13 juin 2008
Alkarama for Human Rights, 13 juin 2008
La session actuelle du Conseil des droits de l'homme est consacrée à l'adoption des rapports finaux des pays soumis à l'Examen périodique universel (EPU) en avril-mai 2008. Dans le cadre de cette procédure Alkarama avait présenté un rapport sur la Tunisie . Le lundi 9 juin, les recommandations adressées à la Tunisie ont été adoptées par les membres du Conseil des droits de l'homme.
Lors de la session du 8 avril 2008, consacrée à l'examen proprement dit, les représentants des Etats se sont adonner à un exercice de courtoisie plutôt qu'à un examen objectif et rigoureux de la situation des droits de l'homme en Tunisie. Malgré cette complaisance affichée, la délégation tunisienne présidée par le Ministre de la Justice a néanmoins exigé que ce nouveau mécanisme devait faire la lumière sur " les principaux progrès réalisés en matière des droits de l'homme " et non pas focaliser sur les déficits.
C'est dans cet esprit que les questions posées par les représentants des Etats ne portaient pas sur les graves violations des droits de l'homme commises en Tunisie que certaines ONG locales et internationales dénoncent régulièrement. N'acceptant pas de voir figurer quelques " fausses notes " dans le rapport final, le ministre de la Justice tunisien a exigé que les recommandations " critiques " en soient exclues, ce qui a provoqué de grands débats dans l'assemblée. Le compromis trouvé prévoyait de distinguer les recommandations appuyées et celles rejetées par les Etats examinés.
Or, dans le rapport final, consacré à la Tunisie, présenté pour adoption, ne figure plus cette distinction : Les recommandations ont été reformulées de telle manière qu'elles conviennent dans leur ensemble aux autorités tunisiennes. Certains Etats ont regretté que le rapport ait été présenté à la dernière minute, ce qui a limité le débat. Le représentant permanent de la Belgique a déploré que la recommandation introduite par son pays (§ 63) concernant la liberté d'expression ait été " oubliée ", une première fois en avril, avant d'être reformulée en juin d'une manière convenue.
La Tunisie avait promis pour l'année 2008 de " recevoir des rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme ", de " fournir huit rapports aux organes des Nations Unies parmi lesquels les cinquième et sixième rapports périodiques sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le troisième rapport périodique sur l'application de la Convention internationale contre la torture ". Toutefois dans sa déclaration finale, le Ministre tunisien a omis toute référence à ces engagements !
Les recommandations consignées dans le rapport n'abordent pas la réalité de la situation des droits humains en Tunisie. Celle-ci est pourtant alarmante : Tortures, détentions arbitraires, procès inéquitables, harcèlement de défenseurs des droits de l'homme, bannissement des ONG indépendantes et la régression de la liberté de la presse sont des pratiques courantes.
La répression ne touche pas uniquement les opposants et les défenseurs des droits de l'homme mais vise également tout mouvement de contestation sociale. Aujourd'hui même, la ville minière de Redayef dans le bassin minier de Gafsa, dans le sud ouest déshérité malgré ses richesses minérales, connaît une situation très préoccupante : La région s'est embrasée, depuis le 5 janvier dernier, suite aux promesse non tenues des autorités préfectorales d'un probable recrutement de chômeurs au sein de la Compagnie des phosphates de Gafsa. L'armée a pris position, la police tire à balles réelles sur la population et pille magasins et domiciles. Le bilan encore provisoire est de 3 morts, des dizaines de blessés, des centaines d'arrestations.
Alkarama regrette que le Conseil des droits de l'homme se soit prêté aux manoeuvres de la Tunisie qui avec l'intervention de représentants de certains Etats a tout fait pour réduire l'apport des ONG de défense des droits humains. Lors de la dernière session, ils se sont opposés à la possibilité pour les ONG de critiquer le rapport final, exigeant d'elles qu'elles se contentent de quelques remarques techniques.
Aucune ONG tunisienne indépendante n'a pu assister à la session du Conseil du fait de l'interdiction et du harcèlement quotidien qui les frappent. Seules trois coalitions d'ONG internationales ont pu intervenir sur les dix déclarations d'ONG prévues par le règlement,. Les autres provenaient d'ONG concoctées par la délégation officielle tunisienne. En conséquence, la déclaration conjointe de la Commission arabe des droits de l'homme et d'Alkarama n'a pu être prononcée.
Alkarama espère que le Conseil saura redresser la situation pour faire de ce mécanisme un véritable outil contraignant les Etats à respecter leurs engagements en matière de droits de l'homme. Il est indispensable qu'un mécanisme approprié de suivi des recommandations soit mis en place afin de rappeler aux Etats les engagements qu'ils ont pris vis à vis du Conseil des droits de l'homme.
Intervention qui n'a pu être lue lors de la session
EPU, Tunisie, Déclaration orale ACHR / Alkarama for Human Rights, 09 juin 2008
Monsieur le Président,
La Commission arabe des droits de l'homme et Alkarama for Human Rights partagent l'avis unanime des ONG et des médias indépendants selon lequel l'examen de la Tunisie a sérieusement hypothéqué la nouvelle procédure de l'EPU destinée au départ à améliorer et à faire avancer la question du respect des droits de l'homme dans le monde.
L'examen de la Tunisie a en effet été marqué par une distribution injustifiée de satisfecit de complaisance à une délégation représentant un pays où le moins que l'on puisse dire les violations des droits de l homme sont systématiques.
La forte présence d'ONG alibis (GONGOs) accompagnant la délégation officielle et conduites par des députés et des sénateurs du parti au pouvoir ne doit pas faire illusion.
La réalité de la situation des droits humains en Tunisie est en effet alarmante à plus d'un titre : Tortures, détentions arbitraires, procès inéquitables, harcèlement des défenseurs des droits de l'homme, bannissement des ONG indépendantes et l'énorme régression de la liberté de la presse marquent la réalité quotidienne.
Cette répression ne touche pas uniquement les opposants et les défenseurs des droits de l'homme mais vise également toute velléité de revendication sociale. Aujourd'hui même, la ville minière de Redayef dans la région déshéritée du sud-ouest est sous le contrôle de l'armée après un mouvement de protestation qui dure depuis 6 mois et qui a fait plusieurs morts des dizaines de blesses et des centaines d'arrestations.
La Tunisie qui encore aujourd'hui devant l'honorable Conseil joue l'effet d'annonce, s'abstient depuis plus d'une décennie de collaborer d'une manière effective, non seulement avec les procédures spéciales des Nations unies mais également avec les mécanismes conventionnels auxquels elle a librement adhéré et qui se traduit concrètement par 15 années de retard pour la remise de son rapport périodique au Comite contre la torture.
Même si aujourd'hui nous apportons une note discordante, nous ne pouvons résumer la situation que par l'énorme fossé qui sépare le discours de la réalité.
Les ONG arabes de défense des droits de l'homme lancent aujourd'hui un appel solennel aux nations démocratiques d'allier leur discours officiel avec une réalité qu'ils ne peuvent pas ignorer, ainsi qu'un appel solennel aux nations qui au sein de ce Conseil ont une volonté sincère de construire des sociétés démocratiques et des Etats de droit et qui font des efforts appréciables pour placer les droits de l'homme au centre de leurs préoccupations, de cesser de soutenir et de se solidariser avec des pays qui érigent la violations des droits humains en système de gouvernement.
Je vous remercie.
La session actuelle du Conseil des droits de l'homme est consacrée à l'adoption des rapports finaux des pays soumis à l'Examen périodique universel (EPU) en avril-mai 2008. Dans le cadre de cette procédure Alkarama avait présenté un rapport sur la Tunisie . Le lundi 9 juin, les recommandations adressées à la Tunisie ont été adoptées par les membres du Conseil des droits de l'homme.
Lors de la session du 8 avril 2008, consacrée à l'examen proprement dit, les représentants des Etats se sont adonner à un exercice de courtoisie plutôt qu'à un examen objectif et rigoureux de la situation des droits de l'homme en Tunisie. Malgré cette complaisance affichée, la délégation tunisienne présidée par le Ministre de la Justice a néanmoins exigé que ce nouveau mécanisme devait faire la lumière sur " les principaux progrès réalisés en matière des droits de l'homme " et non pas focaliser sur les déficits.
C'est dans cet esprit que les questions posées par les représentants des Etats ne portaient pas sur les graves violations des droits de l'homme commises en Tunisie que certaines ONG locales et internationales dénoncent régulièrement. N'acceptant pas de voir figurer quelques " fausses notes " dans le rapport final, le ministre de la Justice tunisien a exigé que les recommandations " critiques " en soient exclues, ce qui a provoqué de grands débats dans l'assemblée. Le compromis trouvé prévoyait de distinguer les recommandations appuyées et celles rejetées par les Etats examinés.
Or, dans le rapport final, consacré à la Tunisie, présenté pour adoption, ne figure plus cette distinction : Les recommandations ont été reformulées de telle manière qu'elles conviennent dans leur ensemble aux autorités tunisiennes. Certains Etats ont regretté que le rapport ait été présenté à la dernière minute, ce qui a limité le débat. Le représentant permanent de la Belgique a déploré que la recommandation introduite par son pays (§ 63) concernant la liberté d'expression ait été " oubliée ", une première fois en avril, avant d'être reformulée en juin d'une manière convenue.
La Tunisie avait promis pour l'année 2008 de " recevoir des rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme ", de " fournir huit rapports aux organes des Nations Unies parmi lesquels les cinquième et sixième rapports périodiques sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le troisième rapport périodique sur l'application de la Convention internationale contre la torture ". Toutefois dans sa déclaration finale, le Ministre tunisien a omis toute référence à ces engagements !
Les recommandations consignées dans le rapport n'abordent pas la réalité de la situation des droits humains en Tunisie. Celle-ci est pourtant alarmante : Tortures, détentions arbitraires, procès inéquitables, harcèlement de défenseurs des droits de l'homme, bannissement des ONG indépendantes et la régression de la liberté de la presse sont des pratiques courantes.
La répression ne touche pas uniquement les opposants et les défenseurs des droits de l'homme mais vise également tout mouvement de contestation sociale. Aujourd'hui même, la ville minière de Redayef dans le bassin minier de Gafsa, dans le sud ouest déshérité malgré ses richesses minérales, connaît une situation très préoccupante : La région s'est embrasée, depuis le 5 janvier dernier, suite aux promesse non tenues des autorités préfectorales d'un probable recrutement de chômeurs au sein de la Compagnie des phosphates de Gafsa. L'armée a pris position, la police tire à balles réelles sur la population et pille magasins et domiciles. Le bilan encore provisoire est de 3 morts, des dizaines de blessés, des centaines d'arrestations.
Alkarama regrette que le Conseil des droits de l'homme se soit prêté aux manoeuvres de la Tunisie qui avec l'intervention de représentants de certains Etats a tout fait pour réduire l'apport des ONG de défense des droits humains. Lors de la dernière session, ils se sont opposés à la possibilité pour les ONG de critiquer le rapport final, exigeant d'elles qu'elles se contentent de quelques remarques techniques.
Aucune ONG tunisienne indépendante n'a pu assister à la session du Conseil du fait de l'interdiction et du harcèlement quotidien qui les frappent. Seules trois coalitions d'ONG internationales ont pu intervenir sur les dix déclarations d'ONG prévues par le règlement,. Les autres provenaient d'ONG concoctées par la délégation officielle tunisienne. En conséquence, la déclaration conjointe de la Commission arabe des droits de l'homme et d'Alkarama n'a pu être prononcée.
Alkarama espère que le Conseil saura redresser la situation pour faire de ce mécanisme un véritable outil contraignant les Etats à respecter leurs engagements en matière de droits de l'homme. Il est indispensable qu'un mécanisme approprié de suivi des recommandations soit mis en place afin de rappeler aux Etats les engagements qu'ils ont pris vis à vis du Conseil des droits de l'homme.
Intervention qui n'a pu être lue lors de la session
EPU, Tunisie, Déclaration orale ACHR / Alkarama for Human Rights, 09 juin 2008
Monsieur le Président,
La Commission arabe des droits de l'homme et Alkarama for Human Rights partagent l'avis unanime des ONG et des médias indépendants selon lequel l'examen de la Tunisie a sérieusement hypothéqué la nouvelle procédure de l'EPU destinée au départ à améliorer et à faire avancer la question du respect des droits de l'homme dans le monde.
L'examen de la Tunisie a en effet été marqué par une distribution injustifiée de satisfecit de complaisance à une délégation représentant un pays où le moins que l'on puisse dire les violations des droits de l homme sont systématiques.
La forte présence d'ONG alibis (GONGOs) accompagnant la délégation officielle et conduites par des députés et des sénateurs du parti au pouvoir ne doit pas faire illusion.
La réalité de la situation des droits humains en Tunisie est en effet alarmante à plus d'un titre : Tortures, détentions arbitraires, procès inéquitables, harcèlement des défenseurs des droits de l'homme, bannissement des ONG indépendantes et l'énorme régression de la liberté de la presse marquent la réalité quotidienne.
Cette répression ne touche pas uniquement les opposants et les défenseurs des droits de l'homme mais vise également toute velléité de revendication sociale. Aujourd'hui même, la ville minière de Redayef dans la région déshéritée du sud-ouest est sous le contrôle de l'armée après un mouvement de protestation qui dure depuis 6 mois et qui a fait plusieurs morts des dizaines de blesses et des centaines d'arrestations.
La Tunisie qui encore aujourd'hui devant l'honorable Conseil joue l'effet d'annonce, s'abstient depuis plus d'une décennie de collaborer d'une manière effective, non seulement avec les procédures spéciales des Nations unies mais également avec les mécanismes conventionnels auxquels elle a librement adhéré et qui se traduit concrètement par 15 années de retard pour la remise de son rapport périodique au Comite contre la torture.
Même si aujourd'hui nous apportons une note discordante, nous ne pouvons résumer la situation que par l'énorme fossé qui sépare le discours de la réalité.
Les ONG arabes de défense des droits de l'homme lancent aujourd'hui un appel solennel aux nations démocratiques d'allier leur discours officiel avec une réalité qu'ils ne peuvent pas ignorer, ainsi qu'un appel solennel aux nations qui au sein de ce Conseil ont une volonté sincère de construire des sociétés démocratiques et des Etats de droit et qui font des efforts appréciables pour placer les droits de l'homme au centre de leurs préoccupations, de cesser de soutenir et de se solidariser avec des pays qui érigent la violations des droits humains en système de gouvernement.
Je vous remercie.