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l'Aurore

Le 19 janvier 2016, le tribunal des flagrants délits de Djibouti-ville a condamné Kadar Abdi Ibrahim, le co-directeur de publication du journal l'Aurore, à deux mois de prison avec sursis et a suspendu la publication de ce mensuel pour deux mois. Alors que cette condamnation s'apparente à une volonté des autorités de couper tout moyen d'expression libre dans le pays à l'approche de l'élection présidentielle d'avril 2016, Alkarama et la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) ont saisi le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la Liberté d'Opinion et d'Expression (RS LIBX) du cas de Kadar pour appeler les autorités à annuler la décision à son encontre et d'autoriser à nouveau la publication du journal l'Aurore.

La poursuite judiciaire de ce journal d'opposition et de son co-directeur de publication de 40 ans a été justifiée par la diffusion dans son édition numéro cinq du 11 janvier 2016, d'une photo d'une fillette de sept ans décédée lors de la violente dispersion d'une cérémonie religieuse par les forces de police et l'armée djiboutienne le 21 décembre 2015, qui avait entraîné la mort de dizaines de personnes et de très nombreux blessés. Alors que les autorités n'ont toujours pas lancé d'enquête indépendantes et impartiale sur ces événements, elles ont tenté de bloquer toute diffusion d'information à ce sujet, en arrêtant des opposants politiques mais aussi en poursuivant et en intimidant les journalistes, comme Mohamed Ibrahim Waïss, torturé en détention depuis son arrestation le 11 janvier.

Tandis que la famille de la victime n'a pas porté plainte pour la diffusion de la photographie de leur enfant par le journal, les autorités ont estimé que sa diffusion portait « atteinte à la morale » et ont donc arrêté Kadar à son domicile le 14 janvier. Privé d'avocat en garde-à-vue, il avait finalement été relâché provisoirement après un entretien devant le procureur le 16 janvier. Lors de son procès en flagrance le 19 janvier, assisté de son avocat Me Zakaria Abdillahi Ali, il a finalement été condamné à deux mois de prison avec sursis et le journal suspendu pour deux mois tandis que la photo incriminée a été retirée.

« Si tant est que la photo en question puisse porter atteinte à la morale ou non, le fait de suspendre le journal pour deux mois et de condamner son co-directeur de publication à de la prison avec sursis ne poursuit qu'un objectif de répression à l'encontre de cet organe de presse, alors que se profile une élection déterminante pour l'avenir du pays, » a déclaré Thomas-John Guinard, Responsable juridique de la région Nil à Alkarama.

Cette condamnation est la dernière en date à Djibouti alors que les autorités ont multiplié les poursuites contre des opposants politiques et des journalistes en vue de les intimider et de leur faire cesser leurs activités. Elle est le marqueur d'un clivage politique de plus en plus important dans le pays, notamment depuis que l'actuel président Ismaïl Omar Guelleh s'est porté candidat pour un quatrième mandat consécutif à l'élection présidentielle d'avril 2016. Depuis, les violations des droits de l'homme se sont accentuées sans que la communauté internationale ne réagisse.

Afin de permettre la libre publication du journal l'Aurore, Alkarama et la LDDH ont donc sollicité en urgence le Rapporteur Spécial del'ONU sur la Liberté d'Opinion et d'Expression (RS LIBX) pour demander aux autorités djiboutiennes d'annuler les condamnations prononcées à l'encontre du journal et de Kadar Abdi Ibrahim. Au-delà de garantir une presse libre, les autorités doivent également garantir un libre débat démocratique dans le pays et que tout citoyen puisse librement exprimer ses opinions.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter l'équipe média à media@alkarama.org (Dir: +41 22 734 1008).