Les 7 et 8 mars derniers, le Comité des disparitions forcées (CDF) des Nations Unies a évalué les mesures prises par la Tunisie pour mettre en œuvre la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF). Alkarama avait présenté précédemment les grandes lignes de son rapport aux experts du Comité lors d’une réunion préliminaire. A la suite du dialogue qui a eu lieu entre les experts onusiens et la délégation tunisienne, le Comité a rendu ses observations finales.
La garde à vue « au secret » dans la lutte anti-terroriste : une forme de disparition forcée
Dans leurs observations finales, les experts du Comité font part de leurs préoccupations quant à la pratique de la détention au secret de personnes pendant la garde à vue. Alkarama a attiré l’attention du Comité sur cette pratique répandue en particulier dans le cadre de la lutte antiterroriste et souligné dans son rapport que les familles des personnes arrêtées qui tentent d’obtenir des nouvelles de leur proche sont systématiquement confrontées à un déni des autorités qui ne reconnaissent ni le lieu, ni la réalité de la détention, ce qui constitue une violation majeure de la Convention.
Le Comité a par ailleurs relevé que non seulement les registres officiels des personnes privées de liberté ne sont pas toujours tenus avec rigueur, mais aussi - et c'est plus inquiétant -, que la loi antiterroriste de 2015 permet de détenir incommunicado, une personne soupçonnée de terrorisme pendant 15 jours durant lesquels les droits à voir un avocat ou à contacter ses proches ne sont pas garantis. Le Comité a donc recommandé à l’Etat d’adopter les mesures nécessaires afin de respecter le droit d’être assisté d’un avocat dès le placement en détention, sans distinction basée sur la nature des infractions en cause. Il a été rappelé à l’Etat qu’« aucune circonstance exceptionnelle » comme la nécessité de lutter contre le terrorisme « ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée ».
La disparition forcée n’est pas criminalisée en droit interne
Le Comité a relevé avec inquiétude l’absence de législation incriminant la disparition forcée. Le droit interne ne prévoit pas en effet une définition de ce crime conforme à l’article 2 de la Convention et ne prévoit pas davantage de possibilité de recours pour les familles de personnes disparues. Les experts onusiens recommandent donc à l’Etat partie de « prendre les mesures nécessaires pour que la disparition forcée constitue une infraction au regard de son droit pénal ». La délégation étatique a expliqué durant la session qu’une commission technique avait été mise sur pied afin de travailler à la rédaction d’un projet de loi. L’Etat partie est également invité à rendre le crime de disparition forcée passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité. Le Comité rappelle également que la disparition forcée, si elle est pratiquée de manière systématique, peut constituer un crime contre l’humanité.
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