détention. En effet, dans son rapport Comité des Nations Unies contre la torture le CNDH avait conclu qu'une « écrasante majorité » des allégations de torture faites par les victimes étaient infondées.  

La conclusion du CNDH est d'autant plus troublante que le Comité des Nations unies contre la torture avait conclu que la torture était généralisée et systématique en Égypte, tandis que les ONG indépendantes de défense des droits humains continuent de signaler l’omniprésence des actes de torture et des mauvais traitements en détention.  

Le décalage flagrant entre les rapports des familles des détenus et des organisations internationales de défense des droits de l'homme, d'une part, et les rapports du CNDH, d'autre part, met en évidence le manque d'indépendance de l'institution dans l'une de ses fonctions les plus importantes : la visite des lieux de détention.

Dégrader le statut de la CNDH égyptienne : une nécessité pour préserver crédibilité et de justice

Alkarama a souligné que les déclarations du CNDH dans son rapport au CAT montrent un manque d'indépendance inquiétant, qui met même en péril la sécurité des victimes de torture qui lui soumettent leurs cas.

En outre, le maintien du statut A donnerait aux institutions internationales la fausse impression que le CNDH est indépendant et qu'elles peuvent se fier à ses informations biaisées et inexactes.

Ainsi, les rapports du CNDH démontrent les dangers découlant d’un statut A accordé à une INDH non indépendante. A ce titre, permettre au CNDH de conserver le statut A non seulement en rendrait pas justice aux Égyptiens, il saperait également la crédibilité du processus d'examen et de notation du SCA.  

En conclusion, Alkarama a souligné que le déclassement du CNDH n'est pas seulement crucial pour la société civile et les victimes en quête de justice. Ce déclassement demeure nécessaire pour assurer la crédibilité du système de notation de la GANHRI en Égypte et dans le monde.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le SCA examinera le CNDH lors de sa session de septembre-octobre 2024, sur la base des informations fournies par l'institution et les ONG.

À la suite de l'examen, le SCA peut décider d'accorder un report d'une année supplémentaire, de rétrograder le CNDH ou de lui maintenir le statut A.